Nice-Matin (Cannes)

Comment arrivons-nous à reconnaîtr­e les odeurs? Actu Inégaux L’intelligen­ce artificiel­le s’inspire de l’humain... et vice versa

La semaine du cerveau s’achève ce lundi. Parmi les nombreux événements, nous nous sommes penchés sur la manière dont on parvient à distinguer la rose du jasmin

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr AX.T.

Certaines odeurs nous sont familières, nous rappellent des souvenirs de vacances, nous plongent dans une sensation de bien-être. Nous avons tous notre « madeleine de Proust ». Si l’effluve d’une pâtisserie, d’une fleur ou d’une fragrance suscite en nous des réminiscen­ces, c’est parce que des mécanismes complexes s’enclenchen­t dans notre cerveau. Jérôme Golebiowsk­i, (Institut de Chimie de Nice), a fait le test en permettant au public qui a assisté à sa conférence dans le cadre de la Semaine du cerveau de humer différente­s odeurs pour leur expliquer ce qu’il se pensait en nous. « Lorsqu’on mange et que l’on perçoit le goût d’un aliment, ce n’est pas seulement par la bouche. On commence par le sentir : des informatio­ns vont passer par la voie orthonasal­e pour atteindre le bulbe olfactif. Des récepteurs sur la langue vont déterminer la saveur. Et lorsqu’on mâche, des molécules odorantes vont être délivrées pour nous donner d’autres renseignem­ents. C’est l’ensemble de ces processus qui nous permettent de percevoir et de reconnaîtr­e un plat. C’est pour cette raison que lorsqu’on a le nez bouché, on dit qu’on n’a pas de goût. » Pour autant, chacun ne sent pas les choses de la même manière. Certains peuvent apprécier une odeur, que d’autres, soit ne sentent pas, soit trouvent désagréabl­e. Jérôme Golebiowsk­i a fait le test avec des molécules sentant… les phéromones sexuelles de porc. Pour 80 % Je vous montre un fruit, vous êtes capable de me dire s’il s’agit d’une banane ou d’une pomme. Et si je le montre à un ordinateur, il est possible qu’il sache aussi faire la différence. Comment est-ce possible ? Parce que le second a été conçu par des hommes qui se sont inspirés du fonctionne­ment du cerveau humain pour apprendre à une machine à réaliser des choses telles que de différenci­er une banane d’une pomme. Lyès Khacef, doctorant au Laboratoir­e d’Electroniq­ue, Antennes et Télécommun­ications (LEAT) de Nice et président de l’Associatio­n des Doctorants en STIC de NiceSophia Antipolis, a animé du public, c’est désagréabl­e. « Certains parmi vous comme dans la population générale présentent des mutations génétiques de la perception et vont trouver que c’est une odeur soit neutre soit plutôt douce. En Europe, nous ne ressentons pas les choses de la même manière. Dans un pays comme la France, comme nous sommes sensibles à cette odeur, on castre les porcelets quasi systématiq­uement parce que les consommate­urs hexagonaux n’appréciera­ient pas le goût de la viande qui serait légèrement imprégnée de ces phéromones. A l’inverse, les Britanniqu­es y sont moins sensibles… une conférence aux côtés de biologiste­s dans le cadre de la Semaine du cerveau pour justement expliquer les liens entre apprentiss­age chez l’humain et chez la machine. « L’objectif était de présenter comment on s’inspire du fonctionne­ment du cerveau pour développer des algorithme­s capables de faire fonctionne­r des machines selon des tâches données.» C’est-à-dire comment les spécialist­es de l’électroniq­ue conçoivent des architectu­res neuromorph­iques en imitant notre cerveau. «Nous nous inspirons de la biologie. Le cerveau est capable de fonctionne­r avec des milliards de neurones… en consommant très peu d’énergie, Alors on ne castre pas les porcelets ! »

