PMA pour toutes les femmes : exprimez-vous ! Actu Une soirée pour débattre
Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, le public azuréen est invité à faire part de ses doutes, interrogations, craintes sur la question de l’aide procréative
En prévision de la révision de la loi de bioéthique en 2018, le Comité consultatif national d’éthique a demandé aux différents espaces de réflexion éthique régionaux d’aller au contact du public afin de faire remonter les questionnements soulevés par les grands enjeux éthiques induits par les avancées médicales. Nice s’est ainsi vue confier l’un des thèmes les plus sensibles : la procréation médicalement assistée. Rappelons qu’en septembre dernier, la secrétaire d’État, Marlène Schiappa, annonçait que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes (couples de femmes ou célibataires) serait proposée dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique en 2 018. Mais le débat n’est pas clos. Le public azuréen est invité à s’exprimer sur cette question (et bien d’autres) dans le cadre d’un large débat public (lire ci-contre). Rencontre avec le Pr Gilels Bernardin, président de l’Espace éthique azuréen, et le Dr Véronique Isnard, gynécologue au centre de reproduction du CHU de Nice, co-corganisateurs de cet événement.
Pourquoi est-il si important de débattre de ces questions ?
Gilles Bernardin : Le thème de la PMA est extrêmement riche ; il y a un volet médico-technique, un volet philosophique, juridique et aussi économique si on l’ouvre à toutes les femmes. Il n’y a pas de raison en effet que cela soit gratuit pour certaines femmes – comme c’est le cas aujourd’hui – et pas pour d’autres.
Mais, avec l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, on sort du cadre « médical ».
G. B. : Aujourd’hui, les techniques sont accessibles aux couples hétérosexuels qui ont un problème d’infertilité. Là, on va convoquer la médecine pour venir au secours de choix de vie, d’orientation sexuelle… On n’est plus dans le traitement de pathologies, mais dans des demandes sociétales. Longtemps, la France, pourtant réputée pour la qualité de sa médecine, accusait de mauvais résultats dans le domaine de la mortalité maternelle. « Les décès étant pour la plupart liés à une hémorragie de la délivrance [hémorragie d’origine utérine, survenant dans les 24 h suivant l’accouchement, et responsable d’une perte sanguine supérieure Cela pose des questions complexes ! G. B. : Le gros problème, c’est effectivement d’arriver, en son âme et conscience, à savoir ce que l’on pense soi-même. On est pollué, on essaie de nous faire glisser soit vers un discours politiquement correct, soit vers
Pr Gilles Bernardin
Président de l’espace éthique azuréen
un discours idéologique… Le plus dur, c’est d’arriver à dire, analyser et exprimer ce que soi-même l’on pense vraiment. Il faut se retirer et prendre le temps de se dire : qu’est ce que je veux pour moi ? à 0,5 l, Ndlr] ou à des complications thromboemobliques », précise le Pr André Bongain, expert près les Tribunaux et gynécologue à l’hôpital l’Archet (CHU de Nice). Bonne nouvelle : en 10 ans, la mortalité consécutive à des hémorragies a été divisée par deux. Il reste qu’aujourd’hui en France 70 à 80 femmes (soit Puis-je vous interroger sur vos positions personnelles concernant l’ouverture de la PMA? G. B. : Selon moi, la question fondamentale est la suivante : est-ce qu’un enfant a besoin d’un père ou pas ? Un père, non pas au sens du géniteur, mais un père qui accompagne. Ma réponse est oui. Certes, des événements, des circonstances peuvent conduire un enfant à grandir sans père, mais il est né d’une union et peut s’inscrire dans une filiation, se narrer une histoire.
Que disent les études qui se
sont intéressées aux enfants nés dans ces conditions ?
Véronique Isnard : On trouve autant d’études montrant que les enfants issus de couples de femmes vont très bien, que d’études prétendant le contraire… Il faut savoir que dans certains pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni ou encore la Belgique, la PMA est ouverte à toutes les femmes depuis très longtemps. En Espagne, lorsque cela a été instauré, il y a ans, cela n’a même pas fait l’objet de discussions… et ça n’a pas bouleversé la société espagnole. On s’amuse aujourd’hui de cette France qui a peur de basculer dans la part sombre, alors que la moitié de l’Europe fait ça depuis ans.
Autre sujet sensible : l’autoconservation d’ovocytes.
V. I. : On est dans ce domaine 10,3 pour 100 000 naissances vivantes, dans la moyenne des pays européens) décèdent chaque année en donnant la vie. Si «tous ces décès ne peuvent être prévenus » selon l’expert, une étude rendue publique par l’Inserm et Santé publique France affirme que plus de la moitié sont considérés comme «évitables» ou « peutêtre « Aide médicale à la procréation : un bébé pour qui ? pourquoi ? comment ?» Au cours du débat public, tous les aspects de ces questions seront abordés : le volet médical « Vivons-nous les dernières générations d’une reproduction à l’ancienne » avec le Dr Véronique Isnard ; le volet psychologie « Désir d’enfants pour tous » avec Valérie Benoît ; le volet philosophique « Enfant et parents sur mesure : une révolution anthropologique ? » avec JeanJacques Wunenburger et enfin le volet juridique « Faut-il changer les principes du droit de la bioéthique ? » avec Marie-Angèle Hermitte. À 18 h 30, Centre universitaire Méditerranéen. Entrée libre et gratuite, nombre de place limité. Rens. contact@espace-ethique-azureen.fr
face à de grandes contradictions. Un exemple : le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé contre l’autoconservation d’ovocytes à titre personnel, soit pour des femmes qui souhaiteraient différer leur grossesse. Mais dans le même temps une loi prévoit que si une femme veut bien faire un don d’ovocytes, alors on accepte d’en garder un peu pour elle ! Soit on fait, soit on ne fait pas… G. B. : L’autoconservation est un progrès extraordinaire, mais elle ne doit pas être une incitation à retarder ce qui est le plus important pour une femme, la maternité. Elle doit rester une sécurité, un garde-fou… Ce n’est pas parce que c’est faisable que cela doit être souhaitable. évitables ». Dans la ligne de mire, la persistance de décès par hémorragie, toujours première cause de mortalité maternelle en France (11 % des décès). Souvent imprévisible, l’hémorragie de la délivrance est un événement potentiellement grave, mais depuis les années 2000, une vaste mobilisation a eu lieu. Les sociétés savantes ont émis des recommandations largement diffusées, et des protocoles précis ont été mis en place dans les maternités. Ça a payé, puisque la mortalité maternelle a reculé. Mais des efforts restent à accomplir pour que ces situations dramatiques deviennent toujours plus exceptionnelles.