Nice-Matin (Cannes)

Bruno Saby fait le grand écart

Grand amoureux de l’épreuve devant l’éternel, le Grenoblois célèbre ce week-end le trentième anniversai­re de sa victoire en pilotant la voiture ouvreuse. Rencontre entre passé et présent

- LA CABANETTE PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Entre lui, le pilote, et elle, la course, l’histoire d’amour dure depuis près d’un demi-siècle. « Mon premier Monte-Carlo? , au volant d’une Ford Capri », répond du tac au tac Bruno Saby quand on lui demande de faire une marche arrière jusqu’aux sources de sa longue trajectoir­e jalonnée de maints coups d’éclat et de quelques triomphes majuscules. Vingt ans plus tard, en , après avoir enchaîné presque sans relâche dix-sept participat­ions, le Grenoblois tirera sa révérence. Il bifurquera vers les rallyes-raids. Avec la satisfacti­on du devoir accompli. Et sans jamais tourner le dos à cette épreuve chérie qui a provoqué très tôt en lui l’étincelle. En témoigne une nouvelle fois sa présence cette semaine dans le baquet de la Renault Megane R.S. ouvreuse. Numéro . A  printemps, « Bruno le tourmenté », comme le surnommait notre regretté confrère Marc Canonne, se délecte de faire la trace devant les cadors du WRC. Cerise sur le gâteau - d’anniversai­re -, ce fidèle parmi les fidèles souffle là les trente bougies de sa seule et unique victoire en Principaut­é décrochée le  janvier  sous les mythiques couleurs LanciaMart­ini. L’occasion d’enclencher avec lui la machine à remonter le temps, mais aussi d’évoquer le rallye d’aujourd’hui. Allez, Bruno, raconte...

 : « Le plus grand jour de ma carrière »

« Pour moi, cette 56e édition ne fut pas la plus palpitante, la plus disputée, loin s’en faut. Mais elle garde une place à part, bien sûr. C’est tout simplement le plus grand jour de ma carrière. Le Monte-Carlo 1988 se situe un cran au-dessus du Dakar 1993. Et beaucoup plus haut que le Tour de Corse 1986 (remporté dans des circonstan­ces dramatique­s après l’accident mortel des leaders Henri Toivonen et Sergio Cresto, ndlr). C’est la course que je voulais gagner à tout prix. Celle qui a bercé mon enfance. Gamin, en voyant passer les voitures devant chez moi, j’ai

eu le coup de foudre. J’ai compris que ma vie et le rallye ne feraient qu’un. » « Bon, il a fallu s’armer de patience avant de trouver le chemin de la victoire. Ici, très souvent, j’étais performant. Mais la roue de la fortune ne me souriait pas trop. En 1980, sur la R5 Alpine, je décroche le classement Promotion (15e du général). Six ans plus tard, à l’aube de l’ultime saison des groupe B, je réussis un départ canon mais la boîte de vitesses me joue un mauvais tour. Autre voiture, même motif, même punition : en 1987, alors que je viens de décliner l’offre de Jean Todt de Col de Turini poursuivre le chemin avec Peugeot en rallye-raid, juste pour tenter remporter enfin le « Monte-Carl’ », ma prise de risque tourne au fiasco. Sur des routes pleines de neige, on pointe en tête devant les deux autres Lancia Delta officielle­s quand la transmissi­on casse du côté de Saint-Léger-du-Ventoux. Un coup de massue. » « L’année suivante, les prétendant­s sérieux à la victoire ne se bousculent pas, donc je me dis que c’est maintenant ou jamais. Micky (Biasion) est vite contraint à l’abandon donc le match prend la forme d’un duel contre mon autre coéquipier, C’est l’ultime ligne droite. Façon de parler, bien sûr... Comme à l’accoutumée, les cols du haut pays niçois accueillen­t la double boucle finale. Rendez-vous ce matin au pied de sa Majesté Turini (ES 14 et 16) : la montagne sacrée présente un tracé un brin raccourci par rapport à 2017 puisque le départ est donné cette fois sur la place de La BollèneVés­ubie. Attention, les abords de quatre derniers Yves Loubet. On connaît chacun notre lot de soucis. Malgré tout, j’arrive à frapper un grand coup dans le Burzet, où je lui colle 56 secondes. Quand il part à la faute, entre Malijai et Puimichel, l’horizon se dégage, mais il reste un long bout de chemin. Garder le rythme, la concentrat­ion, éviter l’erreur stupide, telle est la priorité, désormais. Jamais la nuit du Turini ne m’aura paru aussi longue. Interminab­le! Comme si c’était hier, je me rappelle du dernier point stop. Mes copains m’ont accueilli avec un mot de trois lettres inscrit sur une grande pancarte : ouf ! Il s’agissait en effet d’un sacré soulagemen­t. Vous kilomètres de l’ascension sont strictemen­t interdits au public. Concernant l’autre spéciale (ES 15 et 17), une épreuve inédite reliant La Cabanette au col de Braus choisie comme Power Stage, les spectateur­s ne pourront y accéder en voiture que par Sospel via la D2204. Cinq « zones public » sont aménagées autour des épingles précédant l’arrivée afin de suivre de près le dénouement prévu vers13 h. AUJOURD’HUI : 4 ÉTAPE (MONACO-MONACO)

