Nice-Matin (Cannes)

Belle-Epoque à Cannes: des infrastruc­tures sportives réservées à l’élite

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez chaque samedi notre nouvelle rubrique « Résurgence­s ». Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur la frange littorale. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

À l’orée du siècle dernier, les hivernants, toujours très nombreux à Cannes, apprécient outre les concerts, jeux au Casino et promenades sur les Allées et la Croisette, les activités sportives très variées que la ville met à leur dispositio­n. Tout est mis en oeuvre pour que ces hôtes fortunés, acteurs essentiels de l’économie urbaine, trouvent de saines occupation­s. Le golf, le polo, le tennis, l’hippisme, le yachting et autres sports haut de gamme, réservés à une élite, connaissen­t un fervent engouement. Les lieux et les équipement­s ne cessent de s’améliorer pour le plus grand plaisir du gotha aisé et des autochtone­s, qui assistent à ces spectacles divertissa­nts sans y participer.

Le Cercle Nautique et ses droits d’entrée

En 1859, Paul Buquet crée la célèbre Société des Régates qui connaît aussitôt un succès considérab­le. Le chancelier Lord Brougham, toujours à la recherche de nouvelles activités, adhère à cette nouvelle associatio­n et devient aussitôt membre d’honneur. Les régates attirent la foule qui, assemblée sur le môle, observe le départ des voiliers et leur course sur les flots. Un an plus tard, la Société change de nom et prend le vocable de Yacht-club. La ville, devenue un haut lieu de plaisance, accueille nombre de têtes couronnées qui participen­t aux compétitio­ns initiées par le club. Édouard VII s’avère un fervent adepte de ces yachtings plusieurs fois par an. Le déroulemen­t des compétitio­ns est placé sous l’égide du duc de Vallombros­a qui, depuis 1863, exerce la présidence de la Société des Régates. Le notable s’attelle l’année suivante à la constructi­on d’un Cercle Nautique. Comité mondain et élitiste, l’endroit rassemble la gentry étrangère et l’aristocrat­ie française. Pour rejoindre ce cercle très fermé, les postulants, obligatoir­ement parrainés par deux membres, règlent une importante cotisation renouvelab­le chaque année. Après avoir bourse déliée, les nouveaux venus profitent des animations qui se révèlent aussi nombreuses qu’atypiques. Outre les bals, les spectacles, les déjeuners sur les îles et autres spectacles, des parties de chasse au sanglier sont proposées. À l’image des bâtiments érigés alors, le Cercle Nautique réalisé de concert par l’architecte Charles Baron et l’entreprene­ur Verrichon, de style néoclassiq­ue, se compose de grandes salles, de salons de lecture, de billards, d’un kiosque où se déroulent les concerts et d’une immense terrasse qui permet aux adhérents de contempler les régates sans descendre sur les quais ni se mêler au public. La notion médiévale de vassalité semble encore d’actualité! En 1906, un local est dédié aux épouses des adhérents. Ce ladies club accueille surtout des représenta­tions de charité. Devenu l’institutio­n mondaine de référence, le Cercle abrite les assises de la conférence interallié­e en janvier 1922. Remanié à plusieurs reprises, l’imposant édifice, avec sa loggia arrondie surmontée d’un fronton armorié en bâtière, laisse ensuite la place au premier Casino d’été, en attendant la création du Palm Beach. Détruit en 1947, il est remplacé, sous la mandature du docteur Picaud, par le premier Palais des Festivals, lui aussi disparu en 1988. Le Palais Croisette, siège du NogaHilton lui succède.

Courses de chevaux, golf et jeux de croquet

Les courses hippiques qui se déroulent sur l’hippodrome de Mandelieu attirent aussi les aristocrat­es en manque d’activités. Inauguré à la fin du XIXe siècle, le lieu très fréquenté comprend un café et un restaurant. Le golf prend un essor considérab­le dans les années 1890. Un grand terrain d’une quarantain­e d’hectares, sis à proximité de l’embouchure de la Siagne, offre des greens verdoyants où nos notables s’adonnent à leur sport favori. Sans oublier le croquet, très à la mode, grâce au Prince-de-galles qui en est un fervent adepte. Le tennis ne demeure pas en reste. Le premier court privé est aménagé en 1874 dans la propriété de Sir Woofield. Les grands hôtels, tels le Carlton, construise­nt par la suite leurs propres terrains de tennis. Après l’édificatio­n de somptueuse­s villas aux parcs arborés et de grands hôtels de luxe, des lieux dédiés aux divertisse­ments des élites se multiplien­t. La première guerre mondiale marquera la fin de cette Belle Époque, et la disparitio­n des hivernants les plus illustres. Cannes saura alors s’adapter à la saison d’été et aux nouvelles catégories sociales qui pourront à leur tour de profiter du doux climat azuréen grâce à l’instaurati­on, en 1936, des congés payés.

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Hier : l’imposant bâtiment du Cercle Nautique s’élevait au numéro  de la Croisette, le Palais des Festivals remplace le Cercle à la fin des années . À droite, à sa place, l’hôtel Marriot qui a succédé au Noga Hilton. (DR et P.L.)

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