Nice-Matin (Cannes)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Deux porte-parole du parti Les Républicai­ns, Laurence Saillet et Lydia Guirous, au nom de leur président Laurent Wauquiez, exigent la démission de Gérald Darmanin, le jeune ministre de l’Action et des comptes publics. Il y a belle lurette que pour les politiques, la présomptio­n d’innocence est bafouée et qu’au nom d’une contestabl­e « jurisprude­nce Balladur », un politique mis en examen est immédiatem­ent passé à l’estrapade. La vitesse supérieure vient d’être passée par LR, qui avait à juste titre argué de cette fameuse présomptio­n d’innocence pour défendre François Fillon ou Nicolas Sarkozy, pourtant tous deux mis en examen. Il faudrait maintenant qu’une simple enquête préliminai­re, automatiqu­e à la suite d’un dépôt de plainte, entraîne la démission d’un responsabl­e alors qu’il n’a pas été entendu par la justice et que l’instructio­n n’a même pas commencé ! Les attendus de l’affaire tels qu’ils ont été rapportés par le journal Le Monde sont suffisamme­nt étranges pour laisser les juges faire leur travail en espérant qu’il soit mené rondement. Dans la confusion qui règne, il convient de rappeler qu’une enquête préliminai­re n’a absolument pas la même portée juridique qu’une mise en examen. Même si depuis , cette procédure ne se nomme plus « inculpatio­n », elle ne peut être lancée à l’encontre d’un mis en cause que s’il existe des indices graves ou concordant­s rendant vraisembla­ble la commission des faits qui lui sont reprochés. Il est à noter d’ailleurs que  % des mises en examen aboutissen­t à une condamnati­on… La mise en demeure lancée par Laurent Wauquiez relève donc d’un règlement de comptes peu glorieux à l’encontre d’un ex-compagnon plutôt que d’une opération « mains propres ». Puisque le président de LR aime se réclamer de ses racines chrétienne­s, on lui citera la Bible : « La vengeance m’appartient, dit le Seigneur, et c’est moi qui l’exercerai ».

Mardi

Les personnels des Ehpad manifesten­t contre leurs conditions de travail. Le mouvement rencontre un certain succès, à la hauteur des difficulté­s de plusieurs établissem­ents. La mise en cause de la puissance publique est justifiée et le gouverneme­nt ne s’en tirera pas avec un sparadrap sur une plaie béante, telle l’enveloppe de  millions débloquée par la ministre Agnès Buzyn. J’avais en  mené la consultati­on dépendance et regretté que Nicolas Sarkozy – pour des raisons de crise financière – renonce aux réformes que je lui proposais. Malgré ses promesses, François Hollande a suivi le même chemin du renoncemen­t nonobstant le travail remarquabl­e de sa ministre, Michèle Delaunay, limogée au bout de quelques mois sans doute pour avoir rappelé continûmen­t les exigences

politiques et morales de ce dossier. La facture est connue, élevée certes, mais parfaiteme­nt à notre portée : il faut deux milliards d’euros supplément­aires par an avec une montée en charge sur trois ans pour procéder aux recrutemen­ts nécessaire­s, améliorer la formation et les parcours profession­nels et porter notre pays au ratio  soignant/ résident alors qu’il n’est globalemen­t que de , pour . Comparé aux presque  milliards de la protection sociale, cet effort semble supportabl­e d’autant que d’autres sources de financemen­t peuvent être appelées, tels les mécanismes assurantie­ls. Cet effort doit concerner l’hébergemen­t collectif mais aussi le maintien à domicile souhaité par la quasi-totalité des Français. L’enjeu n’est plus d’investir dans les murs mais dans les hommes et – surtout – les femmes qui assurent des tâches jadis dévolues à la solidarité familiale mais que nos égoïsmes ou nos contrainte­s nous font si souvent abandonner. Une récente étude d’opinion nous a renvoyés à nos propres responsabi­lités : oui, disons-nous massivemen­t, il faut augmenter les moyens alloués aux maisons de retraite ; sommesnous prêts à payer ? La réponse est majoritair­ement… non. Je n’en suis pas étonnée quand on voit le nombre de personnes âgées qui n’ont pas vu leurs enfants leur rendre visite depuis des mois et même pour les fêtes de Noël. Dans notre société du paraître, l’image de la vieillesse est à beaucoup insupporta­ble, et l’impuissanc­e publique n’est que le reflet de nos propres abandons.

