L’opposante Annick Lacour revient sur son parcours
Sur les bancs de l’opposition cannoise, Annick Lacour se débat seule contre une adversité qu’elle a appris, avec le temps, à apprivoiser. « L’indépendante » nous parle de son parcours atypique en politique
Elle est née trois jours avant le débarquement. Elle est la petitefille d’un Français libre engagé auprès de Charles de Gaulle. Et le général reste forcément « sa » référence. Annick Lacour, ex-prof de lettres classiques, opposante « constructive » et indépendante, nous fait aujourd’hui la leçon...
Vous vous êtes lancée sur le tard en politique...
En fait, je n’ai pas décidé de me lancer, comme vous dites. Il se trouve que Philippe Tabarot s’est souvenu de moi. Il était mon élève au lycée Carnot en seconde, en classe de lettres. Et un jour, en , il est venu me demander de figurer sur sa liste. Peut-être voulait-il se venger des traumatismes qu’il avait subis pendant sa scolarité ? (rires).
Et votre réaction?
J’ai été surprise car je n’avais jamais songé à faire partie d’une liste municipale. Mais j’ai dit oui, spontanément, sans doute par inconscience car je ne m’étais pas rendue compte de l’ampleur de la responsabilité d’un élu, même dans l’opposition.
Vous regrettez d’avoir accepté ?
Au contraire, je remercie Philippe de m’avoir fait connaître un monde dont j’ignorais tout. J’ai pu rencontrer beaucoup de gens très intéressants, tous milieux socioprofessionnels confondus, d’autres un peu moins. Un kaléidoscope de la société en fait, et j’ai eu grand intérêt et plaisir à nouer une relation humaine et chaleureuse avec les Cannois. J’ai découvert qu’ils attendent beaucoup des hommes politiques : une écoute et une solution à leur problème.
Vous avez mené campagne aux côtés de Philippe Tabarot ?
Non. Je n’en ai pas
‘‘ eu le temps. J’ai été inscrite sur sa liste et je l’ai appris in extremis .En même temps, j’étais absolument sereine, sachant que je serais dans une position inéligible. Ce n’est que le jour où il a dévoilé sa liste que j’ai découvert qu’il m’avait placée en seconde position.
Et donc... ?
Je lui ai dit tout ce que je ne savais pas faire, notamment que je n’avais pas l’expérience. Il m’a rassurée en m’affirmant que lorsqu’on commençait, il en était toujours ainsi. Et j’ai plongé dans cette aventure politique.
Vous l’aviez revu depuis le lycée ?
Quasiment pas depuis la classe de seconde. J’avais gardé le souvenir d’un étudiant qui était déjà chef de classe, passionné par le théâtre avec un sourire étonnamment naturel, faisant montre d’une certaine fraîcheur et simplicité. Je n’avais même pas suivi son parcours.
En , la liste Tabarot était passée tout près du but ?
Oui. Cela a été une épreuve pour lui et pour tout le groupe.
Votre arrivée dans l’opposition ?
J’étais très impressionnée par cette assemblée que je découvrais et qui est une arène où les jeux politiques se croisent. J’avais l’habitude de m’adresser à des étudiants, des élèves, pas à des politiques dont le discours est tout autre. Cela m’a beaucoup appris.
À l’époque, le maire était Bernard Brochand...
Les échanges avec lui étaient plus compliqués. J’ai toujours admiré sa carrière professionnelle et son optimisme, son aptitude à réussir dans tous les domaines mais en politique, j’avais parfois des divergences et elles se cristallisaient chez lui par des colères légendaires que nous connaissons tous. C’est un personnage extrêmement complexe mais néanmoins attachant.
Pourquoi avoir rempilé en ?
Philippe avait souhaité garder toute l’équipe en place. J’en faisais partie et j’ai accepté. Et puis, les six premières années m’avaient passionnée, à cause de la relation humaine.
Sauf que cette fois-ci, l’échec était plus prévisible...
Il y a eu une déception que j’ai partagée même si je pressentais que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour gagner. Mais je n’étais pas la conseillère de Philippe Tabarot. D’autres l’étaient et j’ai assisté, impuissante, à ce deuxième échec.
Vous pensez qu’avec vos conseils, il aurait pu gagner ?
Je n’aurais certainement pas cette prétention.
En cas de victoire, quelle aurait été votre délégation ?
Je me passionne pour tout : l’urbanisme, l’environnement, la culture.
La culture vous aurait été comme un gant, non ?
On me donne toujours cette étiquette et je rue dans les brancards parce que je suis également passionnée par l’économie locale. Vous savez, j’ai également travaillé dans une entreprise.
Votre regard sur David Lisnard ?
