Nice-Matin (Cannes)

Notre Histoire Aubagne : Marcel Pagnol y est né et n’a jamais oublié HORS LES MURS Ça vient de paraître

- NELLY NUSSBAUM RECUEILLI PAR RÉGINE MEUNIER

Au départ, rien ne destinait Marcel Pagnol à écrire des oeuvres champêtres. Pourtant, en cette fin du XIXe siècle, sa ville natale, Aubagne, dotée d’un territoire fertile, est encore essentiell­ement agricole. La commune est même et, depuis des siècles, le marché maraîcher de toute la région. Malgré cet environnem­ent bucolique, le petit Marcel, aîné d’une fratrie de quatre enfants, est né dans une famille plutôt citadine. D’ailleurs, c’est en ville, à Marseille (à 20 kms d’Aubagne) que la famille part s’installer lorsque Joseph, son père instituteu­r, est muté pour la rentrée scolaire de 1897. Il va passer son enfance et sa jeunesse dans la cité phocéenne. En fait, c’est à 9 ans, pendant des vacances, que le futur écrivain-cinéaste-académicie­n découvre le Garlaban, un massif qui domine Aubagne et culmine à 714 mètres d’altitude. Il y rencontre Lili, un petit paysan, enfant du pays, qui va lui en révéler tous les secrets : la faune, la flore, les vies pastorale et St-Paul-de-Vence : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Le nouvel accrochage de la Fondation Maeght est conçu autour de la notion d’humanité et propose ainsi une lecture différente de ses collection­s. Empruntant son titre à un poème d’Aragon, l’exposition « Est-ce ainsi que les hommes vivent? » présente une centaine d’oeuvres (peintures, sculptures, dessins ou estampes) autour de différente­s notions liées à l’être humain. Le parcours de l’exposition se construit aussi sur les représenta­tions de l’homme dans ses relations, sociales ou intimes. Autour de la figure humaine apparaisse­nt les corps, leurs environnem­ents, avec leurs excès, leurs souffrance­s ou leurs joies, leurs vérités ou leurs utopies. La visite, à travers les oeuvres de Pierre Alechinsky, Pat Andrea, Arman, Eduardo Arroyo, Francis Bacon, Georges Braque, Alexander Calder, Louis Cane, Marc Chagall, Marco Del Re, Erik Dietman, Jean Dubuffet, Henri Matisse, Joan Miró et bien d’autres… propose la redécouver­te d’oeuvres majeures de la collection et la découverte d’autres rarement montrées ou inédites.

Jusqu’au 11 mars, Fondation Maeght, 623, chemin des Gardettes, Saint-Paul-deVence. Ouverte tous les jours. d’Octobre à juin, de 10 h à18 h. De juillet à septembre, de 10 h à 19 h.Tarifs : de 10 à 15€. Tél : 04.93.32.81.63. Site : www.fondation-maeght.com paysanne. Dès lors, Marcel et Lili passeront toutes leurs vacances à gambader dans ce massif provençal, à poser des pièges à lapins, à explorer les grottes et s’égratigner les genoux. Ce vaste terrain de jeu, que l’écrivain n’oubliera jamais et ne quittera pas complèteme­nt, va devenir sa source d’inspiratio­n avant de devenir les décors naturels du cinéaste. C’est là, au milieu des pierres, qu’il va notamment reconstrui­re un village abandonné pour tourner Regain, ou encore faire évoluer Manon des Sources et Jean de Florette.

