Invasion en jupons: la constellation des femmes
Jadis refoulées de la planète carnaval par une virilité hermétique, les filles sont de plus en plus présentes à la cour de Sa Majesté. Principalement peintres, elles apportent une touche raffinée
Les envahisseuses. Pas besoin d’être David Vincent pour les voir. Les femmes sont là. Petit à petit, elles s’approprient carnaval. Longtemps, on les considéra comme des O.V.N.I. Objets volages nulles et inutiles. Pas de nana au hangar. Était-ce inscrit dans un quelconque règlement ? Non. Une espèce de tradition, une coutume orale bien macho, à la niçoise. Solidement ancrée dans les moeurs carnavalières. On les acceptait dans les chiffons, mais de loin. Françoise, la couturière des chars se souvient avoir été installée, à part, dans un bungalow pour confectionner les vêtements du roi et des autres géants. Lorsque, dans les années 2000, on vit arriver à la transposition des chars en 3D, des filles, comme Caroline Constantin ou Marie Brandt, sous l’impulsion évoluée de Bernard Morel et Gad Weil, respectivement, directeur général de l’Office du tourisme et directeur artistique du carnaval, les gros bras du hangar se levèrent vers le ciel. Une gonzesse au milieu des plateaux. N’importe quoi ! Depuis, la raideur masculine a été mise sur orbite. Les deux ateliers – Richelmi et Spada – fédèrent une quarantaine d’artisans dont un quart de femmes. Elles vont et viennent au milieu des ferrailles et des blocs de polystyrène. Ensachées dans des salopettes ou combinaisons épaisses et informes. Maquillées aux éclats de peinture. Pas de genre. Elles sont dans leur mission. À fond. Comme Martha-Lucia, Colombienne, compagne du sculpteur Artufel. Intégrée à l’équipe des Povigna depuis 3 ans. « C’est mon mari qui m’a entraînée ici. À la base, je suis professeure de langues. Au hangar, on fait tout : plastique, papier, peinture… » Pas trop dur de s’intégrer ? « Non. Le plus important, est d’aimer ce que l’on fait. J’exécute des tas de taches différentes. C’est ça qui me plaît. » Son kiff ? «Mon époux fait des dessins. Je regarde les croquis à la maison. Mais à la fin, au hangar, je vois la version définitive en 3D avec tout ce qui a été mis en oeuvre : sculpture, ouate, papier, peinture… Le résultat est merveilleux. C’est comme un rêve. On joue, mais en géant. » Dans la partie occupée par Cédric Pignataro et son staff, Marine 21 ans, recouvre une structure de papier mouillé. Avant de le peindre. « Je viens en alternance, car je suis des études en décoration. Ce qui me plaît dans cet univers, c’est le côté un peu enfantin et magique. »