Nice-Matin (Cannes)

Plus belle la vie Repères

Arrivé sur fond de scepticism­e quant à son niveau et son salaire, Luiz Gustavo amis tout l’OM dans sa poche en six mois. Le Brésilien est « LA » recrue de l’été. Un patron

- MATHIEU FAURE

Luiz Gustavo a une dégaine sortie des années 80. Quand la moustache et la coupe de cheveux façon caniche mouillé étaient à la mode et starifiés par Lionel Richie. Pourtant, le milieu brésilien de l’OM n’est pas du genre « fièvre du samedi soir ». Au contraire. « Si vous faites un guide des meilleurs restaurant­s, là je peux peut-être vous aider, mais pour les discothèqu­es...» lâche-t-il dans les colonnes du Parisien à l’automne 2017. Un Brésilien, milieu défensif, qui n’aime ni la nuit ni tout ce qui brille, c’est étonnant. Marseille s’est pourtant trouvé une perle rare avec son numéro 19. Drôle quand on se replonge dans les commentair­es qui ont accompagné son arrivée en provenance de Wolfsburg l’été dernier. Avec son contrat qui court sur 4 ans et son salaire (5 millions par an), tout le monde criait au pigeonnage. Six mois plus tard, on parle de coup de l’année. Surtout pour un joueur acheté 8 millions d’euros. La bascule s’est faite un soir d’OM-PSG au coeur de l’automne. Là, au milieu des Verratti, Rabiot et Thiago Motta, Luiz Gustavo se balade. Il marche sur tout le monde et s’offre un but de 25 mètres. Un patron est né. Une prestation d’autant plus folle quand on connaît les conditions psychologi­ques du Brésilien au moment du choc à en croire ses propos relatés par le site officiel du club deux jours après le match. « C’était un match très spécial. On ne voit que la partie du jeu. Mais (e d’un point de vue personnel, c’était une des périodes les plus difficiles que je vivais. Ma grand-mère était hospitalis­ée et après trois jours, elle est décédée. Personne ne savait ce que je traversais. Mais comme je le disais, tout pour moi a une philosophi­e. J’ai appris avec ma famille à toujours valoriser le travail au maximum quelle que soit la situation. J’ai appris ça avec ma mère, ma grand-mère. Et même si c’était un moment difficile, je connaissai­s ma responsabi­lité. Je savais ce que je devais faire. » Dans la vie du Brésilien, deux choses comptent plus que tout : sa famille et la religion. Pourtant, l’homme aurait pu déraper, et très tôt. « J’ai quitté mon domicile à 16 ans pour suivre ma carrière de footballeu­r. Les choses ont commencé à changer à ce moment-là, se souvient-il dans les colonnes de La Provence début janvier. Déjà, j’ai perdu ma mère à 16 ans. Ça m’a fait beaucoup penser aux choix de vie, au chemin que je voulais prendre. Pour moi comme pour tous les Brésiliens, l’adolescenc­e est un passage un peu difficile. A cet âge, j’étais agité, je me bagarrais très souvent. J’ai causé beaucoup de tracas à mes parents ». Un passage difficile qu’il avait également abordé chez nos confrères de L’Equipe : « Quand ma mère est partie, j’étais à un âge dangereux. À seize ans, il y a deux routes : soit on prend le bon chemin, soit on prend le mauvais. Grâce à Dieu, j’avais une famille qui m’a enseigné ce qui fait qu’on voit clair ». A 20 ans, le jeune milieu traverse l’océan Atlantique et signe à Hoffenheim, un petit club allemand qui adore les Brésiliens (Roberto Firminho, Carlos Eduardo, Maicosuel). Alors que le club est en deuxième division, Luiz Gustavo et sa bande montent en 2008 et s’installent durablemen­t en Bundesliga. Comme c’est souvent le cas en Allemagne, le Bayern Munich met la main sur les meilleurs joueurs de la concurrenc­e. Dès lors, le milieu signe en Bavière en 2011 où il va tutoyer l’élite avec deux finales de Ligue des champions de rang avant de filer à Wolfsburg. C’est au Bayern qu’il débute aussi son parcours en équipe nationale. Une fierté mais aussi un fardeau car le 8 juillet 2014, il est de la déroute historique contre l’Allemagne en demi-finale du Mondial disputé au Brésil (7-1). Deux jours plus tard, il se livre sur son compte Facebook. Les yeux sont encore rougis. « Nous savons que nous sommes 23 visages marqués à vie par cette défaite. À tort ou à raison, nous devons rester humbles et reconnaîtr­e nos erreurs, nos responsabi­lités et savoir vivre avec les critiques. À partir de maintenant, elles feront partie de nos vies. (...) Le poids est très grand, je n’ai même pas la force de regarder une autre personne dans les yeux ». Plus sélectionn­é depuis mai 2016, le garçon reste marqué à vie par ce match. Mais il a su se ressourcer auprès des siens. « J’ai peu d’amis, les miens sont de qualité » dit-il simplement. Car, au fond, le milieu de l’OM n’est pas quelqu’un de torturé. Au contraire. « Je pense que les hommes compliquen­t souvent les choses sans raison. Moi, je joue au foot comme je vis : tranquille­ment, simplement, en essayant d’être heureux », philosophe-t-il au Parisien. Mais le capitaine olympien a surtout très bien compris comment fonctionna­it son nouveau club. Subtil communiqua­nt, il disait simplement avant d’affronter le PSG à propos du style de l’équipe de Rudi Garcia : « Je crois qu’on doit rester dans ce qui fait l’essence de l’OM : jouer quatre-vingt-dix minutes à fond, se battre et qu’à la fin nos supporters soient fiers de nous. Ils aiment les joueurs qui luttent, se battent, qui vivent pour leur club. » Ce soir, face à Monaco, Luiz Gustavo va ressortir son bleu de chauffe et le public l’aime pour ça.

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