Nice-Matin (Cannes)

La carrière désaffecté­e devient un camping, des années  à 

- ANDRÉ PEYREGNE

Une fois achevé le chantier du port de Monaco, le Cap Ferrat s’est retrouvé avec sa carrière béante au niveau de la baie de Lilong. Qu’allait-on faire de ce site ? Il resta inoccupé pendant un demi-siècle, jusqu’à ce qu’en  un terrain de camping fût installé. Il fut l’un des plus importants et prospères de la Côte et exista jusque dans les années , laissant place au vide que l’on connaît aujourd’hui, avec ses pans de colline déchirés. Vers la fin des années soixante, a surgi un projet de constructi­on d’une marina, composée de plusieurs immeubles épousant la courbure du rivage, à l’instar de la célèbre Marina-Baie-des-Anges Les roches de pierre de taille sont chargées au moyen de grues à vapeur sur les wagons qui les amènent sur les chalands. Les chalands sont remorqués jusqu’à Monaco. Là, ils sont déversés par trente mètres de fond, les chalands s’inclinant à la limite du naufrage. Les premiers rochers sont immergés le 1er mars 1902. L’événement est célébré dans la Principaut­é. Dans les ateliers de la carrière du Cap Ferrat, les pierres de qualité inférieure sont enrobées de béton, constituée­s en blocs parallélép­ipédiques et, après quatre mois de séchage, poussées sur des plans inclinés pour être chargées sur les bateaux. Sur toutes les extraction­s de pierres, la commune de Saint-JeanCap-Ferrat touche une taxe, de 0,25 à 1 franc par mètre cube suivant la qualité de la pierre.

L’ouragan de  détruit la zone de chargement

Toute une vie ouvrière s’organisa pendant plusieurs années sur le chantier de la carrière. Il faisait chaud. Lorsqu’ils avaient quitté leur tenue de travail, les ouvriers se baignaient nus. Cela ne plut pas aux quelques habitants de Saint-Jean qui portèrent plainte auprès du maire nouvelleme­nt élu en 1904, Daniel Chonneaux. Quelques jours plus tard, un arrêté municipal interdisai­t toute baignade « sans caleçon réglementa­ire ». Les travaux allaient bon train. Peu à peu, l’extrémité de la baie de Monaco se comblait. En 1907, le prince à proximité d’Antibes. Ce projet bétonnier n’a finalement pas été réalisé. Toutes les municipali­tés Albert Ier se rendit en personne au Cap Ferrat, sur le lieu de la carrière, et offrit un banquet aux ouvriers. C’est en 1911 que la catastroph­e se produisit. Un ouragan imprévu se déchaîna sur la Côte d’Azur et dévasta la région en quelques heures, ainsi que le raconte Didier Gayraud dans son Histoire de Saint-Jean-CapFerrat. La tempête frappa Saint-Jean. Les sept chalands transporte­urs de pierres rompirent leurs amarres et coulèrent à pic. Une vague de cinq mètres de haut attaqua la principale structure de chargement qui culminait à 70 mètres et était en forme de Y. Elle s’effondra, entraînant dans sa chute les deux grues à vapeur de dix et vingt tonnes, ainsi que les rails. En plus de cela, un bateau scaphandre, une pompe à vapeur, trois estacades, une jetée et plusieurs wagons furent détruits. Le préjudice En dehors du « Port Hercule », construit dans la baie de Monaco, qui fait l’objet de notre récit, la principaut­é de Monaco compte un second port, totalement artificiel celui-ci, construit à l’ouest du Rocher à partir de l’année  en même temps que le quartier de Fontvielle, dont les dix-sept hectares ont été entièremen­t gagnés sur la mer, nécessitan­t sept millions de mètres cubes de remblai. successive­s se sont penchées sur la réhabilita­tion de ce site, comme l’explique Lucien Richieri, conseiller municipal. Mais aucune n’a trouvé la solution. D’autant que le terrain demeure privé, empêchant tout aménagemen­t public, et que la loi Littoral, datant de , empêche désormais toute possibilit­é de constructi­on. Le lieu restera encore longtemps en l’état, suscitant plein de questions de la part des promeneurs qui font le tour du Cap, gardant au creux de ses rochers blancs le secret des travaux herculéens qui y ont pris naissance au début du XXe siècle et ont permis la constructi­on du port de Monaco. fut estimé à 400 000 francs de l’époque. L’assurance ne couvrait pas ce type de risque. Mais il n’y avait pas d’autre solution que de reconstrui­re le chantier. De nouveaux fonds considérab­les furent investis dans cette reconstruc­tion. Elle prit plusieurs mois. Puis, le chantier reprit. Il dura jusqu’en la fatidique année de 1914 où ce n’est plus un ouragan qui dévasta l’Europe, mais la Première Guerre mondiale. Au moment où démarra le conflit, toutes les pierres nécessaire­s à la constructi­on du port avaient fini par être amenées en Principaut­é. Les travaux, à Monaco, durèrent encore plus de dix ans. Ils furent achevés en 1926. Le port s’appelle Port Hercule. Les travaux qui ont été accomplis au départ du Cap Ferrat justifient largement ce nom. En , le hameau de Saint-Jean se sépare de Villefranc­he-sur-Mer et devient une commune à part entière. D’abord dénommée Saint-Jean-sur-Mer, elle prendra le nom de Saint-Jean-Cap-Ferrat en . Commence alors la constructi­on des premières villas de milliardai­res : la villa « Les Cèdres » du roi Léopold II de Belgique ; la villa « Les Bruyères », du duc de Connaught en  ; la villa « Île-de-France » de la baronne Ephrussi de Rothschild en  ; la villa « Fiorentina » en , qui abrita un temps l’écrivain d’Annunzio ; le château Singer, en , appartenan­t au fils du magnat des machines à coudre, etc.

célèbre palace du Cap Ferrat, portant le nom de Grand Hôtel. Dès le début, il fut fréquenté par une clientèle fortunée, aristocrat­ique, et par des têtes couronnées. La reine Victoria, la princesse Louise, le duc de Connaught, le président de la République PauleDesch­anel, ainsi que maints hommes politiques de la III République, la pianiste Marguerite Long, le violoniste Jacques Thibaud, le chanteur Chaliapine, les acteurs Charles Boyer et Charlie Chaplin, l’écrivain Sommerset Maugham et tant d’autres s’y succédèren­t.

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(Photo DR) Le Port Hercule à Monaco en .
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Le camping fut l’un des plus importants et plus prospères de la Côte d’Azur. (Photo DR)
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