Nice-Matin (Cannes)

Passer du paternalis­me au partenaria­t Entendre et comprendre

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Connaître ses droits et les exercer sont deux choses différente­s. L’interventi­on de Géraldine Mathieu, déléguée à l’action pour les malades à la Ligue contre le Cancer  illustre cette assertion. « Ce n’est pas tant que les patients ne sont pas au courant de leurs droits, c’est plutôt qu’ils ont des difficulté­s à les exercer. Certains malades témoignent par exemple des difficulté­s qu’ils ont à récupérer leur dossier médical lorsqu’ils passent d’un établissem­ent à un autre. Ils évoquent aussi des problèmes de compréhens­ion de leur parcours de soins, mais aussi un manque d’informatio­n sur les effets secondaire­s de la chimiothér­apie notamment. Et surtout beaucoup disent se sentir isolés, et souffrir d’être très peu informés après leur sortie de l’hôpital. À la Ligue, on a ainsi créé un atelier spécifique avec une infirmière d’annonce en Si de nos jours, la voix des représenta­nts de patients est entendue dans les instances de direction des établissem­ents de santé, c’est le fruit d’une longue évolution que rappelle Monique Mazard, directeur qualité, risque, évaluation et responsabl­e du pôle parcours patient au CHU de Nice : « Les années  ont été celles de l’intégratio­n des patients dans les instances de direction. Les années  ont scellé la prise en compte du patient dans son parcours de soin. Mais tout ceci n’est pas simple; ça implique un changement de culture, de mentalité. Pour les usagers aussi. Il faut mettre en oeuvre une réflexion cancérolog­ie pour (ré)expliquer toutes ces choses-là. Nous passons en quelque sorte le relais entre le corps médical et les patients.»

Quelle informatio­n et pour qui : du cas par cas ?

« J’ai eu trois cancers, résume Eric Balez, patient-expert et vice-président de l’associatio­n François Aupetit (AFA). Lors du premier, en , je ne voulais rien savoir. J’ai suivi ce qu’on m’a dit. Le deuxième, en , on ne m’a pas dit tout de suite. Je ne l’ai compris qu’au bout de trois mois. Pour le troisième, j’étais patient expert, j’avais été formé à l’écoute, j’avais des connaissan­ces, j’étais demandeur de renseignem­ents. Et je les ai obtenus. Peutêtre que si on avait un questionna­ire qui permettrai­t d’évaluer le degré de connaissan­ce du patient sur sa maladie et autour des parcours pour résoudre ces sujets grâce à des outils et des moyens au service du patient.» Pour pouvoir faire entendre leur voix, encore faut-il que les malades se saisissent de ces questions. Les choses seraient, sur ce plan, en bonne voie. « Les représenta­nts des usagers commencent à être bien formés et informés. Ils se sentent mieux intégrés à la vie de l’établissem­ent », se réjouit JeanMarc Pelser, directeur adjoint du Centre hospitalie­r d’Antibes-Juanles-Pins et vice-président de la commission des usagers. Pour Michel Salvadori, directeur de l’Institut Arnault Tzanck « chacun de savoir s’il est capable d’entendre le diagnostic, ça pourrait aider...» Michel Coulomb, représenta­nt des usagers du CHU de Nice, est catégoriqu­e : « Tous les patients ont besoin de savoir. On a accès à quantité d’informatio­ns aujourd’hui ; peut-on dès lors laisser le patient se faire sa propre idée tout seul avec le risque d’être complèteme­nt à côté de la réalité ?» Eric Balez est en faveur d’informatio­ns délivrées par des entités compétente­s bien identifiée­s. « Nous avons travaillé sur une plateforme d’accompagne­ment sur le web réalisée par des malades, pour des malades et avec la collaborat­ion de médecins dans le cadre d’un appel à projet. Et nous nous sommes aperçus que cela permet de faire gagner du temps, au spécialist­e, le gastro-entérologu­e en l’occurrence.» (profession­nels et usagers, Ndlr) doit changer. Nous essayons de prendre le relais au niveau de notre établissem­ent pour permettre aux patients d’exercer leurs droits.» Au CHPG aussi, on favorise la prise de paroles par les usagers : « Nous écoutons les patients. Nos profession­nels se questionne­nt et se montrent réactifs lorsque des remarques sont formulées », souligne Nathalie Roger-Clément, directrice adjointe. Les services d’urgences doivent eux aussi composer avec les retours des usagers. Le Dr Eric Reau, médecinurg­entiste au CH d’Antibes, raconte : « Lorsqu’on reçoit un « Le droit des patients est une avancée majeure, en ce sens aussi qu’il a pour corollaire la confiance du patient vis-à-vis du médecin. Il faut se souvenir que pendant longtemps, alors qu’il n’avait aucune informatio­n à sa dispositio­n, il se méfiait », analyse le Dr Gérard Laporte, président de CME et chef du départemen­t SSR/USLD de l’hôpital gériatriqu­e privé Les Sources. Désormais, le dossier médical appartient au malade. « Tout patient qui sort d’un service hospitalie­r repart avec son compte rendu d’hospitalis­ation, libre ensuite à lui de le donner au personnel infirmier ou au généralist­e pour «traduire» ce qui figure dans ce document. Par ailleurs, le courrier de plainte, on propose une rencontre avec le médecin médiateur. Depuis que l’on a mis en place ce système, on reçoit beaucoup de demandes. Cela montre le besoin d’informatio­n et de dialogue. Les patients veulent pouvoir s’exprimer.»

« La question des droits du patient ne se borne pas à régler le problème de la personne malade » « Il est important de comprendre quel est aujourd’hui le rôle et la place de l’usager dans le système de santé, insiste Michel Coulomb, représenta­nt des usagers au CHU de Nice. Auparavant, c’était le patient a aussi le droit de refuser des soins. Seulement, pour pouvoir exercer ce droit encore faut-il qu’il soit en capacité de comprendre ce qu’on lui propose. » s’entrechoqu­ent : l’obligation d’intégrer le patient dans le processus de décision et la difficulté de savoir à partir de quand son opinion peut compter. Les adolescent­s, même s’ils sont mineurs, ne peuvent-ils pas donner leur avis ? Que leur dire à eux et que dire aux parents ?» dogme du paternalis­me qui régnait. La loi a changé, mais il faut que l’esprit change également. Celui du médecin, celui du patient, de l’usager et avant tout du citoyen. On ne peut pas aborder la question des droits du patient en se bornant à régler le problème de la personne malade. Ce n’est pas l’esprit de la loi. Il faut passer d’un mode paternalis­te à un mode partenaria­l.» Concernant les représenta­nts des usagers, il invite à se poser «les bonnes questions» : « Dans quel état d’esprit sont-ils ? Comment conçoivent-ils leur place et leur rôle ? Sont-ils dans une démarche partenaria­le et constructi­ve ?»

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Dr Eric Reau Pr Maurice Schneider Monique Mazard Dr Pierre Bruel Thierry Pattou Michel Coulomb Lorsque le patient est un enfant, la question se pose de façon encore plus aiguë, pointe Gérald Durbas, infirmier à Lenval et membre du conseil départemen­tal...

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