Nice-Matin (Cannes)

«La vie est une blague à prendre très au sérieux»

Le réalisateu­r Claude Lelouch est président du jury du Monte-Carlo Film Festival de la comédie cette semaine. Un exercice dans lequel il entend se rassasier de sa passion pour le cinéma

- PROPOS RECUEILLIS PAR CÉDRIC VERANY cverany@nicematin.fr

Quelles sont vos attentes comme président de ce festival ?

Ce sera une semaine j’espère agréable, le cinéma étant toujours ma distractio­n préférée. Je profite des festivals pour voir les films des autres, j’adore faire des cures de cinéma. Le moment difficile est de faire un choix pour le palmarès. J’espère qu’il y aura un film tellement évident qu’on n’aura pas ce type de raisonneme­nt.

Vous avez toujours le goût de découvrir des films ?

Chacun de nous tourne un peu en rond à un moment donné. C’est toujours bien de s’intéresser au travail des autres car chaque metteur en scène a un univers. De Chaplin à Buster Keaton en passant par Jacques Tati, Woody Allen, Kubrick, Tarantino, Fellini, tous ont obligé les gens à voir le monde différemme­nt. Ce que j’aime chez un metteur en scène c’est qu’il ait un point de vue et qu’il nous ouvre les yeux. C’est pour ça que je ne suis pas un fan des séries télé...

Pourquoi ?

Car vous pouvez changer un metteur en scène, personne ne s’en rend compte. Ce qui compte ce sont les acteurs et les scénariste­s. Alors qu’au cinéma, le metteur en scène est fondamenta­l. Les grands metteurs en scène sont des gens un peu plus curieux que les autres. Le cinéma est un laboratoir­e de recherches.

‘‘ Et la télévision récupère toutes nos bonnes inventions et les transforme en séries. Je n’ai rien contre les séries car elles font travailler le monde du cinéma, mais le cinéma reste le laboratoir­e du septième art.

Ce festival monégasque met à l’honneur la comédie. Un genre que vous aimez travailler ?

J’aime mélanger la comédie et le drame dans mes films. Je pense que la vie est une blague qu’il faut prendre très au sérieux, alors j’aime ce mélange, car je crois que l’on peut rire de tout, à condition que ce soit drôle.

Vous avez déclaré qu’à  ans, vous n’aviez jamais été si motivé. Quels sont vos projets ?

Trois films que je mène de front. Il me faudra trois ou quatre ans pour les faire. Parmi eux, il y a un film que j’ai commencé il y a un peu plus de cinquante ans. Il m’aura demandé une vie de tournage. Le moment est venu de le finaliser. Un autre va s’appeler La Vertu des impondérab­les qui parle de la force des catastroph­es. Je crois à la force du négatif, je suis convaincu que la vie est une course d’emmerdemen­ts au pays des merveilles. Le bonheur je l’ai approché à chaque fois que j’ai terrassé un emmerdemen­t, c’est je crois, le prix à payer. Le troisième projet, que je prépare pour dans deux ans, est une grande fresque qui parlera de toutes les années que j’ai eu la chance de vivre. Depuis , l’année de ma naissance, à travers des histoires d’hommes et de femmes un peu moins dégueulass­es que les autres (rires).

C’est ce troisième projet dont on vous a dérobé le scénario en décembre ?

Effectivem­ent. J’ai lancé un appel mais je pense que le voleur a eu envie qu’on ne le retrouve pas...

Un malheur que vous avez sublimé ?

Oui, car c’est grâce à ça que j’ai eu envie de faire La Vertu des impondérab­les. J’avais peut-être besoin de me soulager de toutes ces valises. Ce n’était pas le scénario

‘‘ le plus important, mais j’avais un sac avec cinquante ans de notes et d’observatio­ns. Sur le moment j’ai eu envie de mourir car je pensais qu’on m’avait volé ma vie, mais c’est peut-être bien de la réinventer...

Vous avez été particuliè­rement touché par la disparitio­n de Johnny Hallyday...

Johnny, c’était mon frère. J’ai grandi avec lui, je l’ai filmé toute sa vie depuis son premier clip, que j’avais réalisé en . Quand il chantait, il y avait du divin, comme si le bon Dieu nous parlait à l’oreille...

Cet immense déballage autour de sa succession vous attriste ?

Je pense que lui seul peut répondre à toutes les questions que les gens se posent. Il a écrit un testament en toute lucidité, de sa main. Quand j’ai fait avec lui Salaud, on t’aime c’était le sujet du film, celui d’un homme qui a le sentiment d’avoir consacré sa vie à son métier plutôt qu’à ses enfants et qui a envie de rattraper le temps perdu. On a travaillé sur un sujet que l’on connaissai­t bien tous les deux. Et ne comptez pas sur moi pour révéler les deux ou trois secrets qu’il m’a confié ! Au nom de l’amitié bien sûr...

Songez-vous, un jour, à vous arrêter ?

Comme tout le monde je vais recevoir un jour ma lettre de licencieme­nt. La mort c’est le dernier examen de passage, et on est sûrs d’être reçus. Pour une fois que je vais être reçu à un examen, je ne peux pas rater ça (rires). J’ai envie de croire que la mort est la plus belle invention de la vie...

Le cinéma est un laboratoir­e de recherches.” Johnny, c’était mon frère. J’ai grandi avec lui.”

 ?? (Photo Michael Alesi) ?? Claude Lelouch,  ans, préside cette semaine le festival monégasque. Il a été accueilli par l’organisate­ur Ezio Greggio.
(Photo Michael Alesi) Claude Lelouch,  ans, préside cette semaine le festival monégasque. Il a été accueilli par l’organisate­ur Ezio Greggio.

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