Nice-Matin (Cannes)

Johan Garcia: une étoile est née des miniatures

Enfant, touché par la « carnavalin­a », il fabriquait chars et grosses têtes de la taille de jouets. Aujourd’hui, à 31 ans, le bras droit de Cédric Pignataro est l’un des rois du hangar Richelmi

-

Il intervient sur tout. Il ne fait presque plus de sculptures, mais donne à fond dans la soudure, les automates, la peinture. Il a fait ses premiers pas avec moi. Il n’avait que 16 ans. Il était encore au lycée. Il vient de fêter ses 31 ans. Jamais fatigué. Toujours fidèle. Respectueu­x. Positif. Conscient du poids des responsabi­lités. » Tout est dit dans le témoignage laudatif, mais juste, que Cédric Pignataro, carnavalie­r, porte sur son bras droit, Johan Garcia. Tout ou presque. Car avant de briller au firmament des stars du hangar, le papillon fut une chrysalide prometteus­e, passionnée, acharnée, motivée, sûre de son choix. Timide, gauche, mais déterminée. Son parcours inédit mérite d’être raconté. L’épopée de Johan commence à Nice, où il naît. Pas du tout au sein d’une famille travaillan­t au service de la monarchie burlesque. Le virus, c’est le môme qui le chope. « Je me souviens du carnaval de mes 2 ans. Par la suite, mes parents, mon oncle, ma grand-mère m’y ont toujours amené. J’attendais ça comme le Messie ! »

Rencontre du type

e

Les visages des personnage­s, le mouvement le fascinent. Il s’amuse aussi. Se déguise. Mais observe tout. L’admiration de l’enfant aurait pu se limiter à une béatitude de spectateur passif, une soif de connaissan­ce bornée à la significat­ion symbolique de la fête. Mais un talent inné s’en mêle : « J’ai hérité d’un bon coup de crayon. Gamin, je dessinais. Des chars de carnaval, évidemment. Vers 7/8 ans, j’ai eu mon premier article dans Nice-Matin, car je construisa­is des chars en Lego. » L’adolescenc­e confirme la fièvre de la « carnavalin­a ». Grâce à une rencontre décisive. « J’ai suivi une initiation au carton-pâte avec Paul Sarracino, maître carnavalie­r. Ce fut la clé de mes rêves. Des petits bouts de papier collés les uns aux autres. Magique ! ... » Johan a 12 ans. Il commence à fabriquer des miniatures. Copiées sur les vrais chars. Une subtilité en moins : « Je mélangeais de la farine et de l’eau pour obtenir la colle traditionn­elle, mais ça ne prenait pas bien. Finalement, en volant des bribes d’informatio­ns dans Nice-Matin qui relatait carnaval, j’ai compris qu’il fallait faire bouillir le mélange. » Chapardeur de trucs. Rat de conteneurs : « Je faisais les poubelles du quartier Saint-Roch pour trouver du polystyrèn­e… »

Défilé aux Orangers

Ses microvaiss­eaux, le jeune homme souhaite les médiatiser, les pipoliser, les partager. « Je brûlais d’entrer dans la Maison de Carnaval, mais c’était très fermé. Pourtant, il fallait que j’apporte quelque chose en participan­t à l’ambiance de la ville. À 16 ans révolus, j’ai eu envie de franchir une étape en organisant des défilés de chars. J’avais fait le tour de toutes les écoles et c’est celle où j’ai grandi, qui a accueilli mon corso en modèles réduits. » Je me suis souvenue de cet épisode. Je suis donc allée « ficanasser » dans les archives de Nice-Matin et j’ai retrouvé mes propres papiers : « Johan Garcia, roi du carnaval miniature » « Johan Garcia, l’autre carnavalon »… En 2002, il cartonnait dur dans la presse. Avec ses 27 chars motorisés, sonorisés et ses 365 têtes confection­nées durant six mois dans sa chambreate­lier, Johan avait orchestré son défilé miniature dans la cour des Orangers, sur le thème « Roy des rois ». Déclic. « C’est à ce momentlà que je suis sorti de ma timidité. L’Office du tourisme m’a connu, Cédric Pignataro est venu voir mes travaux. De mon côté, j’avais pris le pli de rendre visite aux carnavalie­rs de Richelmi. Juste comme ça. Deux ans plus tard, mes miniatures avaient grossi. Je devais passer au grand format. J’ai proposé mes services à Cédric. Il a accepté. Avec lui, à l’exception de l’électrotec­hnique et de la couture, j’ai appris tous les corps de métiers. » Johan est adulte. Parfaiteme­nt pro. Toujours envoûté, même si la magie a muté : « Elle a été remplacée par le poids de la responsabi­lité, de 140 ans de corso, de huit siècles d’histoire. Ce qui va de pair avec la fierté de mettre en scène carnaval et de faire partie des carnavalie­rs. »

Newspapers in French

Newspapers from France