Nice-Matin (Cannes)

À Tocquevill­e, un an après, les élèves veulent oublier

Triste date anniversai­re, hier. Le 16 mars 2017, Killian, 16 ans, ouvrait le feu dans son lycée et blessait le proviseur et cinq lycéens. Aujourd’hui, la vie a repris son cours dans l’établissem­ent grassois

- AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

On écoute du rap français. Vous connaissez?» Assis sur un banc, Hugo, Benjamin et Paul attendent l’heure du prochain cours pour rentrer dans le lycée. Le soleil réchauffai­t l’air frais du matin, hier. Le même soleil qui pointait au-dessus de Tocquevill­e, il y a un an. Presque insolent, alors. C’était là, le 16 mars 2017, que Killian, 16 ans, ouvrait le feu, sous les yeux de ses camarades de lycée. Décidé à abattre certains jeunes qui se seraient moqués de lui. Blessant le proviseur et cinq lycéens. Semant le trouble et la panique. « C’est peut-être bête ce que je vais dire mais le fait qu’il n’y ait eu que des blessés et pas de mort, ça fait relativise­r… Et on passe plus vite à autre chose. Par chance, il n’a tué personne », lance Hugo, 16 ans. Avec ses copains de classe de première, ils affirment « vouloir juste oublier, même si ça risque de nous marquer cette histoire… Mais on a repris notre rythme normal et heureuseme­nt à notre âge, on ne focalise pas là-dessus… » Pourtant, ils ont vu et entendu. Le bruit des balles. La course, les élèves qui partaient dans tous les sens. «Là et là», pointent-ils du doigt. Là, où ils passent encore chaque matin. Là où la vie, la fougue, la jeunesse a repris ses droits. Vite. Très vite pour certains. « Finalement, même une semaine après, on ne s’en souciait plus trop… Ce sont les médias qui se sont emparés du truc et en ont parlé encore et encore. Nous, on avait déjà un peu zappé », lance un lycéen pendant la pause clope. Pour ne pas zapper trop vite (et souvent mal), l’établissem­ent avait mis en place, jusqu’à la fin de l’année scolaire 2017, une cellule d’aide médico-psychologi­que à destinatio­n des élèves, parents, professeur­s et personnels. « J’y suis allée une fois, dit Nesrine, en classe de terminale aujourd’hui, puis j’ai préféré en parler avec mes camarades et professeur­s, qui étaient sur place pendant la fusillade. » Hier matin, la jeune fille a « un peu parlé » de la fusillade avec ses copains, Josh et Tom. Elle s’attendait à voir débouler les caméras de télévision devant Tocquevill­e « comme l’an dernier, c’était vraiment trop… On veut juste oublier maintenant. » La demoiselle ajoute : « Ça me fait quand même de la peine pour le mec qui a fait ça. Et en même temps, le savoir en prison est rassurant. Il doit réaliser ce qu’il a fait, qu’il a touché autant de personnes par ses actes. Un de mes amis a été blessé et a passé plusieurs jours à l’hôpital. » Ce dernier est ensuite retourné au lycée. Et il y est encore inscrit cette année. Comme beaucoup, il a fait le choix de rester dans l’établissem­ent, redevenu rapidement un endroit sûr, apaisé, loin de toute angoisse. Désormais, un contrôle strict est observé aux portes du lycée. Les heures d’entrée et de sortie sont fixes. Les carnets de correspond­ance doivent être montrés à l’entrée. Et les sacs sont fouillés un peu plus haut. Pour la direction de l’établissem­ent scolaire, il n’est pas question de marquer d’une façon particuliè­re les « 16 mars » mais plutôt d’être là, présent, avec les équipes éducatives, pour écouter et répondre aux demandes des élèves qui souhaitent en (re)parler.

Par chance, il n’a tué personne ” Il doit réaliser ce qu’il a fait ” Contrôle des carnets et des sacs

 ?? (Photo A.H.) ?? La fusillade était loin des esprits des lycéens, hier matin.
(Photo A.H.) La fusillade était loin des esprits des lycéens, hier matin.

Newspapers in French

Newspapers from France