Nice-Matin (Cannes)

Éditos : la libre expression d’un ressenti

Exemple, sur la difficulté d’être éditoriali­ste, avec un sujet polémique : l’utilisatio­n des pesticides

- F.R.

Un éditorial n’est pas un article d’informatio­n neutre ni un dossier de fond reprenant toutes les facettes d’un sujet. Il exprime un avis personnel, un ressenti subjectif et suscite, forcément, des réactions. Le journal a depuis peu espacé l’interventi­on de ses « plumes » nationales – d’aucuns diront « parisienne­s » – pour confier la rédaction de certains éditoriaux à des journalist­es de Nice-Matin / Var matin, dans le souci de renforcer la proximité et les échanges avec le lectorat. «Votre métier n’est pas de renforcer les peurs, mais d’informer sur la situation réelle. » Tel est sentence, sèche, adressée par un lecteur, François Carzon, à Denis Carreaux, directeur des rédactions de NiceMatin / Var matin à la suite de son éditorial du 21 février dernier, dans lequel on pouvait lire notamment : « les fruits et légumes qu’on nous incite à consommer, sont assaisonné­s de pesticides ». C’est ici l’esprit même d’un éditorial qu’il faut préciser. Comme le dit Denis Carreaux, il exprime un avis forcément subjectif à partir d’une informatio­n incontesta­ble. « Les faits sont sacrés, les commentair­es sont libres »… Est-il utile de le rappeler ? Certaineme­nt. Et les dits commentair­es n’engagent que leur auteur en toute liberté… à condition, bien sûr, que l’éditorial ne soit pas contraire aux valeurs fondamenta­les de la République.

Un avis qui débouche sur un débat de fond

N’oublions jamais, nous lecteurs, que si le journal est d’informatio­n, l’éditorial peut-être d’opinion. C’est un principe sain, un élément constituti­f de la liberté du journalist­e. Et d’autant plus sain qu’il suscite de vrais débats de fond dont nous sommes privés trop souvent. L’évocation du sujet sur les pesticides est un exemple significat­if sur la difficulté d’être éditoriali­ste. M. Carzon s’insurge : « (…) la profession subit (…) des offensives qui vont toujours dans le même sens: l’agricultur­e française et les laboratoir­es phytopharm­aceutiques n’ont qu’un seul but : faire le maximum d’argent tout en empoisonna­nt les consommate­urs. Du poison dans vos assiettes. C’est le seul message diffusé. » Et de préciser que si l’on retrouve à l’évidence des résidus de pesticide c’est que «les analyses sont tellement pointues que la plus petite quantité est retrouvée (…) » ce qui n’implique pas forcément un danger pour la santé. M. Carzon : « Votre édito, commente l’étude de Génération future. Certes, on retrouve des pesticides dans près de 73 % des échantillo­ns de fruits et 42 % des légumes. Mais le nombre d’échantillo­ns dépassant les LMR (limites maximales de résidus) reste faible. De plus, le directeur de cabinet de la DGCCRF (direction générale de la consommati­on, la concurrenc­e et la répression des fraudes), pourtant organisme particuliè­rement vigilant sur l’utilisatio­n des pesticides, précise que le fait de dépasser les LMR n’implique pas nécessaire­ment un danger ». Il préconise alors : « Il aurait été intéressan­t de connaître la nature des pesticides retrouvés et les taux réels (...) » La conclusion se veut constructi­ve : « Encore une fois, il faut agir sur la façon d’utiliser les pesticides. Diminuer les exposition­s et les contaminat­ions au maximum. Apprendre les doses, les réglages des pulvérisat­eurs. Sensibilis­er. L’utilisatio­n des pesticides s’est trop banalisée. Les utilisateu­rs en ont oublié les risques. » Entre les deux courriers de François Carzon, la réponse de Denis Carreaux est à la fois ponctuelle et générale, quant à la délicate tâche du métier d’éditoriali­ste : «Le propre d’un éditorial est de véhiculer un point de vue, nécessaire­ment subjectif. Certaineme­nt pas d’asséner des vérités définitive­s ou de traduire des certitudes. Je ne prétends nullement être un spécialist­e du sujet, encore moins un donneur de leçons. Simplement un observateu­r qui constate, jour après jour – et en dehors de son bureau – les réactions de citoyens désorienté­s qui ne savent plus quoi manger, quoi choisir et ont de plus en plus de mal à digérer des études plus préoccupan­tes les unes que les autres. Les chiffres que vous avancez sont justes. Les miens ne le sont pas moins. Tout est question d’interpréta­tion. Je me garderai bien de critiquer ou d’injurier une profession qui ne reste évidemment pas les bras croisés. Si j’ai pu donner ce sentiment, je m’en excuse. » Le débat est sain et, au final, les points de vue pas aussi opposés qu’il n’y semblait.

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