E Départ (Monaco, quai Albert-Ier) : 6 h 49 ES14et16- La Bollène Vésubie-Peïra Cava (18,41 km) : 8 h 32 et 10 h 55 ES15et17- La Cabanette-Col de Braus (16,87 km) : 9 h 08 et 12 h 18 Arrivée (Monaco, quai Albert-Ier) : 13 h 48 Pilong savez, sans ce succès-là, plus tard, je n’aurais pas osé parler de ma vie de pilote à mes petits-enfants... »

 : « Une marque de reconnaiss­ance »

« C’est ma quatrième participat­ion d’affilée en qualité d’ouvreur. L’Automobile Club de Monaco me confie cette fonction importante. Je la prends comme une marque de reconnaiss­ance. De quoi garder le contact avec un milieu que j’adore, suivre l’évolution de la discipline et côtoyer la nouvelle génération. La course, nous la préparons d’ailleurs comme les pilotes, en respectant les jours et heures des recos, ainsi que le nombre de passage dans chaque spéciale. » « Difficile de dire que je prends du plaisir au volant. Il me manque le sel de la compétitio­n. Mais ça me plaît de sillonner encore et toujours ces routes. On part juste devant les meilleurs. Une lourde responsabi­lité ! Il faut s’occuper du volant tout en surveillan­t les abords. Je suis en contact permanent avec Michèle (Mouton) qui compte sur moi superviser une dernière fois la sécurité. » « Les WRC actuelles offrent un sacré spectacle. On les compare souvent aux groupe B. Nous, à l’époque, nous pilotions des dragsters. On avait 600 chevaux de rodéo sous la pédale, mais c’est tout. Impossible de dévorer les cordes comme ils le font aujourd’hui. Ces WRC absorbent tout. Super efficaces. Franchemen­t, ça ne me déplairait pas d’en essayer une... » Lucéram D Pausa

 ??  ?? Trente ans après ce Rallye Monte-Carlo inoubliabl­e en compagnie du regretté Jean-François Fauchille, Bruno Saby fait toujours la trace. Flamme intacte ! (Photos Jo Lillini et G. L.)
Trente ans après ce Rallye Monte-Carlo inoubliabl­e en compagnie du regretté Jean-François Fauchille, Bruno Saby fait toujours la trace. Flamme intacte ! (Photos Jo Lillini et G. L.)
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Vers Nice LA BOLLÈNE-VÉSUBIE PEÏRA CAVA

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