J’essaie de ne jamais juger les gens mais je l’apprécie. J’apprécie sa culture, sa maîtrise de la chose publique au sens premier du terme, ses capacités de travail et son intelligence. Depuis Cornut-Gentille, il me semble être le maire le plus actif, celui qui changera la ville. Je pense que la postérité le reconnaîtra.
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir rallié sa majorité ?
Nous avons des divergences d’appréciation. Sur l’écologie par exemple. Je crois réellement à la transition écologique. Elle est inéluctable et me semble réalisable uniquement si elle s’accompagne de la création d’emplois pour développer les énergies durables, la recherche et l’innovation. Or, tirer son énergie du vent, de la terre, de l’eau n’est plus une utopie. Quand je vois qu’à Strasbourg se créent des immeubles bioclimatiques qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment, j’aimerais qu’à Cannes on tente aussi ce genre d’expérience. J’ai cité en conseil municipal, le photovoltaïque et je crois que nous n’y faisons pas suffisamment appel. Je pense aussi à l’énergie du vent : pas question d’installer des éoliennes sur nos rivages bien sûr, mais d’autres expériences ont été tentées avec d’autres instruments comme des cerfs-volants. Je
‘‘ n’ai pas les moyens de faire appel à des bureaux d’études et je n’ai donc pas vérifié si cela est viable, mais je sais que ça existe.
Vous êtes une écolo de droite ?
Lorsque Philippe Tabarot m’a appelée à ses côtés, je lui ai dit que si mon cerveau était à droite mon coeur lui, est à gauche. Il a eu l’intelligence de ne pas m’en vouloir. En fait, je ne comprends pas que l’écologie soit restée depuis si longtemps le monopole de la gauche. Actuellement, on assiste à une évolution très positive parce que nous sommes face à des ressources qui, progressivement, disparaissent et face à un dérèglement climatique. Il y a donc obligation à adopter cette démarche écologiste. Mais je pense que l’urgence est bien réelle. Par ailleurs, l’économie cannoise repose essentiellement sur le tourisme, sur Thalès, sur d’autres entreprises. Il s’agit d’une économie vulnérable car si survenaient une catastrophe naturelle ou un attentat tout cela basculerait et il serait très difficile de redistribuer des emplois. Alors que si l’on adoptait cette démarche écologique avec la création d’emplois dans une économie sociale et solidaire, grâce à des formations, on pourrait en partie pallier ces difficultés. Avec David Lisnard, nous n’avons pas la même perspective dans ce domaine. Beaucoup croient que l’écologie est une utopie, surtout à droite. Je voudrais faire référence à Victor Hugo qui disait : “L’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain.”
Comment avez-vous vécu la démission de Philippe Tabarot, du conseil municipal ?
J’avais compris qu’il était difficile pour deux personnalités aussi importantes (Lisnard - Tabarot, Ndlr) de cohabiter. Je pense que Philippe n’aurait pas été heureux dans une énième opposition, mais cela n’engage que moi. Après, je n’ai pas vécu son départ comme un abandon. J’ai compris que son avenir était ailleurs mais à partir du moment où il est parti, j’ai souhaité retrouver mon indépendance.
N’est-il pas plus compliqué de se battre seule ?
Au contraire. Je suis mon propre juge et je ne suis pas seule. Regardez, j’ai contacts sur mon téléphone et je suis toujours à l’écoute des Cannois, quand ils me le demandent.
Mais vous préparez les conseils seule ?
Ça, c’est difficile car nous n’avons que cinq jours selon la loi pour le faire. Ce n’est pas évident et j’aimerais bien que le maire nous accorde un peu plus de temps. Heureusement, la formation de lettres classiques vous apprend la déduction et l’induction.
Qu’allez-vous faire à la fin de ce mandat ?
J’ai l’habitude de vivre le moment présent, donc je ne fais pas de projet.
Deux mots sur la réforme de l’Éducation nationale ?
Nous avons enfin un ministre qui traite les problèmes de façon pragmatique. La théorie me semble très proche de ce que moi-même je souhaitais dans le monde de l’éducation. Mais l’expérimentation n’a pas été validée donc j’attends avant d’exprimer une opinion.
Vous n’êtes plus encartée, mais de qui êtes-vous proche ?
Pour l’instant de personne. L’affaire Fillon m’a profondément déçue et je m’étais jurée à l’époque de ne plus jamais donner un centime à un parti. À gauche comme à droite, les conflits ne m’intéressent pas. Ils me confortent plutôt dans l’idée de ne pas reprendre de carte.
Lisnard est un maire qui changera la Ville ” En conseil, je suis mon propre juge ”