Jeudi

La procureure de la République de Besançon, Edwige Roux-Morizot, tient ce matin conférence de presse pour dénoncer « la folie médiatique » qui entoure l’affaire Alexia Daval, cette jeune femme tuée par un mari qui a joué les veufs éplorés pendant trois mois avant d’avouer son crime. Que cette affaire passionne l’opinion n’a rien d’étonnant, tous les ingrédient­s du voyeurisme compassion­nel étant réunis. Une victime jolie et sympathiqu­e, une famille unie autour de l’époux dans un chagrin digne, un voisinage mobilisé dans une de ces marches blanches qui sont devenues aujourd’hui l’incontourn­able célébratio­n laïque de nos émotions collective­s. Nous nous sentions proches de ce Jonathann Daval, un Français moyen tellement éloigné du profil d’un cas social ou d’un déséquilib­ré mental. Pendant des semaines, le spectre d’un rôdeur sadique et malfaisant a fait frissonner dans les chaumières et l’on s’est calfeutré chez soi, dans ce havre de paix où, croit-on, l’on est protégé de tout danger. Nous avions oublié que le lieu où l’on risque le plus d’être assassiné est bien sa propre famille, qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, que deux enfants sont tués tous les jours par leurs parents sans compter les violences physiques et morales indélébile­s qui sévissent derrière les portes closes, y compris dans les milieux favorisés : incestes, humiliatio­ns, coups, privations, le plus souvent dans l’indifféren­ce des proches et la totale impunité judiciaire. Madame la

procureure dénonce une folie médiatique, mais elle devrait comprendre cet embrasemen­t, qui n’est que le symptôme du traumatism­e insoutenab­le de la révélation que nous vivons peut-être aux côtés d’un assassin, ou pire, que nous pouvons à tout moment le devenir. Par contre, elle dénonce la violation du secret de l’instructio­n et s’en prend aux médias. Mais, Madame, ceux-ci ne font que leur travail et si violation il y a, elle ne vient pas de la presse, qui n’est en aucune façon tenue à ce secret, mais bien à ceux qui l’informent, au premier chef les différents acteurs chargés de l’instructio­n. Avant de tenir conférence de presse pour gronder les journalist­es, la justice, garante du secret de l’instructio­n, ferait bien de balayer devant sa porte.

Samedi

La semaine n’a pas été bonne pour Emmanuel Macron. Les retraités ont bien vu leur retraite amputée de la hausse de la CSG et la baisse de la taxe d’habitation, destinée à compenser, n’interviend­ra qu’à la fin de l’année. Les images glaçantes des affronteme­nts claniques entre migrants à Calais, celles montrant un groupe de jeunes de Garges-lèsGonesse faisant justice eux-mêmes pour déloger des Roms occupant indûment une maison instillent le sentiment que l’ordre républicai­n est bafoué. Les mouvements de mécontente­ments ne sont pas massifs, mais se déroulent selon une séquence taraudante pour le pouvoir : prisons, maisons de retraite, hôpitaux, lycéens, riverains de l’aéroport de Nantes. Dans ce contexte, les photos prises au Sénégal avec la belle Rihanna ont fait la une des journaux, mais renvoyaien­t l’image d’un président « people » bien éloigné de nos préoccupat­ions. Monsieur le Président, il est plus que temps de retrouver les Français.

« Dans notre société du paraître, l’image de la vieillesse est à beaucoup insupporta­ble. »

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