Julie Gayet: « Le cinéma est né avec le court métrage »
Marraine de la Fête du Court métrage, Julie Gayet est à Nice aujourd’hui pour une rencontre avec des réalisateurs. L’actrice évoque ici son attachement au «court» et son activité de productrice
L’association Héliotrope, qui organise chaque année l’événement Un festival c’est trop court, prend part jusqu’au 20 mars à la Fête du Court métrage. Présentation avec Julie Gayet, marraine de l’événement.
Pourquoi cette Fête du Court métrage vous séduit-elle ?
Ce qui me séduit, c’est l’idée que cette fête soit reprise aujourd’hui par les associations qui, toute l’année, font la promotion du court métrage. Et qui, pendant cette semaine nationale, assurent son rayonnement dans leur région. J’avais promis aux membres d’Héliotrope d’y participer, manière pour moi de saluer leur travail d’éducation, de transmission.
Quelle place pour le court métrage aujourd’hui ? Quelle audience ?
Il faut rappeler que le cinéma est né de cette façon avec les frères Lumière. Aujourd’hui, le format court est celui de la réalité virtuelle. Le lieu de la recherche.
Une sorte de laboratoire ?
C’est un lieu où l’on peut tester, apprendre. C’est aussi un espace de liberté, dans la mesure où le court métrage coûte moins cher. Les écoles d’animation, qui sont d’un niveau incroyable en France, y trouvent un terrain d’expérimentation très riche. Quand on est curieux et quand on aime le cinéma, on y rencontre de jeunes artistes passionnants.
En dehors des festivals, la place est faible, tant au cinéma qu’à la télévision…
On voit encore des courts métrages à la télévision, mais à des horaires un peu tardifs. Justement, nous avons monté l’association Faites des courts, Fête des films, dont je suis la viceprésidente, pour mettre en avant ces formats courts auprès des chaînes. Il y a aussi des salles de cinéma qui jouent le jeu en diffusant des courts avant les longs. Les réseaux CGR, UGC et Gaumont. Et, bien sûr, les indépendants qui font ce travail de façon naturelle, toute l’année. Nous avons même aujourd’hui de vraies séances dédiées au court. Et dans toutes les régions, on trouve aussi des ateliers, des rencontres, des débats autour de l’éducation à l’image. Notamment avec Héliotrope. Que ce soit à Nice, à Marseille, à Angoulême, à Caen, à Rennes, à Brest ou un peu partout en France, des associations utilisent ce moyen de communication qu’est la Fête pour ramener des courts métrages dans l’avantséance, comme on dit. Là où, malheureusement, ces dernières années, le court a laissé la place à la pub. Vous-même en produisez ? Très peu. Comme comédienne, j’ai longtemps fait trois courts métrages par an. C’était une volonté de rendre un peu ce qui m’avait été donné. Quand j’ai commencé à produire, c’est devenu beaucoup plus compliqué pour moi. Cette association Faites des courts, Fête des films a été ma manière de contribuer à cette promotion.
La production de courtsmétrages ne peut pas faire vivre une petite structure ?
Si, il existe des petites sociétés qui débutent en produisant du court. Pour notre part, avec mon associée Nadia Turincev, nous produisons avec Rouge International beaucoup de longs, mais il nous arrive de monter un court, par exemple pour expliquer le travail d’un jeune metteur en scène. Ce que nous avons fait récemment avec Roland Menou, lorsque nous sommes venus tourner en Camargue pour montrer son univers.
César, Oscars : comment la productrice que vous êtes a-telle vécu ces événements ?
J’ai d’abord l’impression d’une reconnaissance de ce que nous avons fait au cours des dix dernières années avec Nadia Turincev. Nous étions très heureuses des six nominations de Grave. Pour Julia Ducournau, être sélectionnée pour la mise en scène, c’était énorme. Un prix aurait été la cerise sur le gâteau, mais j’ai trouvé Petit Paysan très joli… L’essentiel était d’être là. Les César, c’est notre famille, notre industrie. Quant aux Oscars, c’était d’autant plus une reconnaissance que nous avions deux films. L’Insulte, de Ziad Doueiri en partenariat avec le producteur libanais Ezekiel, et Visages Villages, d’Agnès Varda et JR.
Au cinéma, on vous retrouvera bientôt aux côtés de Kad Merad ?
Oui, dans un film de François Desagnat que nous avons tourné à Marseille. J’ai adoré travailler avec Kad, ce génie de la comédie qui sait vraiment tout faire. Je me suis beaucoup amusée. J’apprécie les gens qui rient et qui font rire. J’aime l’humour. Ce tournage, c’était des grandes vacances.
Vous avez signé l’appel Maintenant on agit. Votre féminisme est bien ancré ?
J’ai coréalisé avec Mathieu Busson un documentaire sur la place des femmes dans le cinéma, Cinéast(e)s. En allant tourner en Inde, où les acteurs sont vraiment des dieux vivants, nous avons appris que le plus grand d’entre eux faisait stipuler dans ses contrats que sa partenaire devait être payée plus que lui. C’est un signal fort, au moment où l’on découvre que l’actrice de la série The Crown serait moins bien payée que son partenaire. L’égalité hommes-femmes fait partie des sujets qui me constituent. L’entreprenariat avec Rouge International, le fait d’être renvoyée sans cesse au fait d’être une femme, tout cela me donne une conscience aiguë et une sensation de responsabilité à l’égard des jeunes générations. Depuis la Women’s March, Américaines, Anglaises, Espagnoles ou Brésiliennes se sont mobilisées. Le cinéma français avait le devoir de montrer sa solidarité. La façon la plus juste, me semble-t-il, étant de mettre en avant la Fondation des Femmes qui redistribue à des associations où l’on manque cruellement de moyens. Oui, maintenant on agit.
Fête du Court Métrage. Lancement ce vendredi, à partir de 16 h, à La Passerelle, 2 rue Pacho (Port de Nice). Avec Alice Vial, Jean-Gabriel Périot, Benoit Grimalt et Christophe Switzer. Puis jusqu’au 20 mars, programme complet sur www.nicefilmfestival.com
Le «court» a laissé la place àlapub”