Météorologie : le coût du vent
Trois épisodes « vents violents » successifs : les Alpes-Maritimes ont vécu un mois de janvier sans précédent, selon Météo France. Quel impact ? Quelles leçons ? Décryptage
On n’avait jamais vu un tel vent sur la Côte d’Azur ! » Cette exclamation restera comme le tube de janvier 2018. Un mois record sur le front météorologique, sur le littoral mais surtout dans les vallées des Alpes-Maritimes, où plusieurs valeurs absolues sont tombées. Les habitants de Saint-Cézaire-sur-Siagne peuvent en témoigner : le 3 janvier, Eleanor a fait souffler sur leurs têtes un 177 km/h historique ! Au-delà des chiffres, cette succession d’événements climatiques restera dans les annales. Notre département a été placé en vigilance orange « vents violents » à trois reprises en l’espace de trois semaines. Presque autant qu’au cours des treize années précédentes... Une série « inédite » pour un « mois exceptionnel », confirme Marie-France Delansorne, chez Météo France à Nice (lire ci-contre). Ana, Bruno, Carmen, Eleanor... Cet hiver, les tempêtes se suivent et ne se ressemblent pas forcément. Sinon par leur intensité. Les dernières en date (3 et 4 janvier, 16 et 17, puis 20 et 21) n’ont même pas eu besoin de la pluie pour causer des dégâts.
Habitations scalpées
Bien sûr, le bilan reste sans commune mesure avec les intempéries historiques qui firent vingt morts en octobre 2015. Ce mois-ci, deux piétonnes ont successivement été blessées à Nice par la chute d’un arbre, puis d’un candélabre. Aucun décès n’est à déplorer. Mais le département continue à panser ses plaies matérielles. Car pour les particuliers comme pour les entreprises, les coups de vent ont un coût. De Valdeblore à Valberg, un certain nombre de toitures s’est envolé dans les vallées, scalpant littéralement plusieurs habitations ou résidences. La facture est à présent entre les mains des assurances. Le réseau électrique a souffert aussi. La tempête Eleanor a ainsi infligé des coupures à 7 000 foyers des A.-M. et du Var. À chaque fois, Enedis a dû mobiliser ses agents, parfois épaulés par des élagueurs. Parcs, jardins et forêts ont été sensiblement impactés, conduisant les collectivités à engager d’importants moyens. Le Sdis 06 a mobilisé 370 sapeurspompiers pour Eleanor.
Trafic aérien affecté
L’aéroport Nice Côte d’Azur connaît un hiver agité. Le 11 décembre, les orages l’avaient contraint à l’arrêt forcé (plus de 100 vols sur 118 annulés aux départs et aux arrivées). Le 3 janvier, les violentes rafales ont généré des retards sur 8 % des vols. Le 8 au soir, nouvelle alerte, pour trois vols déroutés ou annulés. Les 17 et 18 janvier, encore une quinzaine d’annulations. Sollicitée, la direction de l’aéroport ne souhaite pas communiquer sur cet impact économique. Ces perturbations impliquent fatalement une perte en termes de redevances pour l’aéroport, dont le chiffre d’affaires 2016 s’élevait à 244 millions d’euros. Tout ceci ne l’a cependant pas empêché de franchir le cap des 13 millions de passagers en 2017.
Agriculteurs sinistrés
Après la sécheresse, après la grêle, le vent. Les agriculteurs azuréens n’avaient pas besoin de ce nouveau coup dur. « C’est la dernière tempête qui nous a fait le plus mal. Elle a fini le travail des rafales du 17 janvier » ,témoigne Jean-Philippe Frère, vice-président de la Chambre départementale d’agriculture. 24 exploitants en ont pâti. Essentiellement des maraîchers, dont les serres tunnels ont été détruites ou soufflées. « On ne peut que s’inquiéter de cette succession d’aléas climatiques, confie Jean-Philippe Frère. D’accord, notre métier demande de s’adapter à la nature... Mais jusqu’à un certain point ! Nous allons sensibiliser les agriculteurs pour les encourager à souscrire des assurances multirisques. » Une précaution pas inutile, par ces temps capricieux. Allons-nous devoir vivre avec ? Pour Météo France, il serait hasardeux de lier cette série d’aléas au réchauffement climatique. Reste que « notre département n’est pas habitué à de tels coups de vent, note Jean-Philippe Frère. S’agit-il de cycles ? Ou d’une modification durable ? Je suis incapable de le dire. Ce que je sais, c’est que ces phénomènes se sont accentués. »