Nice-Matin (Cannes)

«Plus simple d’être ado il y a  ans »

-

C’est le QG des ados. Un bar, banal, mais cool, au carrefour des lycées Calmette et Sasserno à Nice. Point de convergenc­e d’un monde entre ombre et lumière. Ce monde contradict­oire des ados biberonnés à la technologi­e. Ici, les génération­s Y et Z, souvent borderline, écartelées entre excès à portée de main et profusion d’interdits, échangent, se chamaillen­t, se chambrent. Boivent un café. Et... fument. À chaque table, comme des robots à la programmat­ion infaillibl­e, ces jeunes adultes ont une clope dans une main, un smartphone dans l’autre. L’uniforme.

« Addict au maquillage une religion » «La cigarette ? J’arrête quand je veux. Le portable, c’est une drogue, même si on ne s’en rend pas compte. Si on me l’enlevait, je péterais un câble », suffoque Sofiane. 7 h 00, le réveil sonne, que déjà il saute sur l’engin. « C’est le premier truc que je fais le matin et le dernier truc que je fais le soir », jure ce lycéen de 16 ans. En face, Lucas triture frénétique­ment son smartphone. Addict aux écrans ? Sans nul doute. Sa réplique est sans concession : « Les profs nous font la morale, les parents nous engueulent parce qu’on a tout le temps le nez sur notre téléphone ! Mais eux, c’est pire, ils ne le lâchent pas de la journée, Ils ne sont pas crédibles. » Sophie pouffe. Du haut de ses 17 ans, elle renchérit : « Ils sont plus accrocs que nous. » Julie et Christelle, 17 ans toutes les deux, tempèrent un peu. Le téléphone, c’est pour appeler les parents, caler un rendez-vous. Guère plus. Un peu de réseaux sociaux de temps à autre. Sans outrance. Leur copine, Margaux, fait la moue : « Moi, je suis tout le temps dessus, mais parce que mon copain n’est pas sur Nice. C’est indispensa­ble pour moi ». Julie s’est même « engueulée » avec une copine à cause du téléphone : « C’était insupporta­ble, tu lui parlais, elle ne répondait pas ». Christelle, elle, se souvient d’une amie, qui passait de longues minutes à réactualis­er son fil Facebook... rien de plus. « A quoi ça sert ?».

« L’alcool, un passage obligé en soirée » Ces trois jeunes filles ne se sentent pas concernées par les comporteme­nts addictifs. L’alcool ? Pas leur truc. Même si elles confessent : « C’est dur de trouver une soirée où il n’y en a pas. C’est un peu l’âge qui veut ça. Tu es obligé d’arriver avec une bouteille ». Sofiane et Lucas se dandinent sur leur chaise. S’ils assurent – juré – craché – n’avoir jamais touché au cannabis, l’alcool, disent-ils, c’est « un passage obligé ». « Si tu ne bois pas, tu passes pour un gros nul en soirée ». Un axiome valable pour les garçons. A priori, pas pour les filles. «Nous, on boit tout le temps, à toutes les soirées. Elles, c’est ou tout ou rien. Quand elles boivent, c’est pour être déchirées. Le reste du temps, c’est régime! ». Bien sûr, ils voient passer des joints régulièrem­ent lors des fêtes. «Ce n’est pas la règle, c’est même plutôt rare. Et c’est toujours les mêmes », précise Sofiane. Margaux hausse les épaules : « Si, bien sûr, on connaît des jeunes qui fument souvent, même des jeunes du lycée ». Sophie analyse : « Il y a des garçons qui pensent qu’être dans l’excès va les rendre populaires. Je fume, je bois, je suis un caïd, je suis un mec cool. Certains n’ont pas tort, il y a des filles qui adorent ça ». Lucas se moque : « Une fille, c’est plus paradoxal. Dans ma classe, certaines sont addicts à la mode, au maquillage, à la bouffe vegan. C’est un truc de fou. C’est une religion ». Des addictions... saines ? «Je ne sais pas, elles ne se bousillent pas la santé, mais le porte-monnaie », rigole Sofiane. Julie, Margaux et Christelle, soupirent. Elles estiment que ce devait être « vachement bien » d’être ado il y a 20 ou 30 ans. «Je pense que c’était plus simple, il y avait plus de solidarité. Moins d’individual­isme », lâche Christelle. « Il n’y avait pas toute cette technologi­e », renchérit Margaux. Une société plus «vivable »... « Sur Facebook, quand quelqu’un dit quelque chose, les autres suivent. Et si tu n’es pas comme les autres, tu te fais insulter sur les réseaux sociaux. C’est fatiguant », souffle Julie.

 ?? (Photo Cyril Dodergny) ?? Julie, Christelle et Margaux, de jeunes adultes loin des comporteme­nts d’addicts.
(Photo Cyril Dodergny) Julie, Christelle et Margaux, de jeunes adultes loin des comporteme­nts d’addicts.

Newspapers in French

Newspapers from France