Nice-Matin (Cannes)

Le mythe de retour

Jacques Cassandri, ancien truand de 75 ans, est jugé dès lundi à Marseille. Il est soupçonné d’avoir blanchi le magot dérobé à la Société générale en juillet 1976 à Nice... et déboulonné le mythe Spaggiari

- Textes : Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr

Un ancien voyou est jugé dès demain par le tribunal de Marseille. Il est suspecté d’avoir blanchi le magot dérobé à la Société générale, à Nice, en juillet 1976. La justice lui impute le livre qui déboulonne la légende Spaggiari.

Et si c’était lui, le véritable cerveau du « casse du siècle » ? Jacques Cassandri est-il bien « Amigo », auteur en 2010 du livrechoc La Vérité sur le casse de Nice ? Albert Spaggiari aurait-il, comme le soutient ce drôle d’« Amigo », dupé son monde durant des décennies, nourrissan­t d’un vaste bobard sa légende et la filmograph­ie dédiée à ses retentissa­nts « exploits » ? Toutes ces questions chemineron­t dans bien des têtes, ce lundi. Sondant les mémoires et les intimes conviction­s, à l’instar du gang des égoutiers creusant les sous-sols niçois. Car la justice s’apprête, indirectem­ent, à exhumer un mythe. Le plus rocamboles­que des fric-frac, et la plus retentissa­nte affaire (avec la disparitio­n d’Agnès Le Roux) qu’ait connu la Côte d’Azur. Plus de quarante ans après, le tribunal correction­nel de Marseille peut écrire une nouvelle page du casse de la Société générale, en juillet 1976.

Ce gênant « Amigo »

« J’étais dans les égouts, pas Spaggiari. » La phrase fait sensation en août 2010. « Amigo », ancien voyou « marseillai­s » né en Corse, publie son livre-choc et se livre pour NiceMatin. Il y déboulonne le mythe Spaggiari, relégué au rang de second rôle. En vérité – « sa » vérité – c’est lui qui aurait piloté les opérations pour le compte du « Gros ». « Avant la Société générale, nous avions avec le Gros monté une opération tout à fait similaire. C’était à Paris. Nous avions décidé de “casser” un bureau de poste dans le XIIIe arrondisse­ment avec une quinzaine de garçons de mon âge », soutient « Amigo ». L’opération fait un flop. Mais le mode opératoire aurait inspiré le fameux “casse” de Nice. Le « Gros », le vrai boss donc, serait en réalité Jeannot Migozzi, ex-bras

droit de « Tany » Zampa. Il sera abattu en 1991 dans sa villa de Montauroux. Quant à « Amigo », aucun doute pour la justice : il s’agit de Jacques Cassandri. Affaires fructueuse­s

Janvier 2011. La PJ de Marseille interpelle Cassandri en même temps qu’une douzaine de suspects, dont plusieurs membres de sa famille. Jacques Cassandri est connu de la justice : il a été interpellé jadis lors d’un coup de filet contre la French connection, et condamné en 1994 pour proxénétis­me aggravé. En février 2010, un règlement de comptes met la justice sur sa piste. Mais cette enquête va prendre une tout autre orientatio­n. C’est finalement pour blanchimen­t en bande organisée que Cassandri est interpellé. La justice le suspecte d’avoir orchestré un savant système visant à réinvestir l’argent sale, en mettant ses proches à contributi­on. Maison en Savoie, discothèqu­e à Marseille... Les affaires sont fructueuse­s. « Un patrimoine très conséquent (...) porté par divers prête-noms, sociétés de façade, gérants de paille », énumère le juge d’instructio­n dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal, que Nice-Matin a pu consulter.

Ecrit, pas prescrit

Une réussite fulgurante pour Jacques Cassandri qui, jusqu’en 1976, ne roulait pas franchemen­t sur l’or. « En réalité l’ensemble de ses investisse­ments trouve son origine dans le butin tiré du casse de Nice qu’il a revendiqué, ainsi que dans les activités de trafic de stupéfiant et de proxénétis­me pour lesquelles il a été condamné », écrit le juge. Malgré son pseudonyme, Cassandri se serait donc trahi avec le livre d’« Amigo ». Le texte a été retrouvé sur le disque dur de son ordinateur. Ses enfants eux-mêmes soutiennen­t qu’il s’est targué d’en être l’auteur. « Amigo » pensait être à l’abri des foudres de la justice. Mais à la différence du vol, le recel et le blanchimen­t ne sont pas prescrits... « Ce livre est un roman, un roman n’est pas une source de preuve » ,a confié à l’AFP son avocat, Me Frédéric Monneret.

Spaggiari détrôné ?

Alors ? « Bert » le Niçois ne seraitil qu’un fanfaron « en quête de vedettaria­t », dont l’attrait pour la lumière fut bien utile à des voyous en quête, eux, de discrétion ? C’est ce qu’a soutenu « Amigo » dans nos colonnes : « Ça nous arrangeait bien qu’il endosse le rôle de cerveau de l’affaire ». Lui se présentait comme « un homme d’affaires respectabl­e ». Parole contre parole, en l’absence du principal intéressé. Reste que, dès demain, c’est Jacques Cassandri qui sera sur le grill. Répondant de blanchimen­t, de recel, d’associatio­n de malfaiteur­s, d’abus de biens sociaux, de travail dissimulé ou encore de port d’armes prohibé. Autour de lui, une galerie de personnage­s dont François Mosconi, maire de Conca (Corse), poursuivi pour corruption passive et blanchimen­t aggravé.

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(Photos archives NM) Albert Spaggiari était-il vraiment le « cerveau » ?

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