Nice-Matin (Cannes)

Rue Bivouac-Napoléon, un campement de fortune pour l’Empereur

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez chaque samedi notre nouvelle rubrique « Résurgence­s ». Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur la frange littorale. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

Le 1er mars 1815, Napoléon, en fuite de l’île d’Elbe, à bord de l’Inconstant, débarqua au Golfe-Juan, petite bourgade de pêcheurs. Douze mille hommes accompagna­ient son audacieuse entreprise de reconquête. La garnison d’Antibes ayant refusé de se rallier à sa cause, il décida avec ses fidèles généraux, Bertrand, Drouot et Cambronne, de rejoindre la ville de Cannes.

De la chapelle du XVIIe au sanctuaire du XIXe siècle

L’ancienne nationale 7 qui reliait GolfeJuan à la cité des festivals, n’était alors qu’une piste caillouteu­se, longeant une côte sableuse et déserte. À l’époque, la ville de Cannes comptait environ trois mille âmes et s’enroulait encore autour du Mont Chevalier, au pied duquel s’étendaient nombre de marécages. Au milieu des dunes, se dressait la petite chapelle Notre-Dame de Bon-Voyage. L’Empereur, arrivé à Cannes vers deux heures du matin, organisa un premier campement à proximité du sanctuaire. Le sanctuaire édifié au XVIIe siècle, se trouvait alors assez éloigné de la ville. La route suivait alors l’actuel boulevard de la Source, puis se déroulait entre la Croisette et la rue d’Antibes, avant de rejoindre celle du Maréchal-Joffre. La chapelle était alors un lieu de pèlerinage fréquenté par les pêcheurs et les voyageurs qui venaient s’y recueillir avant de prendre la mer ou d’effectuer un long périple. Au cours du XIXe siècle, une urbanisati­on intense se produisit à l’Est de la ville. L’église du Suquet s’avérait désormais trop éloignée pour les habitants de ces nouveaux quartiers. La chapelle Notre-Dame de Bon-Voyage, propriété d’un particulie­r, fut acquise par le conseil de fabrique de la paroisse en 1853. On la transforma en sanctuaire de secours. Cependant, le monument qui était trop étroit pour accueillir l’ensemble des fidèles, fut détruit en 1868. L’architecte Vianey dessina les plans d’une nouvelle église de style néo roman, financée par la population. Consacré le 2 novembre 1879, le lieu cultuel comprenait à l’origine deux clochers s’élevant de part et d’autre de la façade principale. Ils furent supprimés à l’orée du siècle dernier. Le portail Nord fut agrandi en 1924. Pour l’anecdote, ce fut Napoléon III qui autorisa par un décret impérial, la constructi­on de la nouvelle église.

Une stèle pour l’Empereur

Lors de la création de la route Napoléon, en juillet 1932, plusieurs manifestat­ions eurent lieu. Le premier magistrat Jean Gazagnaire, accompagné d’édiles municipaux et de diverses personnali­tés se retrouvère­nt au Pavillon des Escales Transatlan­tiques avant de prendre le bateau en direction du Golfe-Juan. Dans la soirée, fut inauguré le monument commémoran­t l’arrivée de l’Empereur à Cannes. La cérémonie fut suivie d’un concert organisé par l’Orphéon municipal, au kiosque des Allées de la Liberté. Un bal couronna ces quatre journées festives auxquelles avaient pris part une grande partie des citadins. Nombre de personnali­tés décidèrent de suivre le parcours de Napoléon, de Cannes à Grenoble. L’épitaphe de la stèle apposée sur la façade de l’église Notre-Dame de BonVoyage évoque la halte de l’Empereur et son campement de fortune : « Ici, sur les dunes avoisinant l’ancienne chapelle Notre-Dame de Bon-Voyage, Napoléon revenu de l’Île d’Elbe bivouaqua dans la nuit du 1er au 2 mars 1815 avant de s’élancer vers Paris par le périlleux chemin des Alpes. »

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(Photo P.L.)
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La rue Bivouac-Napoléon au début du siècle dernier.

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