Assassinat du préfet Erignac: «Les coupables ont été condamnés»
6 février 1998, 21 h 05, le préfet Claude Erignac remonte à pied la rue d’Ornano. Sa femme l’attend devant le théâtre Kallisté. Les assassins sont aux aguets. Deux coups de feu éclatent. Le troisième, à bout touchant, est fatal. Le préfet s’effondre. Il est achevé au sol de deux balles dans la tête. Le commissaire divisionnaire Philippe Frizon, actuel chef de l’antenne de la police judiciaire de Nice, était au coeur de cette affaire hors norme. « C’est l’enquête la plus compliquée à laquelle j’ai participé. En raison des enjeux, du contexte, du fait que les politiques aient très vite pris les choses en main. Et puis il y a eu cinq procès où il a fallu défendre pied à pied notre travail. » Les avocats de la défense ont toujours contesté avec virulence les conditions de garde à vue des suspects et de leurs compagnes.
« Rétablir l’Etat de droit »
Quand il débarque en Corse « pour renforcer la direction régionale de la police judiciaire d’Ajaccio », les augures ne sont guère favorables. « Beaucoup disaient que nous n’avions aucune chance de démasquer les auteurs. » Des dizaines de meurtres sur l’île restaient non élucidés, tout comme une série d’attentats sur le Continent. Pour ne rien arranger, la « guerre des polices » atteignait des sommets. Les tueurs du préfet ont pourtant laissé sur place une signature. C’est l’arme du crime. Un Beretta volé cinq mois plus tôt lors de l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella. « Les auteurs revendiquent aussitôt le caractère politique de cet assassinat », rappelle Philippe Frizon, alors bras droit du controversé Roger Marion. La piste « agricole », très critiquée par la suite, est d’abord privilégiée. Philippe Frizon l’assume : « Cette hypothèse se fondait sur des informations de proches collaborateurs du préfet Erignac et des Renseignements généraux. La stratégie était double, avec deux enquêtes : une pour association de malfaiteurs, assez fourre-tout ; elle a capoté, mais elle avait aussi comme objectif de rétablir l’État de droit. Et il y avait une enquête criminelle, qui, elle, a abouti. »
« Des hommes très politisés »
Fin 1998, l’arrestation, en Haute-Corse, de suspects pouvant être impliqués dans des attentats commis sur le Continent s’avère décisive. Le travail sur la téléphonie, encore artisanal à l’époque, révèle que Didier Maranelli a menti. L’analyse des appels démontre que Ferrandi, Colonna et Alessandri se trouvent non loin du préfet quelques minutes avant les tirs. Les six membres du commando mettront tous en cause, à des degrés divers, Yvan Colonna qui, arrêté en 2003, puis condamné à perpétuité, a toujours nié avoir tiré.
« C’étaient des hommes très politisés qui souhaitaient revenir à la lutte originelle, analyse le policier. À l’époque, ce groupe voulait créer un électrochoc. Il cherchait à la fois à déstabiliser la classe politique corse, donner un coup de pied dans la fourmilière, avec l’espoir de ressouder le mouvement nationaliste et faire émerger de nouveaux leaders politiques. » Le commissaire Frizon, dont la mémoire infaillible traduit la satisfaction du devoir accompli : « Ceux qui connaissent le dossier n’ont aucun doute sur la culpabilité de ceux qui ont été condamnés par les différentes cours d’assises. »