Un phénomène alarmant Les effets
Les premières ivresses conduisent souvent aux premiers malaises. Car un jeune qui n’a quasiment jamais bu d’alcool a un seuil de tolérance très bas. Par ailleurs, ses effets n’interviennent qu’entre vingt minutes et une heure après l’ingestion. De ce fait, boire beaucoup dans un laps de temps fait courir un risque plus élevé de vomissement, endormissement voire, dans les cas les plus graves, coma éthylique. Le problème réside aussi dans le fait que les industriels proposent des boissons alcoolisées très sucrées, qui se boivent « toutes seules » mais qui, du coup, conduisent à une surconsommation manifeste. L’alcool peut perturber l’érection chez l’homme et diminuer le plaisir chez la femme. Comme il perturbe le fonctionnement du cerveau, il peut engendre une plus grande irritabilité. La personne ivre a moins de « filtres », ce qui explique le risque accru de violences. Lucas (1), Niçois de15 ans, se souvient de sa dernière cuite. C’était samedi soir, chez un pote dont les parents étaient partis en week-end. Avec quelques copains du lycée, ils ont profité de l’occasion pour se faire une petite soirée. Ambiance match de foot en première partie de soirée, et biture en seconde. Du haut de ses 15 ans et demi d’âge moyen, la bande n’a pas eu de mal à trouver de l’alcool. C’est le frère de l’un d’eux qui leur a acheté la vodka, ils ont juste eu à prévoir les « softs » (des boissons énergisantes, cette fois). Léa, l’une d’entre eux, avait ramené des bières aromatisées à la tequila, qu’elle dit avoir achetées au supermarché du coin. Lucas a fini la soirée totalement ivre. Mais comme il dormait chez le pote en question, ses parents ne se sont rendu compte de rien. Une histoire somme toute banale car le jeune homme n’en est pas à sa première cuite, encore moins à sa dernière. Et un phénomène qui se développe : désormais, les jeunes découvrent l’alcool dès l’âge de 12 ou 13 ans. Et, avec eux, les interdits. Ces dernières années, la donne a changé avec les phénomènes d’alcoolisation massive. Le « binge drinking », la biture expresse, est monnaie courante, quels que soient le milieu ou la région. Du coup, Lucas, ça le fait sourire lorsqu’on s’étonne de l’entendre dire qu’il a déjà pris des cuites. Car il y en aura d’autres.
« Du jus de fruit pour faire passer la vodka »
L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a publié une enquête (baptisée Escapad, pour Enquête sur la santé et les consommations lors de l’Appel de préparation à la Défense) dédiée à la consommation de drogues licites et illicites chez les jeunes de 17 ans. Parmi elles, l’alcool. L’étude révèle donc que les deux tiers des jeunes ont bu lors du mois écoulé. Et qu’ils étaient 44% à avoir connu une API, une Alcoolisation ponctuelle importante (au moins 5 verres en une occasion), majoritairement au cours d’un week-end. En clair, ils boivent beaucoup, en peu de temps, pour être saouls. C’est le but. Lucas, Tom et Léa ressemblent
(1) à ceux de leur génération. Pas encore majeurs, ils expliquent avoir commencé à boire « vers 14-15 ans à l’occasion de fêtes entre potes: de la vodka, du whisky-coca, de la bière. » Et ils avouent « apprécier le goût ». Même si certains d’entre eux se forcent un peu à avaler la vodka : « Les filles mettent beaucoup de jus de fruit pour faire passer le goût », s’amuse Lucas. En revanche, Tom, par exemple, qui n’est pas fan du houblon, ne se laisse jamais convaincre de boire une bière. Il n’envisage pas d’en prendre juste pour faire comme les autres. « Du coup, je bois autre chose, il y a toujours plusieurs types d’alcool en soirée. » Malgré leur jeune âge, ils n’ont jamais rencontré de problème majeur pour se fournir. «On demande par exemple à nos grands frères de faire les courses pour nous. Ou bien certains piquent dans la cave de leurs parents. Une bouteille par-ci, une autre par là, ils ne se rendent compte de rien », dévoile Lucas.
« On connaît les dangers »
Et lorsqu’on leur demande pourquoi ils boivent, c’est par mimétisme, « pour faire comme les autres ». Mais aussi pour les effets désinhibiteurs de l’alcool. «Ça aide à parler avec ceux qu’on ne connaît pas, on se lâche plus facilement », souffle Léa. Mathis, quant à lui bientôt 16 ans, explique « boire parce que le goût me plaît. Mais je ne cherche pas à être complètement saoul. Je suis assez sociable, alors je n’ai pas besoin de ça pour aller vers les autres. » À l’instar des autres jeunes, Tom, Léa et Lucas, Mathis ne semble pas avoir conscience de la gravité de ses comportements. Il dit « ne pas être dupe : mes parents aussi ont pris des cuites quand ils étaient jeunes. Je ne vois pas pourquoi on parle tant de ça. Il n’y a rien de dramatique. On est peut-être encore ados, mais on est quand même conscients des dangers. On le sait, on prend le risque. C’est tout. » Malgré tout, Mathis explique qu’il fait attention. «On a déjà discuté de l’alcool avec mes parents. Je sais que si un jour j’ai un problème, je pourrai en parler avec eux. » Tout l’enjeu réside donc dans le fait de placer le curseur au bon endroit. Avant qu’il ne soit trop tard.