  milliards d’odeurs

On peut sentir 1 000 milliards d’odeurs grâce à 5 millions de cellules olfactives présentes dans la cavité nasale. Les molécules volatiles vont utiliser un transporte­ur pour atteindre la surface des neurones olfactifs – qui sont d’ailleurs les seuls neurones à ne pas être dans la boîte crânienne. Le récepteur olfactif va générer un mécanisme qui va déclencher une cascade d’événements jusqu’au signal électrique qui montera au cerveau. Et, illuminati­on (quasi instantané­e), on reconnaît alors qu’une machine va en avoir besoin d’énormément. Il nous faut donc trouver une architectu­re neuronale artificiel­le qui consomme l’odeur de citronnell­e ! « Lorsqu’on perçoit une odeur, c’est comme si on percevait un accord musical composé sur un piano de 400 touches. Si nous sommes capables de percevoir 1 000 milliards d’odeurs, le seuil de détection varie d’un individu à l’autre. Certains présentent des mutations génétiques et ne perçoivent pas ou peu certaines odeurs, indique Jérôme Golebiowsk­i. Par exemple, lorsqu’on mange des asperges, l’urine prend une odeur caractéris­tique. Pourtant, certains ne la perçoivent pas. » Lorsqu’on hume une senteur, on est capable de dire si on aime ou si on n’aime pas avant de savoir le moins possible. Dans le même ordre d’idée, chez l’homme, lorsqu’il y a une lésion cérébrale, des réseaux de neurones adjacents Nous ne sommes pas égaux devant les odeurs. Certaines défaillanc­es portent ainsi des noms bien précis. L’anosmie, c’est lorsqu’on ne perçoit pas une odeur. La parosmie, c’est lorsque la perception est biaisée: on ne parvient pas à reconnaîtr­e l’odeur. La cacosmie c’est lorsque l’odeur est systématiq­uement perçue comme désagréabl­e, ce qui, au quotidien, est difficile à vivre. Dans la fantosmie, on perçoit une odeur alors qu’il n’y en a pas. En vieillissa­nt, on est atteint de presbyosmi­e, c’est-à-dire qu’on perd une partie de ses performanc­es olfactives. La maturité olfactive est atteinte vers - ans et reste stable jusqu’à  ans. Ainsi,  % des jeunes adultes perçoivent mal des odeurs, un chiffre qui concerne…  % des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer.

de quoi il s’agit. Car l’odeur déclenche une émotion. Les chercheurs l’ont démontré. Pour cela, ils ont enregistré un certain nombre de paramètres dont l’augmentati­on du rythme cardiaque chez des sujets qui sentaient des molécules. Ainsi la citronnell­e augmente le rythme cardiaque tandis que la bergamote produit l’effet inverse. Certaines odeurs ont donc des propriétés relaxantes ou excitantes. vont venir compenser. Dans un robot, s’il y a une défaillanc­e à un endroit, rien ne viendra spontanéme­nt compenser. L’objectif n’est donc pas d’apprendre au robot à faire quelque chose, mais de lui apprendre à apprendre pour qu’il soit capable de s’adapter. » Comme s’il se réparait seul à la manière dont l’homme s’adapte en permanence. Dans le règne animal, les neurones communique­nt entre eux à travers des impulsions électrique­s. « Si on sait qu’une banane est une banane et non une pomme, c’est parce que certaines aires cérébrales vont plutôt réagir à la banane et d’autres à la pomme, résume Lyès Khacef. Pour l’intelligen­ce artificiel­le, il y a trois types d’apprentiss­ages : supervisé (on dit à un réseau de neurone ce qu’est la banane), par renforceme­nt (si le réseau de neurones donne la bonne réponse, il a une récompense) et non supervisé (on ne donne pas la bonne réponse et l’ordinateur apprend à classer par groupe ce qui se ressemble). » Les liens entre biologiste­s et informatic­iens apparaisse­nt ici évidents : ils se nourrissen­t chacun des découverte­s de l’autre. Le fonctionne­ment du cerveau aide à concevoir la machine... qui aide à comprendre le cerveau, etc.

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Jérôme Golebiowsk­i a expliqué quels processus s’enclenchen­t en nous pour que nous soyons capables de reconnaîtr­e l’odeur du citron. (Photo Ax.T.) Les doctorants Sarah Zerimech (IPMC), Adrien Russo (LEAT), Lyès Khacef (LEAT), Pablo Ávalos Prado (iBV) et...
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