Aux hommes cabossés, la patrie pas très reconnaissante
« Le handicap n’est pas seulement physique, il est aussi social »
Stephen Hawking était un homme-passerelle. Capable de nous initier aux mystères de l’Univers sans jamais nous perdre en route. Un vulgarisateur hors pair, doté d’une intelligence exceptionnelle, pétri d’humour et d’humanité. Ah oui, dernier détail, il était handicapé. Broyé par une maladie de Charcot qui aurait logiquement dû le terrasser quand il n’avait que ans, renforçant ainsi la croyance dans le précepte nietzschéen: «Tout ce qui ne tue pas rend plus fort». Sans son handicap, aurait-il été l’astrophysicien le plus célèbre au monde? Pas de psychologie de bazar. Mieux vaut se remémorer ce qu’il disait à ce sujet dans un documentaire autobiographique en : « Parce que chaque jour peut être mon dernier, j’ai le désir de tirer le meilleur de chaque minute». D’autres grands intellectuels sont reconnus pour leur capacité à dépasser leur handicap. Le suisse Alexandre Jollien partage avec des milliers de lecteurs à travers le monde, une philosophie de la vie ultra-positive, après avoir passé... dix-sept ans dans une institution spécialisée pour les informes moteurs cérébraux. «Du fait de mon handicap, j’ai été nourri par le besoin, confiait-il il y a quelques années au magazine Psychologies, mais également par le désir de la lutte. Et le bonheur était inclus dans ce combat: il fallait se battre pour être heureux». En sport, la skieuse Marie Bochet, malgré une agénésie de l’avant-bras a décroché hier la septième médaille d’or de sa carrière olympique. Mieux que Martin Fourcade. Sacrée performance, qui sera trop vite oubliée. Qu’ils soient brillants ou dans l’obscurité de la foule, il leur faut de l’énergie à revendre, et beaucoup de distance au monde, pour accepter cette injustice: le handicap n’est pas seulement physique, il est aussi social. «Pas de bras, pas de chocolat» pour parodier Omar Sy dans Intouchables. Et la France n’est pas forcément le pays le plus irréprochable en matière de lutte contre les inégalités de la vie. Un seul exemple : l’emploi. Une loi impose depuis plus de ans aux entreprises de plus de salariés d’employer au moins % de travailleurs handicapés. Ou alors, elles payent. De l’argent qui facilite l’insertion de ces personnes... dans d’autres entreprises. Résultat : le pourcentage ne dépasse pas les , %. Le gouvernement a lancé le mois dernier une consultation afin de simplifier les procédures de recrutement. En plus de la simplification administrative, il aurait fallu rouvrir un autre chantier : celui de la lutte contre les préjugés, toujours vivaces. Parce que les handicapés souffrent parfois autant de leur situation que du regard des autres. Et qu’ils ne s’appellent pas tous Stephen Hawking.