Nice-Matin (Cannes)

Godillot, l’inventeur des chaussures militaires, aménage Hyères sans en être maire

- ANDRÉ PEYREGNE NELLY NUSSBAUM

Le godillot est, sans aucun doute, un bienfait pour les soldats et les marcheurs. Mise en vogue sous Napoléon III, cette chaussure militaire a fait toutes les guerres mondiales avant d’être adoptée par les randonneur­s. Si on en parle aujourd’hui, ce n’est pas pour célébrer la marche à pieds, mais pour honorer son inventeur, Alexis Godillot (1816-1893) qui fut un bienfaiteu­r de la ville d’Hyères. Godillot aimait son nom. À tel point qu’il voulait être le seul à le porter en France. Pour ce faire, on raconte qu’il expédia son frère aux États-Unis contre une somme de 20 000 francs or ! Né à Besançon en avril 1816, fils d’un cordonnier, Alexis Godillot se fait d’abord remarquer comme organisate­ur de fêtes à travers la France – notamment dans les villes traversées par Napoléon III, au cours de ses déplacemen­ts en province. Ayant ouvert une tannerie à Saint-Ouen (région parisienne), il devient fournisseu­r officiel de l’armée française.

Il s’offre l’hôtel des Îles d’Or

Après avoir chaussé des fantassins par milliers, Alexis Godillot a sa fortune faite. À l’occasion d’un voyage dans le sud de la France, en 1857, il passe par Hyères. Coup de foudre ! Le soleil, la végétation, la douceur de vivre : c’est là qu’il décide de s’installer. Le grand palace de l’époque, l’hôtel des Îles d’Or, construit en 1850 sur les hauteurs de la ville, lui plaît. Il décide de se l’offrir : non, pas une simple chambre, mais l’hôtel entier ! En 1864, il l’achète avec tous les terrains autour. Aujourd’hui, l’hôtel est devenu un immeuble d’habitation. Godillot va alors se lancer dans l’urbanisme à grande échelle. Il fait tracer les actuelles avenues et rues Victor-Hugo, Andrée-de-DavidBeaur­egard, Victoria, Gallieni et Pierre-Brossolett­e, ainsi que celle qui porte son nom. Il y fait construire des villas, planter des palmiers, dresser des lampadaire­s, ériger la grande fontaine qui existe toujours, ornée de statues mythologiq­ues. En 1882, alors que son épouse est décédée depuis trois ans, il fait appel à l’architecte Pierre Chapoulard pour construire deux villas spectacula­ires : la villa « Saint-Hubert », pour son propre usage, au 70 avenue des Îles d’Or – ce vaste hôtel particulie­r reconnaiss­able à sa tourelle d’angle au toit pointu – et la villa « Mauresque » au 2 de l’avenue Jean-Natte. En 1867, il offre un terrain, ainsi que 800 000 francs, pour la constructi­on de l’église anglicane, qui sera consacrée par l’évêque de Gibraltar en 1884. Alexis Godillot aurait voulu faire plus : construire un château entre les rues Jean-Natte et VictorHugo. Il n’eut le temps de réaliser que les écuries et le manège à chevaux, destinés à son fils. Ce lieu à l’architectu­re spectacula­ire est devenu aujourd’hui une résidence de luxe.

Rencontre avec la reine Victoria

Prévoyant l’avènement du tourisme estival, il souhaitait construire un port et un boulevard le reliant au centre-ville. Il se contenta de bâtir une villa au bord de mer, vers l’actuel port Saint-Pierre, au nom plus que modeste, la « Bicoque ». En 1892, la reine Victoria lui rendit visite. On prétend qu’une des raisons était l’étonnante ressemblan­ce qui existait entre Godillot et son défunt mari. Malgré ses largesses, Alexis Godillot ne parvint pas à se faire élire maire. Les réussites personnell­es trop spectacula­ires heurtent parfois les gens. Il repartit donc mourir à Paris. Mais, au lendemain de son décès, en avril 1893, à 77 ans, Le Journal d’Hyères écrivait : « Cet homme a fait pour notre ville en vingtcinq ans, ce que les Hyérois n’ont jamais pu faire en des siècles ».

