La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Deux à zéro. Le parti Les Républicains a gagné les deux législatives partielles du Territoire de Belfort et du Val-d’Oise. Pas de quoi toutefois, pour Laurent Wauquiez et son entourage, emboucher les trompettes du triomphe, les deux circonscriptions concernées étant des fiefs RPR-UMP-LR de longue date. L’effet de souffle de la présidentielle a permis une victoire de La République en marche en juin dernier dans l’une d’entre elles, mais il était logique que les électeurs de la droite légitimiste rentrent dans leur famille politique, d’autant qu’ils sont maintenant assurés que le président de la République dispose d’une large majorité et que leur vote ne changera strictement rien aux rapports de force. L’abstention est extrêmement élevée et rend bien imprudentes certaines analyses définitives. Cependant, même si tout reste à confirmer – et les élections européennes de l’année prochaine seront à cet égard beaucoup plus éclairantes – on note le net tassement du Front national, qui ne se remet décidément pas de la calamiteuse prestation de sa présidente dans le débat présidentiel. Le Parti socialiste est à l’agonie, et la France insoumise paie ses foucades et ses palinodies. Quant au macronisme, sans que ces défaites relèvent d’une contre-performance inquiétante, elles montrent que les réalités locales ont la vie dure et qu’un ancrage territorial ne se conquière pas sur le charme d’un candidat « beau gosse » ou sur des programmes concoctés par des communicants, mais sur un travail ingrat de labourage du terrain. Dans ce domaine, les députés LREM ont des marges de progression. Ainsi un élu local me contait la quasi-disparition du député du paysage de son canton. Ce jeune parlementaire lui avait fait savoir qu’il consacrait ses week-ends à sa famille et qu’il n’était pas question de le voir dans les banquets de pompiers ou les jeux de boules. Les maires de la circonscription n’avaient même pas son numéro de portable et n’avaient jamais reçu sa visite dans leur mairie ! Il convient d’ajouter qu’il ne tenait aucune permanence, au motif proclamé qu’un député n’est pas une assistante sociale… Quand la vague des députés macroniens s’est installée au PalaisBourbon en juin dernier, ils et elles ont déclaré vouloir faire de la politique « autrement ». J’ai repensé alors à tous mes dimanches passés dans les fêtes locales, les réunions mouvementées avec des agriculteurs ou des syndicalistes ouvriers, les assemblées générales interminables de maisons de quartier, les rendez-vous parfois poignants avec mes concitoyens pour tenter de débrouiller un problème d’emploi ou de logement, et je me suis demandé si tout cela avait été utile. Aujourd’hui, je ne me pose plus la question. Il paraît également que le président du groupe LREM, Richard Ferrand, a enjoint à ses troupes de « faire du terrain ». Comme quoi, la vieille politique a encore de beaux jours devant elle.
Mercredi
Les responsables nationalistes corses s’estiment « humiliés » par les déclarations du président de la République. Mais que pouvait dire d’autre Emmanuel Macron que rappeler le pacte républicain dont il est le garant ? Devait-il plier le genou devant des élus qui ont reçu mandat de gérer une collectivité territoriale, partie intégrante de la République, mais qui ne sont pas les gouvernants d’un État souverain dont deux Corses sur trois ne veulent pas ? Fallait-il céder à des demandes contraires non seulement au droit, mais aux intérêts des Corses eux-mêmes ? Un exemple dirimant est constitué par la demande de reconnaissance de la coofficialité de la langue corse. À un public non averti, cela pourrait apparaître au premier abord comme la sauvegarde nécessaire d’un patrimoine linguistique en voie de disparition. Il est d’ailleurs à noter que ce qu’il est convenu d’appeler la « langue corse » – très proche du dialecte toscan et marquée par de nombreuses variantes locales – bénéficie de programmes de protection sans équivalent pour les autres langues régionales comme le breton ou le basque, dont la spécificité est pourtant éminemment supérieure. Mais la co-officialité n’a rien à voir avec cela. Elle consiste à rédiger tous les actes officiels, à pratiquer tous les services publics dans les deux langues et donc à assurer que tous les agents de l’État, de l’administration locale, des hôpitaux, sont parfaitement
bilingues. Les nationalistes revendiquent % de locuteurs d’un des dialectes parlés sur l’île mais plus sûrement, on peut estimer à % le pourcentage de ceux et celles qui les maîtrisent vraiment. La coofficialité, outre qu’elle serait donc impossible à mettre réellement en oeuvre, ne serait pour les Corses que facteur de relégation et d’exclusion. Il en est de même pour les autres demandes récurrentes des indépendento-autonomistes. Emmanuel Macron a tenu un discours de vérité et cette vérité n’est pas humiliante, elle est douloureuse. Oui, les assassins du préfet Erignac sont des lâches, oui, l’autonomie financière implique que l’on assume son destin sans recours à la manne de la solidarité nationale, oui, le statut de résident est contraire au droit de l’Union européenne qui arrose largement la Corse de subventions. Si le président de la République française s’est exprimé dans un théâtre et non au siège de la collectivité territoriale de Corse, c’est que le drapeau français en a été chassé. On peut alors poser la question : laquelle des deux parties a eu la volonté d’humilier l’autre?
« Aujourd’hui, tout un peuple d’enquêteurs et de voyeurs est aux trousses des politiques. »
Jeudi
Je regarde, sidérée, Nicolas Hulot tenter de se dépêtrer au micro de Jean-Jacques Bourdin des accusations de viol ressuscitées par le journal L’Ebdo, nouveau titre lancé par l’ancien ministre socialiste Thierry Mandon. Une des deux « affaires » n’en est pas une, puisqu’il n’y a pas eu de procédure judiciaire et que la victime supposée oppose un démenti formel aux rumeurs. Quant à l’autre mise en cause, plus sérieuse celle-là, elle résulte d’une plainte déposée par la petite-fille du Président Mitterrand en pour un
viol qui aurait été commis en , puis classée sans suite non seulement parce que les faits étaient prescrits, mais parce qu’ils n’étaient pas établis. Je me garderai bien de porter la moindre analyse sur la véracité des faits, que seuls les protagonistes peuvent apprécier et qui les laisse devant leur conscience et leur mémoire. De la même façon, je laisse les spécialistes des analyses comportementales tirer de la gestuelle de Nicolas Hulot et de ses clignements d’yeux des conclusions formelles sur sa sincérité. Il est clair toutefois que la fonction politique est devenue une machine à broyer les individus. Voilà un homme, Nicolas Hulot, animateur adulé des Français, militant écologiste que tout le monde s’arrachait, homme d’affaires accumulant les royalties, qui accepte enfin d’entrer au gouvernement. Immédiatement, ses revenus sont considérablement amputés, ses éléments de train de vie sont étalés sur la place publique de façon polémique, des procédures judiciaires classées ou inexistantes sont utilisées pour vendre du papier. Il est plus que probable que s’il était resté bien au chaud dans sa vie antérieure, L’Ebdo n’aurait pas fait ses choux gras de tout cela. Aujourd’hui, tout un peuple d’enquêteurs et de voyeurs est aux trousses des politiques, dépèce le moindre lapsus, harcèle les proches à la recherche de confidences, raconte avec impudeur leur vie sentimentale, fouille dans les poubelles de leur histoire et cancane sur les réseaux sociaux, bien protégés par l’anonymat. Tout cela pour se faire cracher à la figure par l’opinion publique… J’ai du mal à comprendre ce que la démocratie aura gagné quand ses personnalités les plus brillantes refuseront de se mettre au service de leurs concitoyens pour ne pas mettre en danger leur réputation, leur famille et leur patrimoine…