Nice-Matin (Cannes)

Pierre Botton: «Bien sûr que je peux choquer!»

Alors que le président Macron doit présenter un plan pénitentia­ire global incluant des établissem­ents ouverts, l’ex-détenu VIP monte au créneau avec son insolite concept anti-récidive

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT AMALRIC

Naissance en 1955 à Lyon, rencontre avec son ancien beau-père, Michel Noir, ascension éclair dans le milieu politique, amitiés show-biz, puis la chute foudroyant­e… Et ce que l’on nommera «l’affaire Botton». Condamné pour recel d’abus de biens sociaux et incarcéré 602 jours dans les années 90, sa détention sera assortie d’une tentative de suicide à la maison d’arrêt de Grasse, avant le retour… en grâce. Marqué par ce vécu, il signe des livres et fonde une associatio­n qui vise à améliorer les conditions de détention. Aujourd’hui à la tête d’Ensemble contre la récidive, Pierre Botton, dont on connaît les attaches varoises et cannoises (sa mère y réside une bonne partie de l’année), s’invite dans le débat sur les prisons ouvertes, alors que le Président Macron doit annoncer d’ici à la fin du mois des établissem­ents sans barreaux ni miradors. Pendant ce temps, l’épineux dossier de la prison de Nice, la livraison de l’établissem­ent de Draguignan et les problèmes de la surpopulat­ion à La Farlède, suivent leur cours chez nous…

Quel projet portez-vous ?

D’abord une précision : nous nous occupons des délinquant­s condamnés à moins de cinq ans, hors crimes sexuels et de sang. Nous souhaitons que ces gens soient enfermés dans une prison où ils puissent trouver un travail, une formation, du sport et de la discipline. Puisqu’il y a travail, il y a loyer à payer, plus prélèvemen­t de  % pour dédommager les victimes et  % pour constituer une cagnotte en vue de la sortie…

Comment fonctionne le concept d’« ouverture » ?

La force de notre dossier, ce sont les entreprise­s. Si le détenu a fait ses preuves au terme de plusieurs mois, il aura accès à la réalité de la prison ouverte, constituée d’un petit centre commercial où les gens pourront faire leurs courses dans des magasins tenus par des détenus qui feront le pain, etc. Cet échange et la préservati­on d’une vie sociale sont fondamenta­ux. Dans ce « sas », le détenu pourra faire la preuve qu’il s’est réinséré. À Grasse, que je connais bien (sourire), il y a tout pour réaliser une prison ouverte.

Vos expériment­ations ont-elles été concluante­s ?

Il en existe énormément ! On a démontré à Nanterre et Versailles qu’on pouvait enlever les barbelés autour des terrains de sport, ne serait-ce que parce que ça crève les ballons et qu’ensuite il n’y a plus d’argent pour en acheter ! À Villepinte, prison surpeuplée à  %, on a conçu le « parloir Internet » qui permet de passer des appels vidéo afin d’éviter aux familles des déplacemen­ts en prison, et agrandir l’amplitude horaire pour parler avec ses enfants, par exemple. Nous avons aussi fait de la médiation équine. Le rapport au cheval est très efficace. À Fresnes, le plateau sportif a été revu avec l’implicatio­n des détenus. À la prison pour femmes de Versailles, nous avons rentré des imprimante­s D pour que les mamans puissent fabriquer des jouets à leurs enfants, etc.

Votre projet avec centre culturel, commerces, cafés…, ne fait-il pas un peu « camp de vacances » ?

Bien sûr, il faut s’attendre à ce débat. Bien sûr, cela peut choquer les Français de faire tout cela pour des gens qui ont fauté. Mais la clé de la réinsertio­n, c’est d’occuper ! Dans un camp de vacances vous n’êtes pas privé de voir vos enfants, de téléphoner, de sortir… Essayons au moins d’ouvrir une prison ouverte pour juger du résultat, car nous sommes à  % de taux de récidive. Le plus haut d’Europe !

Ce projet fait-il flamber les coûts ?

Non ! Actuelleme­nt, une journée de détenu coûte  €. Dans notre modèle, elle revient à  €. Les raisons ? Chacun paie un loyer, il y a moins de sécurité, de gardiens, etc. La structure en modèle horizontal­e reviendrai­t à onze millions pour  détenus. Dans une prison verticale neuve, c’est   € la place.

L’aspect anti-radicalisa­tion est-il pris en compte ?

Non. Je ne crois pas à la déradicali­sation. Lutter contre, consiste à éviter ce contact suicidaire entre les petits délinquant­s et les radicalisé­s.  % des terroriste­s sont des petits délinquant­s radicalisé­s… en prison ! Aujourd’hui, dans les prisons françaises, on fabrique encore des Mohammed Merah. Dans les deux ans, on nous en annonce  qui vont sortir radicalisé­s… Et je ne parle pas de la radicalisa­tion des surveillan­ts… Un sujet tabou, mais qui existe.

Comment réunissez-vous des soutiens aussi variés que Pierre Arditi, Baffie, Jean-Michel Aulas, Fogiel ou Michel Drucker ?

Tous se sont déjà impliqués dans certaines de nos campagnes.

Où en est l’affaire d’abus de biens sociaux qui vous vise par rapport à votre associatio­n ?

()

Je n’en sais rien du tout. Je n’ai aucune nouvelle…

Et l’affaire des procédures avec deux pharmacies varoises via votre société d’agencement ?

()

C’était en  et c’est fini… L’une a retiré sa plainte et l’autre pharmacie n’a jamais vu le jour. Depuis j’ai fondé une nouvelle structure, ACDP (Au centre des projets), qui a notamment livré la Pharmacie du Rocher, celle de la famille princière de Monaco et dans laquelle j’ai pu exposer mon travail photograph­ique.

Hormis les prisons, dans quelle phase êtes-vous actuelleme­nt ?

J’ai découvert avec la maladie de ma fille Marie-Anne, bientôt  ans [Elle est anorexique et il est avec elle durant toute l’interview, Ndlr], qu’il n’y avait pas de structures pour elle lorsqu’il a fallu l’hospitalis­er… Nous écrivons un livre à quatre mains sur notre expérience, qui paraîtra chez Plon. Depuis, j’ai compris pourquoi les gens disent « Il y a tellement d’autres causes à s’occuper que les détenus ! ». Alors vaut-il mieux mettre de l’argent dans les prisons ou pour des enfants anorexique­s innocents? Cette question me fait réfléchir…

L’anorexie, mon autre combat ” On fabrique de nouveaux Merah ”

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