Nice-Matin (Cannes)

PMA pour toutes les femmes : exprimez-vous ! Actu Une soirée pour débattre

Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, le public azuréen est invité à faire part de ses doutes, interrogat­ions, craintes sur la question de l’aide procréativ­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr N. C.

En prévision de la révision de la loi de bioéthique en 2018, le Comité consultati­f national d’éthique a demandé aux différents espaces de réflexion éthique régionaux d’aller au contact du public afin de faire remonter les questionne­ments soulevés par les grands enjeux éthiques induits par les avancées médicales. Nice s’est ainsi vue confier l’un des thèmes les plus sensibles : la procréatio­n médicaleme­nt assistée. Rappelons qu’en septembre dernier, la secrétaire d’État, Marlène Schiappa, annonçait que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes (couples de femmes ou célibatair­es) serait proposée dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique en 2 018. Mais le débat n’est pas clos. Le public azuréen est invité à s’exprimer sur cette question (et bien d’autres) dans le cadre d’un large débat public (lire ci-contre). Rencontre avec le Pr Gilels Bernardin, président de l’Espace éthique azuréen, et le Dr Véronique Isnard, gynécologu­e au centre de reproducti­on du CHU de Nice, co-corganisat­eurs de cet événement.

Pourquoi est-il si important de débattre de ces questions ?

Gilles Bernardin : Le thème de la PMA est extrêmemen­t riche ; il y a un volet médico-technique, un volet philosophi­que, juridique et aussi économique si on l’ouvre à toutes les femmes. Il n’y a pas de raison en effet que cela soit gratuit pour certaines femmes – comme c’est le cas aujourd’hui – et pas pour d’autres.

Mais, avec l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, on sort du cadre « médical ».

G. B. : Aujourd’hui, les techniques sont accessible­s aux couples hétérosexu­els qui ont un problème d’infertilit­é. Là, on va convoquer la médecine pour venir au secours de choix de vie, d’orientatio­n sexuelle… On n’est plus dans le traitement de pathologie­s, mais dans des demandes sociétales. Longtemps, la France, pourtant réputée pour la qualité de sa médecine, accusait de mauvais résultats dans le domaine de la mortalité maternelle. « Les décès étant pour la plupart liés à une hémorragie de la délivrance [hémorragie d’origine utérine, survenant dans les 24 h suivant l’accoucheme­nt, et responsabl­e d’une perte sanguine supérieure Cela pose des questions complexes ! G. B. : Le gros problème, c’est effectivem­ent d’arriver, en son âme et conscience, à savoir ce que l’on pense soi-même. On est pollué, on essaie de nous faire glisser soit vers un discours politiquem­ent correct, soit vers

Pr Gilles Bernardin

Président de l’espace éthique azuréen

un discours idéologiqu­e… Le plus dur, c’est d’arriver à dire, analyser et exprimer ce que soi-même l’on pense vraiment. Il faut se retirer et prendre le temps de se dire : qu’est ce que je veux pour moi ? à 0,5 l, Ndlr] ou à des complicati­ons thromboemo­bliques », précise le Pr André Bongain, expert près les Tribunaux et gynécologu­e à l’hôpital l’Archet (CHU de Nice). Bonne nouvelle : en 10 ans, la mortalité consécutiv­e à des hémorragie­s a été divisée par deux. Il reste qu’aujourd’hui en France 70 à 80 femmes (soit Puis-je vous interroger sur vos positions personnell­es concernant l’ouverture de la PMA? G. B. : Selon moi, la question fondamenta­le est la suivante : est-ce qu’un enfant a besoin d’un père ou pas ? Un père, non pas au sens du géniteur, mais un père qui accompagne. Ma réponse est oui. Certes, des événements, des circonstan­ces peuvent conduire un enfant à grandir sans père, mais il est né d’une union et peut s’inscrire dans une filiation, se narrer une histoire.

Que disent les études qui se

sont intéressée­s aux enfants nés dans ces conditions ?

Véronique Isnard : On trouve autant d’études montrant que les enfants issus de couples de femmes vont très bien, que d’études prétendant le contraire… Il faut savoir que dans certains pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni ou encore la Belgique, la PMA est ouverte à toutes les femmes depuis très longtemps. En Espagne, lorsque cela a été instauré, il y a  ans, cela n’a même pas fait l’objet de discussion­s… et ça n’a pas bouleversé la société espagnole. On s’amuse aujourd’hui de cette France qui a peur de basculer dans la part sombre, alors que la moitié de l’Europe fait ça depuis  ans.

Autre sujet sensible : l’autoconser­vation d’ovocytes.

V. I. : On est dans ce domaine 10,3 pour 100 000 naissances vivantes, dans la moyenne des pays européens) décèdent chaque année en donnant la vie. Si «tous ces décès ne peuvent être prévenus » selon l’expert, une étude rendue publique par l’Inserm et Santé publique France affirme que plus de la moitié sont considérés comme «évitables» ou « peutêtre « Aide médicale à la procréatio­n : un bébé pour qui ? pourquoi ? comment ?» Au cours du débat public, tous les aspects de ces questions seront abordés : le volet médical « Vivons-nous les dernières génération­s d’une reproducti­on à l’ancienne » avec le Dr Véronique Isnard ; le volet psychologi­e « Désir d’enfants pour tous » avec Valérie Benoît ; le volet philosophi­que « Enfant et parents sur mesure : une révolution anthropolo­gique ? » avec JeanJacque­s Wunenburge­r et enfin le volet juridique « Faut-il changer les principes du droit de la bioéthique ? » avec Marie-Angèle Hermitte. À 18 h 30, Centre universita­ire Méditerran­éen. Entrée libre et gratuite, nombre de place limité. Rens. contact@espace-ethique-azureen.fr

face à de grandes contradict­ions. Un exemple : le Comité consultati­f national d’éthique (CCNE) s’est prononcé contre l’autoconser­vation d’ovocytes à titre personnel, soit pour des femmes qui souhaitera­ient différer leur grossesse. Mais dans le même temps une loi prévoit que si une femme veut bien faire un don d’ovocytes, alors on accepte d’en garder un peu pour elle ! Soit on fait, soit on ne fait pas… G. B. : L’autoconser­vation est un progrès extraordin­aire, mais elle ne doit pas être une incitation à retarder ce qui est le plus important pour une femme, la maternité. Elle doit rester une sécurité, un garde-fou… Ce n’est pas parce que c’est faisable que cela doit être souhaitabl­e. évitables ». Dans la ligne de mire, la persistanc­e de décès par hémorragie, toujours première cause de mortalité maternelle en France (11 % des décès). Souvent imprévisib­le, l’hémorragie de la délivrance est un événement potentiell­ement grave, mais depuis les années 2000, une vaste mobilisati­on a eu lieu. Les sociétés savantes ont émis des recommanda­tions largement diffusées, et des protocoles précis ont été mis en place dans les maternités. Ça a payé, puisque la mortalité maternelle a reculé. Mais des efforts restent à accomplir pour que ces situations dramatique­s deviennent toujours plus exceptionn­elles.

 ??  ?? « Vivons-nous les derniers jours d’une reproducti­on à l’ancienne », interroge le Dr Véronique Isnard (debout) . (Photos d’archive N.-M.)  pour  naissances sont concernées (DR)
« Vivons-nous les derniers jours d’une reproducti­on à l’ancienne », interroge le Dr Véronique Isnard (debout) . (Photos d’archive N.-M.)  pour  naissances sont concernées (DR)
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