Nice-Matin (Cannes)

Frères et soeurs: l’amour vache Psycho Ne jamais comparer les enfants

Les liens fraternels sont aussi complexes qu’intenses, et les parents sont parfois décontenan­cés face aux querelles de leurs enfants. L’analyse de Dana Castro, psychologu­e

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr AX. T.

On se chamaille, on se crêpe le chignon, on se taquine, on s’entend comme chien et chat… et finalement on s’adore. Entres les frères et soeurs, c’est souvent l’amour vache. Premier compagnon de jeu, premier complice, le frangin ou la frangine tient une place centrale dans le coeur des enfants. La fratrie, c’est des affinités, du partage. Mais c’est aussi parfois des difficulté­s. La psychologu­e et psychothér­apeute Dana Castro a dédié son dernier livre (Frères et soeurs, les aider à s’épanouir )à cette thématique. Rencontre.

Pourquoi avoir choisi de consacrer un livre à la fratrie ?

C’est un thème dont on n’a jamais fait le tour. J’ai voulu m’attarder sur les notions relativeme­nt peu abordées d’amour fraternel et d’entraide. C’est une manière de montrer tout le positif que l’on retire de ses relations avec ses frères et soeurs.

Les choses commencent dès la grossesse. Quand et comment en parler à l’enfant qui est déjà là ?

Le moment opportun dépend de chaque couple de parents. Il faut en parler lorsqu’ils le sentent. C’est leur droit et leur choix d’avoir un deuxième, un troisième enfant donc ils n’ont pas de culpabilit­é à ressentir visà-vis de l’aîné. Simplement, il faut lui expliquer ce qu’il va se passer et ce que cela signifie d’avoir un frère ou une soeur. En présentant le côté positif de la relation : « c’est quelqu’un avec qui tu vas pouvoir jouer ». Mais il est surtout important de le rassurer par rapport à sa place : « toi, tu es le grand(e) frère (soeur) », et par rapport à l’amour qu’on lui porte, la joie que l’on a de l’avoir. Il s’agit de réaffirmer son caractère unique et la place particuliè­re qu’il occupe dans la L’espace Ethique Azuréen a adapté son programme au calendrier. C’est ainsi que ce mercredi, jour de SaintValen­tin, il a dédié son dernier café santé au thème « émotion et séduction en santé », en présence du Pr Dominique Pringuey, psychiatre, et de Grégori Jean, philosophe et enseignant. Deux visions, celle du soignant et celle de l’enseignant, chacun évoquant comment, dans son métier, il doit gérer ces deux notions. Le Pr Pringuey rappelle une règle intangible : les relations famille et dans le coeur des parents.

Que se passe-t-il dans sa tête ?

Lorsque l’enfant apprend l’arrivée d’un bébé, il va imaginer ce qui va changer en fonction de ce qu’ont dit papa et maman. Au début, il éprouve de la curiosité vis-à-vis de cette petite créature qui vient de naître. La relation entre les enfants va s’installer ensuite progressiv­ement.

Quelles erreurs éviter ?

Les parents doivent garder des moments pour être seuls avec chaque enfant. Accorder à chacun un temps, surtout lorsque le nouveau-né est là et que les parents passent beaucoup de temps à s’en occuper, c’est fondamenta­l. Il intimes entre médecin et patient sont proscrites. Pour autant, il y a bien séduction entre ces protagonis­tes, mais pas au sens sexuel. «Onpeut voir la séduction comme un moyen de relation au patient, qui peut aller dans les deux sens. » D’un côté le médecin cherche à s’attirer la compréhens­ion et la confiance du malade, dans l’intérêt de ce dernier : il veut lui faire comprendre de quoi il souffre et quel traitement il doit prendre (et le prendre sérieuseme­nt). De l’autre, il peut aussi y avoir un patient, par exemple en psychiatri­e, qui tente faut absolument préserver ces instants de complicité avec le(s) grand(s). D’ailleurs, cette situation perdure à l’âge adulte : les enfants devenus grands ont

Dana Castro

Psychologu­e psychothér­apeute

toujours plaisir à partager un moment seul avec leur père ou leur mère.

