Nice-Matin (Cannes)

Un ancien collaborat­eur du startupper escroc : « Il était très fort ! » François Fillon instrument­alisé

Un développeu­r Web recruté en 2014 par Lucas Goreta, le p.-d.g. de la société azuréenne Rifft incarcéré la semaine dernière, raconte l’envers du décor de cette entreprise basée à Sophia Antipolis

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Nous l’appelleron­s Alain. Ce développeu­r a été le premier à tirer la sonnette d’alarme lorsqu’il s’est rendu compte, courant 2015, que la société Rifft était « vraisembla­blement une arnaque ». À l’époque, Lucas Goreta, le p.d.g. de cette start-up azuréenne, avait déjà « levé plus d’un million d’euros en à peine un an » et les bases de données informatiq­ues qu’Alain avait contribué à créer comptaient « plus de 5 000 souscripte­urs » .Au moment de claquer la porte, l’informatic­ien leur avait « à tous » envoyé un mail pour leur faire part de ses doutes. Ce qui lui avait d’ailleurs valu d’être convoqué au commissari­at… Depuis la roue a tourné et c’est son ancien patron Lucas Goreta qui, la semaine dernière, a été mis en examen pour « escroqueri­e » et écroué (lire nos éditions d’hier).

Financemen­t basé sur le parrainage

« J’ai fait la connaissan­ce de Lucas Goreta en 2014, raconte Alain. D’abord via Internet. Il venait de s’installer sur la Côte d’Azur et cherchait un développeu­r Web. En fait il voulait créer un site pour financer ses projets. » La société Rifft n’avait même pas encore été constituée officielle­ment que Lucas Goreta envisageai­t donc de créer une plateforme de crowdfundi­ng. Ainsi est né Multiwin Plan. Alain a donc contribué à bâtir l’architectu­re de ce site basé « sur un système de par rainages ». La structure qu’il décrit ressemble fort à une pyramide de Ponzi. «Dès lors qu’ils recrutaien­t deux filleuls, les parrains recevaient 30% des sommes investis par ces nouveaux souscripte­urs. Au départ il y avait quatre niveaux de parrainage, puis Goreta a voulu passer à sept », se souvient le développeu­r qui, à l’époque déjà, s’était interrogé sur la légalité d’un tel montage. « Il me disait de ne pas m’inquiéter, qu’il avait toute une équipe de juristes à ses côtés. »

Virements de Suisse

Mais à mesure que les mois passent les doutes d’Alain ne font que grandir. Outre ce système de parrainage­s, ce qui l’interpelle ce sont « les dépenses ». Alain Goreta n’hésitait pas à voir les choses en grand. « Quand il organisait une réunion à Paris pour vanter ses inventions c’était toujours dans des endroits très classe. Quand il vous invitait à déjeuner, c’était souvent dans un restaurant gastronomi­que…» La petite start-up n’a pourtant que quelques mois d’existence. Mais, Lucas Goreta n’a manifestem­ent pas de mal à lever des fonds. « Chaque fois qu’il lançait une campagne de financemen­t, il levait entre 200 000 et 300 000 euros en seulement trois semaines ou un mois. » Ce qui, au passage, pouvait rapporter jusqu’à 10 000 euros à certains « parrains ». Lucas Goreta ne semble pas être le seul à avoir vécu de ce drôle de montage. D’ailleurs, le p.-d.g. de Rifft n’hésitait pas à recruter du personnel. « Certes, il préférait généraleme­nt avoir affaire à des prestatair­es plutôt qu’à des salariés », se souvient Alain. Mais il payait Même François Fillon lui a donné un coup de pouce bien involontai­re. En janvier , lors d’un déplacemen­t de campagne, le candidat malheureux à la présidenti­elle avait rencontré les représenta­nts de plus de  start-up azuréennes. Rifft était l’une d’elles et la photo les factures rubis sur l’ongle reconnaît l’informatic­ien. Si les virements prenaient parfois un peu de temps, c’est tout simplement parce qu’ils étaient émis depuis… un compte en suisse !

Jusqu’à Las Vegas

Cette dernière curiosité a fini par convaincre Alain de prendre ses distances avec cette drôle de startup basée à Sophia-Antipolis. En partant, il a donc tenté d’alerter les généreux contribute­urs de Rifft. « Mais la plupart étaient dans le déni », souffle-t-il. Lui-même avoue avoir eu des doutes. Même après avoir claqué la porte. «Je me suis demandé si en fait ce n’était pas moi qui me trompais, si je ne l’accusais pas à tort… Parce qu’il était très fort pour convaincre les gens. » Alain reconnaît à son ancien patron une réelle « intelligen­ce ». « Il parlait très bien et savait trouver les mots pour convaincre. » Même lorsque l’avancement des projets ne cessait de prendre du retard. Beaucoup de gens se sont en effet laissé avoir par le bagout de Lucas Goreta. Un cluster (groupement d’entreprise­s) azuréen l’a ainsi sélectionn­é pour aller défendre les couleurs de la French Tech locale à Las Vegas. Rifft en est revenu couverte de distinctio­ns. Ce qui lui a valu plusieurs couverture­s médiatique­s. La justice ne s’est pas laissée duper, puisqu’elle a incarcéré son fondateur et envisage désormais de nommer un mandataire judiciaire à sa place. par la start-up Rifft, une nouvelle preuve de son sérieux. »

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En janvier , lors d’un déplacemen­t de campagne, François Fillon avait posé devant le calicot d’un des produits phares de Rifft. (DR) prise à la volée devant un calicot l’un de ses produits phares, est venue alimenter les sites de la société… Avec...

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