Nice-Matin (Cannes)

Météo France : « Un mois exceptionn­el »

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Marie-France Delansorne, chef du centre Météo France de Nice, livre son éclairage sur la série de coups de vent de ce mois de janvier.

Les Alpes-Maritimes avaient-elles déjà connu une série de coups de vent digne de janvier  ?

On peut dire que c’est inédit. La vigilance météorolog­ique a été mise en place en , à la suite des tempêtes de  et aux inondation­s de l’Aude. Depuis , nous n’avions connu que quatre vigilances « vents violents » pour les Alpes-Maritimes la dernière en date remontait à mars . Or nous en avons eu trois pour ce seul mois de janvier ! Une telle répétition est exceptionn­elle.

Des records sont-ils tombés ?

Plusieurs valeurs se sont inscrites parmi les records enregistré­s. Dans le départemen­t, la valeur la plus forte observée à ce jour était  km/h, à Mandelieu, lors de la tempête de . Là, nous avons atteint  km/h à Saint-Cézaire-sur-Siagne le  janvier. Sur le plateau de Caussols, nous avons enregistré en janvier  km/h, soit la deuxième valeur la plus forte enregistré­e derrière le maximum absolu,  km/h, qui datait de . A Péone, on a approché le record de  ( km/h), avec  km/h le  janvier. Ces valeurs montrent le caractère exceptionn­el de ces épisodes de vents violents.

Ont-ils davantage concerné les vallées que le littoral ?

Tout le départemen­t a été touché. Mais les rafales les plus fortes ont concerné les moyen et haut pays, avec des valeurs comprises entre  à  km/h. Même à Levens ou Sospel, nous avons dépassé les  km/h. Sur le littoral, ces rafales se sont plutôt établies entre  et  km/h. A Nice, nous avons enregistré  km/h, soit la deuxième valeur la plus forte, derrière .

Comment expliquer ces tempêtes en série ?

En hiver, une succession de perturbati­ons atlantique­s touche généraleme­nt la France. Certaines sont de plus grande intensité : on parle alors de tempête. Or, depuis le er décembre , le courant-jet - ces vents très forts en altitude - se situe plus au sud que d’habitude. Et cette trajectoir­e favorise l’évolution en tempête des dépression­s qui touchent les régions tempérées.

Cela signifie-t-il que de nouveaux épisodes sont à prévoir ?

Jusqu’au mois de mars, on peut avoir des tempêtes hivernales. Mais aucun épisode « vents violents » n’est prévu à ce stade.

Les habitants de longue date n’ont pas souvenir d’un vent aussi tenace sur la Côte d’Azur... Cette série d’événements traduit-elle une évolution de notre climat ?

Ce n’est pas une évolution. Avec la succession d’épisodes ventés que nous connaisson­s depuis décembre, nous avons le sentiment qu’il y a énormément de vent cette année. Mais cela est dû à la circulatio­n plus au sud de ces perturbati­ons atlantique­s.

Le réchauffem­ent climatique entret-il en ligne de compte ?

En l’état actuel des connaissan­ces, rien ne l’indique. Si on se place à l’échelle du changement climatique, nous ne pouvons établir aucune tendance, au cours des dernières décennies, sur l’évolution de l’intensité des tempêtes. Et pour le siècle à venir, nous ne pouvons pas préciser si les tempêtes seront sensibleme­nt plus nombreuses ou violentes en France métropolit­aine.

Quel étrange phénomène météo s’est produit le  janvier dans le hameau de Saint-Dalmas, à Valdeblore, où les témoins ont évoqué une « mini-tornade » ?

Le terme “tornade” ou “trombe” est forcément associé à une situation orageuse. Il s’agit d’un tourbillon de vent qui se forme sous un nuage d’orage. Ce n’est donc pas ce qui s’est produit le  janvier à Valdeblore... Bien qu’en effet, les conséquenc­es soient les mêmes ! Nous n’étions pas en situation orageuse, mais en vigilance orange « vents violents ». Or des rafales très fortes ont été enregistré­es vers  h . On ne peut pas parler de tornade, mais d’un vent violent, de direction ouest - nordouest à nord-ouest.

D’où vient une telle puissance ?

Quand le vent rencontre un obstacle en relief, une partie plus ou moins importante de l’écoulement de l’air le contourne, l’autre partie passe pardessus puis se rabat. Et quand une vallée est dans la même direction, un effet de canalisati­on et d’accélérati­on se produit, comme dans la vallée du Rhône avec le mistral. Or à Valdeblore, la vallée était dans l’axe des vents forts. Et les vents étaient très forts en altitude.

Les Alpes-Maritimes tendraient­elles à devenir aussi « ventées » que nos départemen­ts voisins ?

Pas du tout. On ne peut pas comparer la vallée du Rhône à notre relief. Au contraire : les AlpesMarit­imes ont plutôt tendance à être plus protégées des vents très forts que l’on trouve à l’embouchure de la vallée du Rhône ou dans le Var. Mais il est vrai que nous ne sommes pas habitués à des vents aussi forts, ni à leur répétition dans un temps aussi rapproché. Depuis le début des relevés fiables sur le vent - les bases de données débutent en  - cela n’avait jamais été observé.

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(Photo C. C.) Marie-France Delansorne, chef du centre Météo France de Nice.

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