Nationaliste corse...
« leur ras-le-bol du clanisme et des hommes politiques de profession, que ce soit le PRG de Paul Giacobbi en Haute-Corse ou Les Républicains en Corse-du-Sud ». À pas tout à fait encore 20 ans, Paul Salort n’était pas né quand Claude Erignac fut abattu. Étudiant en langue et culture corses, en 3e année de licence, le jeune homme est le leader de la Ghjuventù Indipendentista à l’université de Corte, un mouvement politique qui fait aussi office de syndicat étudiant. Clairement indépendantiste, un engagement qui remonte aux années de lycée quand l’arrêté Miot (qui exempte les Corses de droit de succession) était menacé, Paul Salort se réjouit
‘‘ bien sûr de la victoire de la coalition nationaliste Pè a Corsica. Il veut y voir autant « l’affaiblissement des clans familiaux, des dynasties qui dirigeaient les partis », que « le bon travail effectué pendant deux ans » par Gilles Simeoni, déjà élu président de l’exécutif en 2015. « Mais attention, prévient-il, cette large victoire aux dernières élections territoriales engage les nationalistes. Ils ont plus de responsabilités et devront répondre aux attentes très fortes des Corses. » Et notamment offrir des conditions de vie meilleures à ceux qui vivent sur cette terre.
Une question de cycle
Politiquement à l’opposé de l’étudiant indépendantiste, le « gaulliste » Eric Boistard, directeur de cabinet d’Antoine Sindali, le maire divers droite de Corte, partage néanmoins cette analyse. « La Corse est extrêmement pauvre. Le chômage y croît encore. À Corte, le PIB par habitant est inférieur de 30 % à la moyenne nationale. Le vrai défi pour ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir est de répondre aux attentes sociales et économiques des Corses, et leur permettre de rester sur l’île. » Malgré les enjeux, Eric Boistard prédit un bel avenir aux autonomistes. En tout cas, il ne les voit pas perdre aux prochaines élections territoriales en 2022. « C’est une question de cycle. C’est l’avènement d’une génération d’hommes politiques formés ici en Corse, à laquelle appartiennent Gilles Simeoni, mais aussi Jean-Christophe Angelini (PNC) et Jean-Félix Acquaviva (Femu a Corsica)», deux autres figures de la majorité nationaliste. Mais peutêtre
‘‘ plus que les idées nationalistes, c’est la personnalité même de Gilles Simeoni qui fait toute la différence. « Il a un charisme et un capital sympathie hors du commun. Lui seul est capable de rassembler bien au-delà de sa base électorale », affirme un Eric Boistard que l’on sent conquis. « Je ne suis pas opposé à une autonomie poussée de la Corse, mais ce serait une erreur de se séparer de la France. » Pour l’heure, la question ne se pose pas. « L’accord de mandature, valable pour dix ans, écarte toute idée d’indépendance. Et c’est cet accord que les électeurs corses ont validé », rappelle Paul Salort. « Sur ce sujet, le discours de Gilles Simeoni est ambigu. Avec l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, ils parlent d’une même voix », dénonce Valérie Bozzi, tête de liste Les Républicains. La maire de Porticcio, petite commune touristique au sud d’Ajaccio, est l’une des rares voix discordantes à soutenir que « la Corse n’est pas nationaliste ». Et d’insister : « Il y a en Corse un attachement sentimental à la France et une nécessité financière. »Sile tandem Simeoni-Talamoni l’a emporté, c’est qu’il a su profiter de la recomposition en cours des partis traditionnels. André Fazi, le politologue, n’est pas loin de partager ce point de vue. « Même s’ils sont démobilisés, les électorats de droite et de gauche existent toujours. Si la coalition nationaliste a réalisé un aussi beau score, c’est aussi parce que la personnalité la plus légitime à droite, Laurent Marcangeli, ne s’est pas présentée, et qu’aucun héritier légitime de Paul Giacobbi ne s’est imposé à gauche. »