Pourquoi nos agriculteurs boudent l’invit’ de Macron
Pas un jeune agriculteur des Alpes-Maritimes ne sera présent aujourd’hui à l’Elysée, malgré le carton d’invitation du président de la République. La colère est grande. Explications
L’opération séduction a fait flop dans les Alpes-Maritimes. Alors que plusieurs manifestations agricoles ont eu lieu cette semaine, le président de la République a décidé de recevoir mille jeunes agriculteurs, aujourd’hui, à l’Elysée. Soit deux jours avant l’ouverture du salon de l’agriculture et dans un contexte très tendu. Sauf qu’il ne faut prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages. Et les agriculteurs des Alpes-Maritimes pour des perdreaux de l’année. Ils estiment qu’ils participeraient à une opération de com’ de l’Elysée s’ils acceptaient l’invitation présidentielle. Selon le président de la Chambre d’agriculture, il n’y aura donc pas un agriculteur du département à Paris. L’Elysée souhaitait pourtant qu’ils soient «représentatifs de toutes les productions et de toutes les régions et comprendront autant de femmes que d’hommes ».
« Pour leur dire quoi ? Que tout va bien ? »
« Aujourd’hui, à la veille du salon, et dans une semaine de contestation, le président de la République et le ministère s’intéressent à nous. C’est bien, ironise Michel Dessus, président de la Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes. Mais depuis bien longtemps on a fait des propositions syndicales, et nous ne sommes pas entendus. » Michel Dessus s’agace : « Les recevoir, ok. Mais pour leur dire quoi ? Que tout va bien ? Dans le département nous sommes dans des circuits courts ce qui nous préserve un peu, mais les éleveurs sont à l’asphyxie. D’ailleurs s’il y a une manifestation au salon, j’irai les soutenir. » Du côté du syndicat des jeunes agriculteurs, même son de cloche. Ils y voient aussi un coup de com’ tenté par l’Elysée. « Ils vous envoient du jour au lendemain, pour rester deux heures à Paris. On ne sait même pas ce qu’ils attendent de nous si ce n’est écouter la grand’messe », s’emporte le président des Jeunes agriculteurs des Alpes-Maritimes, Vincent de Sousa, éleveur à Bendejun. Il se dit en colère sur la forme et le fond. « Sur la forme, nous allons encore passer pour caution morale. Sur le fond, l’Etat organise les états généraux de l’alimentation. Il y explique qu’il faut manger français avec une alimentation de qualité et de l’autre main signe le Mercosur (1). Que vont dire les clients de nos éleveurs départementaux face à une viande importée, deux fois moins chère, produite dans des conditions d’élevage aux antipodes des autres ?» Dépité, Vincent de Sousa conclut : « Ca me fout les b... Bravo M. Macron ! On ne change pas une équipe qui gagne ! » (1. Les négociations en vue d’un accord de libreéchange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), ont repris hier à Asuncion. Les éleveurs redoutent l’importation chaque année en Europe de 70000 tonnes de viande bovine sud-américaine, sans droits de douane.