Impétueux sentiments, fièvre de faux-semblants
L’Amant d’Harold Pinter reprend du service et compte jouer les déferlantes dans les coeurs et esprits. Une pièce à (re)découvrir sur les planches d’Antibea demain
Ça se déchire le coeur et la peau. Y’a les mots plus hauts que les autres, y’a les répliques des autres puis les vérités qui ont des allures de mensonge. Ou bien serait-ce l’inverse ? Le tourbillon des questionnements qui griffe l’épiderme s’apprête à déferler sur les planches du théâtre Antibea. Et pour cause, L’Amant reprend du service. Harold Pinter, ce n’est politiquement pas correct. Et ça, Dominique Czapski, en est friand. Mais attention, ce n’est pas de la provoc’ juste pour faire rougir les esprits chastes. Non, non. Ça va au-delà. Là, on parle de la place de la femme, on parle de relation charnelle. 1964. Ça bouscule les codes. C’est osé. La plume progressiste du prix Nobel de littérature construit des obstacles. « Tout se passe normalement et soudain : l’accident. C’est la petite chose qui va tout faire basculer, on est dans le théâtre de la menace. Quelque chose plane », indique le directeur artistique en dessinant les contours de cette histoire d’amour où le sexe revêt une dimension plus que capitale.
Schizophrénie dans l’air
« C’est l’histoire d’un couple qui s’organise des après-midis amant maîtresse », résume Astrid Rousseau incarnant le rôle de Sarah – aux côtés de Sébastien Le Roy, Richard. Une femme qui se retrouve à se parer de masques jusqu’à ne plus vraiment savoir quel est son vrai visage. Ou bien si elle en a encore un dans tout ça… Parce qu’on est dans la peur de l’ennui qui installe une atmosphère où l’insécurité règne. Un duo, un tandem, de tendres ennemis, de cruels amours. Richard et Sarah. Sarah ou Richard. Richard contre Sarah. Sarah pour Richard. Mais jamais Richard sans elle. Mais jamais Sarah sans lui. « On ne sait pas où se situe la frontière entre la réalité et la fiction », souligne la comédienne qui se retrouve dans un jeu d’équilibriste, dans un éventail de femmes qui n’en sont au final qu’une seule. Y’a de la schizophrénie dans l’air. Un air vicié? Un air de liberté? Un air de rien ? Beaucoup de points d’interrogations et tellement plus encore. « Avec Pinter, en tant que spectateur quand on pense avoir saisi une vérité, on la perd aussitôt. Ca nous échappe. On se rend compte que ce n’était pas ça », précise Astrid Rousseau, ravie d’emporter le public dans ce labyrinthe des sens et faux-semblants : « Le but n’est pas d’apporter des réponses, mais de faire réfléchir. On ne se trouve pas dans une relation binaire. »
Désir, plaisir, jouissance, déchaînement et cruauté
Une mise en abyme qui parle. Fort. Qui hurle même à qui sait l’entendre. Il y a l’intime du couple et la place de la femme. Il y a le désir, le plaisir, la jouissance. Il y a la violence, la cruauté, le déchaînement. « Ils sont tous les deux sadiques et masochistes», sourit Dominique Czapski, « Ils trouvent leur liberté dans ce jeu qu’ils ont eux-mêmes fabriqué. D’ailleurs on ne sait même pas s’ils jouent. Eux non plus d’ailleurs... » Guidé par la pulsion, le duo terrible et dévorant détache les fantasmes et les impensables. Du doute en nectar.
Savoir +
L’Amant, d’Harold Pinter, mis en scène par Dominique Czapski, demain et samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures, au théâtre Antibea, 15 rue Georges-Clemenceau à Antibes. Tarifs : 10 à 16 euros. Rens. 04.93.34.24.30.