Sa maison natale perpétue sa mémoire

L’épopée Pagnol a débuté le 28 février 1895 à Aubagne, au 16 cours Barthélémy, dans un logement de fonction, mis à dispositio­n par le maire Joseph Laffont (de 1893 à 1905). Ce logis, qui a connu les premiers balbutieme­nts du père de la triologie Marius, Fanny et César, a été reconstitu­é par la municipali­té en 2003. Aussi, il semble que rien n’ait changé depuis l’époque Pagnol, sauf l’étage. En effet, l’appartemen­t où est né le petit Marcel se trouve au 3e étage, mais pour des raisons d’accessibil­ité, c’est au rezde-chaussée de l’immeuble que la Ville a réaménagé à l’identique les trois pièces qui racontent la vie de l’écrivain, ses souvenirs d’enfance, ses livres, ses films et même son arbre généalogiq­ue. Le mobilier, les bibelots et les accessoire­s personnels des Pagnol Saint-Tropez : des animaux et des Stars L’exposition temporaire qui vient de s’installer au musée de la Gendarmeri­e et du Cinéma invite le public à découvrir le regard curieux et indiscret que pose le photograph­e Edward Quinn sur l’affection partagée entre les célébrités et leurs animaux de compagnie. On découvre des stars, telles Brigitte Bardot, Juliette Gréco, Natalie Wood, Pablo Picasso, Alfred Hitchcock, Grace Kelly ou encore Louis de Funès…. dans un quotidien intime, avec les animaux qui partagent leur vie. On les rencontre dans leurs résidences, sur des lieux de tournages ou dans des festivals… Des clichés où transparai­ssent la complicité et l’amour entre deux êtres, l’un sur le devant de la scène, l’autre ne cherchant que caresses et protection (ci-dessous Grace Kelly et son chien, un braque de Weimar).

Jusqu’en janvier 2019, musée de la Gendarmeri­e et du Cinéma, 2 place Blanqui, Saint-Tropez. Tous les jours, de 10 h à 18 h. Tarifs : 4 et 2€. Infos : 04.94.55.90.20. ainsi que des vêtements, comme un costume de marin - « l’habit du dimanche » des petits garçons de l’époque - laissent imaginer la vie que menait alors une famille de « petits notables ». Dans la cuisine, tout est authentiqu­e. Sur la pile (évier provençal) en pierre de Cassis, matériau symbolique présent dans nombre de demeures de Provence, pots, vases, vaisselle et ustensiles sont prêts à être utilisés … Émouvantes aussi, les deux bartavelle­s (perdrix royales) empaillées, suspendues audessus du fourneau. Ces deux oiseaux représente­nt les butins d’une partie de chasse où Joseph Pagnol, plus intellectu­el que chasseur, a réussi le « coup du roi », soit deux tirs, deux prises. Un « coup » exceptionn­el qui lui a valu les honneurs du village.

Photos inédites

Quoi qu’il en soit, ces deux trophées de chasse sont à l’origine de La gloire de mon père, qui, paru en 1957, est le premier ouvrage d’une trilogie relatant les jours heureux Ce manuscrit original, retrouvé en Angleterre, a été écrit par Emmanuel de Las Cases, le conseiller d’État qui a suivi Napoléon dans son exil à Sainte-Hélène, en . Il rapporte ses conversati­ons avec l’Empereur. Cette « découverte » remonte à  alors que Peter Hicks, qui a contribué à la restitutio­n de ces documents avec Thierry Lentz, François Houdecek et Chantal Prévot – tous historiens de la fondation Napoléon - faisait des recherches à la British Library à Londres.

Pendant combien de temps ce manuscrit a-t-il disparu ? Les quatre volumes se cachaient parmi les papiers de la famille Bathurst jusqu’en . Henry Bathurst a été ministre de la Guerre et des Colonies britanniqu­es à partir de juin . Il était responsabl­e de Sainte-Hélène et de la garde de Napoléon. En , la Commission pour les manuscrits britanniqu­es, organisme chargé de faire l’inventaire des papiers en mains privées, publia un rapport sur la collection des Bathurst. A partir de là, tout chercheur anglophone pouvait en connaître l’existence. Les papiers de la famille Bathurst furent versés à la British Library en , mettant ainsi le texte à la dispositio­n d’un public plus large.

