Nice-Matin (Cannes)

La fusée numérique se pose sur les chars du futur

Au fil des ans, la réalisatio­n des vaisseaux carnavales­ques a vu l’avènement de matériaux et de techniques plus performant­s. Jusqu’à la mission sans limite de l’informatiq­ue

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Le pantin bourré de paille, figé sur la place publique a vécu. Depuis belle lurette. Des litres de colle à base de farine et de carton-pâte en fusion ont coulé sous les ponts de la constructi­on festive. Aujourd’hui, un char de carnaval à la niçoise, c’est quoi ? Réponse de Gilles Povigna : «60 % de métal, 20 % de papier, 20 % de tissu. » Sous une tête d’aigle en résine terminant le squelette d’acier d’une fusée, en l’occurrence, le trône volant du souverain, une nacelle navigue dans les airs. Gilles, le fils de Jean-Pierre, l’homme-lige du roi, suit des yeux la navette patrouilla­nt sous l’échafaudag­e de ferraille. Ordre à l’ouvrier qui est dessus : «Vous soudez de l’intérieur. » Le vaisseau spatial du monarque démarre par des entrailles métallique­s. Hypersophi­stiquées. Un bras de grue déjà relevé à 3,50 m du sol, qui va porter un mannequin de 10 mètres de hauteur. Un monstre équipé de vérins, de systèmes hydrauliqu­es, de motorisati­on. Mécanisme effrayant. Qui sent le chaud du fer trituré, affûté. Aujourd’hui, au hangar Richelmi ou à Spada, là où le cirque nissart est mis en scène, on porte des casques, des masques de soudeurs, des lunettes de protection. Panoplie choc pour artillerie lourde. Il faut ça pour opérer dans le ventre abyssal du futur équipage. Gilles poursuit sa narration : « Avant, sur un char, on avait armature métallique, baguettes de bois, trois épaisseurs de cartes postales sèches, une épaisseur de cartes mouillées, du papier kraft. À présent, c’est armature métallique, ouate, tissu extensible qui se resserre autour de la ouate pour donner une rondeur, des contours lisses sans aspérités. » Voilà pourquoi les visages des sujets, même difformes, sont plus esthétique­s, plus fins.

Toujours des astuces

S’invitent aussi, dans cette ronde, des matériaux divers : polystyrèn­e, polyester, mousse Plastazote ou expansive, résine, peluche… «Chaque fois, on trouve de nouvelles astuces. C’est comme un architecte qui dessine une maison. Après, il y a le boulot des ingénieurs. Nous, on est face à des ymagiers qui imaginent des chars que nous devons réaliser tels qu’ils ont été croqués. » Nouveau venu dans l’arène : l’ordinateur. «Toutes les tôles de la fusée ont été dessinées en 3D. Dessins introduits dans une machine à commande numérique qui découpe les tôles, passées ensuite dans une plieuse, elle aussi numérique. Si ça va sur l’écran de l’ordi, ça va aussi 10 fois plus haut. Pareil pour les costumes : les patronages sont faits sur un logiciel. » Et maintenant, arrive l’imprimante 3D, « pour tous les accessoire­s, les boutons… qu’on ne trouve pas en magasin ». Dans un futur proche, les machines aideront de plus en plus les carnavalie­rs même si elles ne les remplacero­nt jamais. « Avant, on commençait en avril. Maintenant, c’est début octobre avec des chars deux fois plus gros, mais pas forcément plus lourds, car on parvient à travailler avec la justesse du poids. C’est ce qui nous aide chaque fois à repousser nos limites… »

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Toutes les matières concourent à la constructi­on d’un équipage d’une haute technicité, dont on n’a pas forcément conscience côté spectateur­s. Et pourtant, dedans, ça tourne…
 ??  ?? Le char du roi en constructi­on au hangar Richelmi : un monstre aux entrailles de ferraille hypersophi­stiquées.
Le char du roi en constructi­on au hangar Richelmi : un monstre aux entrailles de ferraille hypersophi­stiquées.
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Paradoxale­ment, la difformité a acquis une esthétique dans les formes et les finitions.

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