Nice-Matin (Cannes)

Il aurait fait 10 000 victim es!

Le patron de la société Rifft basée à Sophia Antipolis a été mis en examen et incarcéré la semaine dernière. Il avait même créé une plateforme de crowdfundi­ng pour financer ses « inventions »

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Installé à Sophia Antipolis depuis , Lucas Goreta a fondé Rifft. Pour financer ses recherches, il faisait appel au financemen­t participat­if. La justice le suspecte d’avoir détourné une partie des  M€ collectés auprès de milliers de souscripte­urs.

Quel est le point commun entre un petit robot familial baptisé Fuzzy, le bracelet connecté CT Band et WiSurf, une station de recharge par induction forcément révolution­naire? Ces trois produits hightech ont été développés par la société Rifft, une start-up azuréenne récemment sélectionn­ée pour aller représente­r la French Tech locale au CES de Las Vegas, véritable Mecque de l’innovation… Créée il y a à peine trois ans à Sophia Antipolis, cette entreprise qui compte une vingtaine de salariés avait le vent en poupe. Du moins jusqu’à ce que son patron se fasse interpelle­r la semaine dernière. Après 48 heures de garde à vue, Lucas Goreta, le p.d.g. de Rifft, a été transféré au tribunal d’Annecy où il a été mis en examen pour escroqueri­e et placé en détention provisoire.

 millions collectés et   souscripte­urs

Cet homme affable, qui se présentait parfois comme ingénieur de mesure ou même astrophysi­cien, est en effet originaire de Haute-Savoie. C’est donc dans la juridictio­n où se trouvait son dernier domicile connu qu’une informatio­n judiciaire a été ouverte lorsque les premières plaintes à son encontre ont été déposées, il y a quelques mois déjà, par d’anciens salariés et des souscripte­urs. Car pour financer ses inventions, le p.-d.g. de Rifft – pour Research & Innovation for future technologi­es – multipliai­t les opérations de crowdfundi­ng. Il avait même créé sa propre plateforme de financemen­t participat­if… en Angleterre. Lucas Goreta aurait ainsi réussi à lever plus de 4 millions d’euros en l’espace de deux ans auprès de huit à dix milles souscripte­urs ! Il faut dire que l’offre pouvait paraître alléchante. La start-up azuréenne proposait à ses généreux financeurs de leur reverser des royalties sur les ventes futures des produits qu’elle était en train de développer. Et ces innovation­s s’annonçaien­t forcément prometteus­es. La preuve: certaines ont même été distinguée­s par le mythique Consumer Electronic­s Show de Las Vegas. Lors de l’édition 2017, le bracelet connecté CT Band, censé s’adapter à n’importe quelle montre traditionn­elle, y avait reçu deux Awards. Et pas plus tard qu’en janvier, dernier la start-up avait récidivé lors de l’édition 2018 pour son projet, cette fois, de station d’alimentati­on et de recharge sans fil pour smartphone, tablette et drone ! Avec de telles inventions et un taux de redistribu­tion promis aux « donateurs » de 15 % sur son chiffre d’affaires, pour une mise de départ qui n’excédait pas les 200 euros, Rifft n’a eu aucun mal à collecter des fonds.

Montage à la Madoff ?

Le hic, c’est que la mise sur le marché des produits était sans cesse repoussée. Alors même que Rifft obligeait, semble-t-il, ses souscripte­urs à les pré-acheter ! Certains se sont donc impatienté­s et ont saisi la justice. Or, Lucas Goreta n’en était pas tout à fait inconnu. Pour une précédente affaire d’escroqueri­e, l’homme a déjà été condamné en 2007 à 18 mois de prison avec sursis et cinq ans d’interdicti­on de gérer une entreprise. Il a de nouveau été cité en 2013 lors d’une audience du tribunal correction­nel de Bordeaux. À l’époque il n’était pas question de start-up mais de fonds de pension, et les diamants faisaient office de produits high-tech. Mais les montages financiers étaient néanmoins assez similaires et ressemblai­ent à ce qu’on appelle un montage de Ponzi. Une structure pyramidale où les nouveaux souscripte­urs financent avant tout le train de vie de ceux qui sont à son sommet. Ce qui, en son temps, avait d’ailleurs fait la fortune d’un certain Bernard Madoff… Et qui, en France, est totalement interdit. Pourtant, la société Rifft est suspectée de s’être servie de ses premiers contribute­urs comme de rabatteurs. Sur plusieurs forums spécialisé­s, certains dénoncent l’arnaque dont ils s’estiment victimes. Et n’hésitent pas à mettre en ligne des comptes rendus de réunion où Lucas Goreta luimême se vante d’avoir des comptes au Luxembourg, en Suisse et dans les Îles Vierges Britanniqu­es. Voilà qui risque fort d’intéresser la justice et le service de police judiciaire d’Annecy qui a stoppé, mardi dernier à Biot, l’irrésistib­le ascension du startupper azuréen.

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 ?? (Photos K. W. et DR) ?? Lucas Goreta, le fondateur de la start-up Sophiapoli­taine Rifft, avait même créé sa propre plateforme de crowdfundi­ng (ci-dessous).
(Photos K. W. et DR) Lucas Goreta, le fondateur de la start-up Sophiapoli­taine Rifft, avait même créé sa propre plateforme de crowdfundi­ng (ci-dessous).

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