A-t-il été oublié, perdu ou caché ? Difficile à dire, mais sans doute oublié. La présence du manuscrit dans les papiers Bathurst ne fut connue du public qu’en , trop tard pour tous les historiens qui avaient célébré à grand renfort de publicatio­ns les anniversai­res du centenaire du Premier Empire et de la mort de l’Empereur. N’oublions pas la difficulté de consultati­on des volumes. Jusqu’en , il fallait se rendre au château des Lords Bathurst près de la petite ville de Cirenceste­r, dans le comté de Gloucester­shire, loin de la capitale britanniqu­e. Ce qui ne facilitait pas de l’enfant en Provence. Le livre débute par ces quelques lignes : « Je suis né à Aubagne, au pied du Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers ». Plus loin, la salle à manger résonne de rires d’enfants. En attendant le dîner, c’est sur la table familiale en chêne que Joseph corrige les copies de ses élèves et qu’Augustine rapièce les vêtements de ses hommes. Dans un coin de la pièce, s’étalent des bâtons de couleurs, premiers jeux du petit Marcel. Plus loin, dans la chambre à coucher, trône encore le berceau où Augustine berçait l’enfant prodige et qui a, sans doute, vu ses premiers pas. Partout sur les murs du logement s’affichent des photos inédites et des lettres manuscrite­s presque indiscrète­s qui dévoilent une facette intime du dramaturge. Une palette émouvante lorsque l’on sait que Pagnol a toujours été un grand pudique. Puis, pour terminer le voyage, une salle de « cinéma » installée dans une dépendance, projette en boucle des vidéos qui parlent de l’homme, de l’auteur, de ses oeuvres. Un film pour revivre en images la Provence de Pagnol. Sources : office de tourisme d’Aubagne. Remercieme­nts à Marie-Jeanne Granier, agent d’accueil de la maison de Marcel Pagnol. La maison natale de Marcel Pagnol, 16 cours Barthélemy, 13400 Aubagne. Ouverture du 1er novembre au 31 mars, du lundi au samedi de 9 h à 12h30 et de 14 h à 17h30. Ouverture du 1er avril au 31 octobre, du lundi au dimanche de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 18 h.Tarif: 3€. Infos : 04.42.03.49.98. l’affaire. De plus, les archives anglaises ont été pendant longtemps boudées par les chercheurs français. Nous voilà au deuxième centenaire et le manuscrit est en accès (relativeme­nt) libre à Londres!

Las Cases a-t-il enjolivé le récit publié par rapport à l’original ? L’existence du manuscrit original permet de se faire une meilleure idée de la fiabilité et de la sincérité historique­s du texte publié par Las Cases. Nous pouvons confirmer désormais que Napoléon a voulu se servir de Las Cases pour se donner un visage plus libéral. Toutefois, lorsqu’il récupère ses papiers en , il semble que Las Cases décide que le manuscrit en l’état, manque de « chair ». Il décide alors de reprendre son travail. À l’aide de probables notes, de sa mémoire ou en conversant avec ses anciens compagnons d’exil, il s’attache à tirer à la ligne. En prenant bien garde à ne pas froisser le gouverneme­nt royal, il ajoute des anecdotes, et des pages entières de textes issus des mémoires de Napoléon sur le Directoire, l’Italie ou l’Égypte. Par ailleurs, Las Cases ajoute des souvenirs personnels laissant croire au lecteur que c’est Napoléon qui voulait toujours en savoir plus sur la vie de son secrétaire. Mais Las Cases va plus loin, et place dans la bouche de Napoléon des maximes désormais passées dans la légende, que le manuscrit de la British Library ne comporte pas. Napoléon a-t-il vraiment dit « Quel roman quemavie » ou cet aphorisme est-il dû au génie et au sens de la formule de Las Cases ? Pour l’heure il est impossible de trancher. Le Mémorial de Sainte-Hélène, éditions Perrin et Fondation Napoléon,, 42 euros.

 ?? Un immense album de photos débordant de tendresse. ?? Les exposition­s
La famille Pagnol à Marseille vers -. Marcel est l’aîné. Paul, né en , Germaine, née en , et René, né en .Un frère aîné, Maurice, né le  avril  et mort le  août de la même année, ne sera jamais mentionné dans...
Un immense album de photos débordant de tendresse. Les exposition­s La famille Pagnol à Marseille vers -. Marcel est l’aîné. Paul, né en , Germaine, née en , et René, né en .Un frère aîné, Maurice, né le  avril  et mort le  août de la même année, ne sera jamais mentionné dans...

Newspapers in French

Newspapers from France