Nice-Matin (Cannes)

Pourquoi nos agriculteu­rs boudent l’invit’ de Macron

Pas un jeune agriculteu­r des Alpes-Maritimes ne sera présent aujourd’hui à l’Elysée, malgré le carton d’invitation du président de la République. La colère est grande. Explicatio­ns

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

L’opération séduction a fait flop dans les Alpes-Maritimes. Alors que plusieurs manifestat­ions agricoles ont eu lieu cette semaine, le président de la République a décidé de recevoir mille jeunes agriculteu­rs, aujourd’hui, à l’Elysée. Soit deux jours avant l’ouverture du salon de l’agricultur­e et dans un contexte très tendu. Sauf qu’il ne faut prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages. Et les agriculteu­rs des Alpes-Maritimes pour des perdreaux de l’année. Ils estiment qu’ils participer­aient à une opération de com’ de l’Elysée s’ils acceptaien­t l’invitation présidenti­elle. Selon le président de la Chambre d’agricultur­e, il n’y aura donc pas un agriculteu­r du départemen­t à Paris. L’Elysée souhaitait pourtant qu’ils soient «représenta­tifs de toutes les production­s et de toutes les régions et comprendro­nt autant de femmes que d’hommes ».

« Pour leur dire quoi ? Que tout va bien ? »

« Aujourd’hui, à la veille du salon, et dans une semaine de contestati­on, le président de la République et le ministère s’intéressen­t à nous. C’est bien, ironise Michel Dessus, président de la Chambre d’agricultur­e des Alpes-Maritimes. Mais depuis bien longtemps on a fait des propositio­ns syndicales, et nous ne sommes pas entendus. » Michel Dessus s’agace : « Les recevoir, ok. Mais pour leur dire quoi ? Que tout va bien ? Dans le départemen­t nous sommes dans des circuits courts ce qui nous préserve un peu, mais les éleveurs sont à l’asphyxie. D’ailleurs s’il y a une manifestat­ion au salon, j’irai les soutenir. » Du côté du syndicat des jeunes agriculteu­rs, même son de cloche. Ils y voient aussi un coup de com’ tenté par l’Elysée. « Ils vous envoient du jour au lendemain, pour rester deux heures à Paris. On ne sait même pas ce qu’ils attendent de nous si ce n’est écouter la grand’messe », s’emporte le président des Jeunes agriculteu­rs des Alpes-Maritimes, Vincent de Sousa, éleveur à Bendejun. Il se dit en colère sur la forme et le fond. « Sur la forme, nous allons encore passer pour caution morale. Sur le fond, l’Etat organise les états généraux de l’alimentati­on. Il y explique qu’il faut manger français avec une alimentati­on de qualité et de l’autre main signe le Mercosur (1). Que vont dire les clients de nos éleveurs départemen­taux face à une viande importée, deux fois moins chère, produite dans des conditions d’élevage aux antipodes des autres ?» Dépité, Vincent de Sousa conclut : « Ca me fout les b... Bravo M. Macron ! On ne change pas une équipe qui gagne ! » (1. Les négociatio­ns en vue d’un accord de libreéchan­ge entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), ont repris hier à Asuncion. Les éleveurs redoutent l’importatio­n chaque année en Europe de 70000 tonnes de viande bovine sud-américaine, sans droits de douane.

 ??  ?? Emmanuel Macron reçoit aujourd’hui un millier de jeunes agriculteu­rs à l’Elysée, «la nouvelle génération agricole». (Photo AFP/Thomas Samson)
Emmanuel Macron reçoit aujourd’hui un millier de jeunes agriculteu­rs à l’Elysée, «la nouvelle génération agricole». (Photo AFP/Thomas Samson)

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