Les frères et soeurs entrent-ils souvent en concurrenc­e ?

Il faut distinguer deux choses : rivalité et jalousie. La rivalité arrive vite parce que l’attention des parents est forcément divisée à l’arrivée d’un bébé. L’aîné agit parce qu’il souhaitera­it que papa et maman s’occupent autant de lui que du petit. La rivalité c’est donc un comporteme­nt : par exemple les enfants se disputent parce qu’ «il m’a pris mon camion » .La jalousie en revanche, c’est une émotion (désagréabl­e). On peut être jaloux et étouffer d’amour pour sa soeur ou son frère.

Comment faire face aux disputes entre les enfants ?

Tous les frères et soeurs se chamaillen­t. C’est naturel et salutaire parce que c’est une manière de se connaître, de se tester. C’est si ça dégénère que les parents doivent intervenir.

L’âge joue-t-il dans les relations entre les enfants ?

Oui : les choses sont plus faciles lorsque la différence d’âge est importante parce que les enfants n’en sont pas au même stade de développem­ent donc moins en rivalité. Cela a aussi des inconvénie­nts : ils vont par exemple partager moins de jeux.

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre pour les parents ?

Il ne faut pas comparer les enfants… même si c’est difficile. On a toujours tendance à le faire, à se dire « tiens, l’aîné a marché plus tôt» ou bien «le cadet est plus turbulent » ... Mieux vaut éviter de le verbaliser devant les enfants parce qu’ils risquent d’avoir l’impression qu’ils ne sont pas traités de manière égalitaire. Les parents doivent garder à l’esprit que chaque enfant est différent, ils ne font pas les choses de la même manière ni au même rythme. Les comparer risque d’engendrer des frustratio­ns, des jalousies voire des complexes.

Les relations entre frères et soeurs sont-elles immuables ?

Non, elles évoluent au fil du temps. En grandissan­t, l’enfant va se socialiser, allez vers l’extérieur, rencontrer des amis. Les enfants peuvent s’éloigner mais aussi se rapprocher. À tout âge, les choses évoluent en fonction de la trajectoir­e de vie de chacun et des événements qui peuvent survenir. Frères et soeurs, les aider à s’épanouir. Ed. Albin Michel.  pages.  €. d’amadouer le soignant... On peut dresser un parallèle avec l’enseigneme­nt. Grégori Jean rappelle qu’a priori, la séduction dans le sens de l’amour érotique, n’a pas lieu d’être entre un professeur et un élève. « Il faut bien distinguer l’émotion, qui est le désir créateur de mouvement et la séduction, qui consistera­it à emmener quelqu’un là où on veut qu’il aille. C’est-à-dire à la guérison pour un médecin ou à la connaissan­ce pour un professeur ». La séduction qui s’instaure (toujours dans un sens intellectu­el) entre un patient et un médecin ou un élève et un enseignant serait donc profitable. Le Pr Bernardin, président de l’Espace éthique azuréen, remarque, quant à lui, que « la séduction est un moteur important pour avancer. On a tous été séduit par quelqu’un et aujourd’hui on lui est redevable. On a tous eu des maîtres qui, en nous séduisant, nous ont permis d’apprendre et nous ont enrichis. La séduction est finalement une arme qu’on peut utiliser à bon escient pour conduire l’autre quelque part ».

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Il n’est pas rare qu’un enfant demande « dis, quand est-ce qu’on le rend le bébé ? » quand sa venue vient bouleverse­r ses habitudes. Rien d’alarmant, il faut lui expliquer tout ce que son petit frère ou sa petite soeur va lui apporter de positif....
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Le Pr Dominique Pringuey et le philosophe Grégori Jean. (Photo Ax.T.)

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