Nice-Matin (Cannes)

Henri Vian, doyen des pêcheurs

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«Je suis né là», montre d’un coup de main Henri Vian, dans sa jolie maison de l’avenue de Lérins. À 90 ans, le doyen des pêcheurs cannois a arpenté «le plus beau quartier de Cannes » toute sa vie. «Mon grandpère, qui était aussi pêcheur, a acheté ce terrain où il y avait une étable. Il l’avait payé avec de l’or », raconte ce témoin de l’histoire aux milles anecdotes. En près d’un siècle, le fringuant retraité a vu le décor changer, les chars allemands et les maisons détruites par la guerre laisser place à des hordes de fêtards dans les années 80, âge d’or des discothèqu­es de la cité des Festivals.

Témoin de la guerre et de l’âge d’or des discothèqu­es « On a dû partir pendant la guerre. Toute la Croisette était minée. Pendant deux ans, nous avons vécu au Cannet. J’étais encore adolescent. Après le débarqueme­nt, la maison était à moitié détruite, il n’y avait plus de toit, il a fallu tout reconstrui­re. Un grand mur de 4 mètres de haut et plusieurs centaines de mètres de long avait été construit autour du Palm Beach. On est allé ramasser les morceaux avec ma mère après sa destructio­n pour refaire le sol de la maison », rembobine le malicieux nonagénair­e. C’est place de l’Étang qu’il a rencontré sa première épouse, Cécile, brutalemen­t décédée à l’âge de 30 ans. Avenue de Lérins qu’il tomba amoureux de Simone, sa deuxième femme. Et à quelques rues de là, boulevard de la Source, qu’il fit la connaissan­ce de Marthe, sa dernière compagne, dans les années 2000. « Elle est morte au mois de décembre dernier. A mon âge, c’est très dur d’affronter la solitude du quotidien», confie “l’Amiral”, comme le surnomment affectueus­ement ses proches. Son regard s’éclaire lorsqu’il raconte son métier de pêcheur. «À l’époque, il n’y avait pas toutes ces nouvelles techniques ! On utilisait des filets en coton, qu’il fallait faire sécher. On pilait de l’écorce de pin qu’on faisait bouillir, et on trempait ensuite les filets dedans pour les renforcer et les faire durer plus longtemps ! » Durant de nombreuses années, Henri se lève aux aurores pour aller pêcher rascasses et oursins, comme l’avaient fait son père et son grandpère avant lui. Regarde d’un oeil amusé et parfois agacé les noctambule­s éméchés défiler sous ses fenêtres. « Il y avait plein de discothèqu­es : le Whisky à Gogo à quelques mètres, le Symphonie, le Play Girl... L’arrivée de la musique disco, ça a été quelque chose ! C’était un boum boum permanent ! Depuis, le quartier est redevenu tranquille. Il a aussi été très bien réaménagé... »

Son bateau exposé au Moure Rouge Figure emblématiq­ue du quartier – la Ville lui a rendu un bel hommage en exposant son bateau au Moure Rouge – Henri peut aujourd’hui compter sur ses voisins pour se changer les idées. Entre les nombreux coups de téléphones des amis venus aux nouvelles, les visites quotidienn­es de son fils Louis qui habite un étage plus haut, et de sa petite-fille Cécile, le retraité vaque place de l’Étang au milieu des boulistes. « Je me promène, je regarde la mer. Je me dis que j’ai passé ma vie ici, avec les îles de Lérins presque à portée de main. C’est magnifique! »

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