Thomas Enhco en concert dimanche
Le concert que donnera l’orchestre de Cannes vendredi à 20 h 30 au palais Croisette sous la direction de Julien Masmondet, va prendre une résonance toute particulière avec l’invitation de Thomas Enhco, un pianiste protéiforme dont le talent se déploie aux frontières de la musique classique et du jazz. Dans le contexte de la disparition brutale du violoniste Didier Lockwood dimanche, la venue de Thomas Enhco qui interprétera en soliste au piano le concerto en sol de Ravel et son premier concerto constitue une étape importante pour cet interprète et compositeur qui n’a pas trente ans...
La disparition de Didier Lockwood est particulièrement douloureuse pour vous ?
Oui parce que je lui dois une grande partie de ce que je suis humainement et musicalement. Il était l’époux de ma mère Caroline Casadesus et nous avons vécu en famille depuis l’âge de ans jusqu’à mes ans. Il m’a fait découvrir le jazz, a produit mon premier disque et m’a présenté à de nombreux musiciens avec qui je joue. Il a été pour moi un mentor artistique essentiel ainsi que pour mon frère David. C’est une page qui se tourne douloureusement, celle de mon enfance. Nous jouions souvent tous les trois ensemble et nous devions enregistrer un disque prochainement. Nous sommes tous orphelins de cette immense personnalité aux qualités humaines et musicales rares.
Ce concert cannois est important ?
Oui car je vais interpréter deux concerti qui représentent vraiment ce que je suis dans la double approche qui est la mienne de la musique classique et de la musique de jazz. J’ai joué le concerto de Ravel pour la première fois sous la direction de mon grand-père Jean-Claude Casadesus. C’est un chef-d’oeuvre et j’aime relever ce défi de l’associer à mon concerto que je suis heureux d’interpréter avec l’orchestre de Cannes et Julien Masmondet qui est un chef que j’apprécie. Dans l’expression classique on ne fait pas appel à la même énergie que dans le jazz. Dans l’une le travail de mémorisation et de restitution dans l’esprit du compositeur est important. Dans l’autre même si l’on a la mémoire de la grammaire et de syntaxe musicale, il faut faire appel à une sorte de spontanéité et d’immédiateté.
Parlez-nous de votre concerto ?
C’est une commande de l’orchestre de Pau qui a été créée il y a un an. J’ai toujours aimé la musique classique concertante et je me suis plongé avec délices dans l’orchestration. C’est la mélodie qui est au centre de mon inspiration musicale. L’oeuvre comprend mouvements avec deux thèmes mélodiques par mouvement. J’ai recherché un dialogue constant avec la trame orchestrale, avec des moments plus intimistes et une recherche de textures différentes. Sur le plan rythmique je ne me suis posé aucune limite stylistique et dans le troisième mouvement la partie pianistique fait appel à de larges plages improvisées tandis que l’orchestre soutient la trame narrative. C’est pour moi une belle expérience d’écriture.
Vos projets ?
Je vais continuer à développer ma carrière et mon inspiration dans cette alliance du classique et du jazz. C’est un univers inépuisable. Avec ma partenaire Vassilena Serafimova qui est une percussionniste classique avec qui je joue depuis ans, nous allons créer bientôt à la Philharmonie de Paris un concert autour de Bach. Je vais aussi enregistrer mon concerto pour piano en couplage avec un nouveau cycle de piano solo pour une sortie à l’automne, des projets purement jazz. Et puis il y a mes tournées en Chine et au Japon, où je vais donner la « Rhapsody in blue » de Gershwin avec l’orchestre de Kyoto. Une belle manière de me rappeler que c’est avec mon ami Julien Masmondet que j’ai donné pour la première fois avec bonheur le concerto en fa du même Gershwin. Vendredi 23 février à 20 h 30 au théâtre Croisette de l’Hôtel Marriott, 50, boulevard de la Croisette à Cannes. Prix des places de 10 à 30 euros. Réservations au 04.92.98.62.77 ou sur www. billetterie.palaisdesfestivals.com