Dès la fin du XIIIe siècle, Nice et son comté ont consacré le mois de février au Carnaval, mais il est une tradition qui, célébrée le  février depuis l’Antiquité, ouvre solennelle­ment les festivités, la Fèsta candeliera – fête de la Chandeleur, entourée de superstiti­ons

La Fèsta candeliera se fête 40 jours après Noël. Issue d’une célébratio­n epaïenne de la fécondité, elle fut christiani­sée au V siècle par le pape saint Gélase afin de symboliser la présentati­on de Jésus au Temple et la purificati­on de Marie après ses relevaille­s (sortie de couches). Mais, pour le paysan du comté de Nice, elle avait aussi d’autres significat­ions : elle marquait la fin du Carême, concordait avec le début des mascarades - prémices du Carnaval - mais surtout ouvrait la saison agraire. En effet, à partir de février, les jours rallongent, le soleil se fait plus ardent, impulsant la croissance du blé. Ce lien avec le retour de l’astre solaire est attesté par un dicton niçois : «Per la Candeliera, lou soulèu va per valoun e valiera »( « pour la Chandeleur, le soleil va par vallon et petit vallon»). C’està-dire partout ! Cette fête qui tire son nom du latin « festa candelorum » (fête des chandelles), évoquant les cierges que l’on portait en procession lors de sa célébratio­n, est entourée de superstiti­ons. À Nice et dans sa région, les paysans faisaient bénir une chandelle dans l’église du village puis tentaient de rentrer chez eux, en maintenant la chandelle «tou iluminat »(« tout allumée »). Si elle s’éteignait, le présage était catastroph­ique. En revanche, si elle ne s’éteignait pas, celui qui la tenait était assuré de ne pas mourir dans l’année. Une fois arrivés, ils faisaient le tour de la ferme, des étables, des vergers et des champs et versaient quelques gouttes de cire dans les mangeoires des bêtes. Le cierge était ensuite soigneusem­ent conservé aux fins de protéger la maison et ses habitants.

Une crêpe porte-bonheur dans la grange

La tradition de faire des crêpes pour la Chandeleur aurait également été instituée par saint Gélase qui offrait des galettes aux pèlerins arrivant à Rome. La coutume a franchi les Alpes et la région niçoise a été la première à perpétuer cette coutume. Longtemps disparue, elle est réapparue au XIIIe siècle, la veille du Carnaval sous le nom de «lu crespèu de la Candeliera »(« la crêpe de la chandelle »). Au départ, les crêpes se cuisaient dans l’âtre et chacun retournait la sienne, souhaitant prospérité et abondance pour les prochaines récoltes. «À la Chandeleur, relate l’ouvrage L’iver en païs Nissart (L’hiver en pays niçois), si les paysans ne faisaient point de crêpes, leur blé de l’année serait carié. » À partir du XIXe siècle, pour doubler le souhait de belle récolte, les agriculteu­rs déposaient une pièce sur une crêpe qui, roulée dans un papier, était conservée dans la grange à foin. L’année suivante, la pièce était alors récupérée et donnée au premier pauvre qui passait. Plus tard, la tradition a décrété qu’une pièce de monnaie ou, pour les plus fortunés un louis d’or, devait être placée dans la main gauche, tandis qu’on faisait sauter la crêpe de l’autre, pour avoir de l’argent toute l’année.

Sources : tradiciun, 2014. Jean-Marc Giaume, Serre éditeur, 2006. la France Pittoresqu­e, 1904. par Eric Fontan, rubrique par

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(Photos DR) Malgré ses largesses, Alexis Godillot ne parvint pas à se faire élire maire. Il repartit donc mourir à Paris. La villa « Mauresque », qu’il a faite construire à Hyères, au  de l’avenue Jean-Natte. Cette chaussure militaire a fait toutes les guerres...
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