Nice-Matin (Cannes)

«Qui je suis pour refuser de jouer sur un côté?»

Alassane Plea s’est longuement confié à Nice-Matin avant le choc face au PSG

- Entretien réalisé par William HUMBERSET et Vincent MENICHINI Photos : Patrice LAPOIRIE

Il n’a plus grand-chose à voir avec le gamin fluet et timide qui débarqua à Nice à l’été . Près de cinq ans plus tard, Alassane Plea se pose comme un cadre du vestiaire niçois. Avec ces quatre buts à Guingamp, il a également rappelé qu’il était l’un des tout meilleurs attaquants de notre championna­t. Entretien.

Septième, est-ce la place que mérite le Gym cette saison ?

On a laissé beaucoup trop de points à domicile, alors que la saison dernière, on était presque invincible à l’Allianz. On a un groupe de qualité, de super-joueurs, mais il a souvent manqué quelque chose. Les efforts n’ont pas toujours été faits.

Vous pensez qu’il y avait la place pour rivaliser avec Lyon ou Marseille ?

Oui, mais si on en est là, c’est qu’on ne mérite pas mieux. Par moments, on a manqué de caractère, de leaders. On a été trop gentils.

Les Baysse, Ricardo, Eysseric, Belhanda ou Dalbert ne l’étaient pas…

Paul, c’était le leader de l’équipe, quelqu’un d’exceptionn­el en dehors qui gérait tout pour nous. Valentin, c’était un leader technique, Younes un bagarreur, technique, qui savait quand il fallait mettre de l’impact ou même des coups. On a eu du mal à faire sans eux en début de saison, mais c’est la vie du foot.

Entre la défaite contre l’OM (-) et celle contre Lyon (-), laquelle vous a fait le plus de mal?

Celle contre Lyon… Prendre - à la maison, c’est rare ! On n’a pas compris ce qu’il s’est passé. Une sacrée claque ! Après ça, on s’est dit les choses car on s’enlisait. On allait tout droit à la catastroph­e.

Avez-vous repensé aux périodes de crise de  quand les supporters étaient venus manifester au centre d’entraîneme­nt ?

Oui, j’ai dit à certains de mes coéquipier­s qu’il fallait rapidement mettre fin à cette spirale car ça pouvait rapidement chauffer avec les supporters. Moi, j’ai connu ça, je suis l’un des seuls, ici. Ils ont toujours été derrière nous, une vraie chance.

Et il y a cette victoire à Toulouse, fin novembre, qui change le cours de votre saison… On gagne ce match, je ne sais même pas comment. Un truc de fou ! Si on perd là-bas, ça aurait été très compliqué par la suite. Je l’ai suivi, chez moi, car j’étais suspendu. Je n’étais pas bien. A la mi-temps, on perd -, Dante a pris un rouge, on est es. Puis, il y a ce penalty arrêté par Walter (Benitez). Au final, on gagne à dix, le tournant de la saison.

L’éliminatio­n face au Lokomotiv Moscou vous laisset-elle un goût d’inachevé ?

C’est un gros, gros regret. On a manqué de métier lors du match aller. C’était une équipe vraiment prenable. La Coupe d’Europe, ça pompe de l’énergie, mais c’est tellement plaisant de jouer tous les trois jours.

La cinquième place, vous y avez toujours cru ?

On a toujours su qu’on pouvait le faire. Les quatre équipes de devant sont détachées, mais on est à la lutte avec plusieurs équipes. On n’a rien à leur envier. Si on se donne à fond, cette cinquième place est à notre portée. Il ne faudra pas avoir de regrets.

On vous sent plus affûté, ces derniers temps…

Oui, j’ai un peu perdu du poids. Quand tu es blessé, tu as toujours tendance à prendre de la masse. Je ne pouvais pas

‘‘ courir, je me suis donc réfugié dans le travail du haut du corps. Depuis, j’ai arrêté car j’avais perdu en explosivit­é, en vitesse. Je me sentais un peu lourd. J’avais perdu en fluidité. Du coup, je fais davantage de gainage.

Vous courriez plus avant ou après ?

Ce n’était pas le même poste. Sur le côté, on doit être à ,- km à chaque match. Dans l’axe, ça tombe à ,-, parfois  km par rencontre.

Vous visionnez vos matchs ?

On fait des vidéos ciblées avec les coachs. Faut le faire, c’est intéressan­t.

Vous avez reçu une présélecti­on en équipe de France ce mois-ci…

J’ai appris ça par mail, oui. Pour tout footballeu­r, jouer pour la sélection nationale c’est atteindre le niveau supérieur. Ça veut dire qu’on est performant dans son club. Il n’y a que des très grands joueurs en sélection, c’est un rêve de défendre les couleurs de son pays.

Vous avez déjà eu l’occasion d’échanger avec Didier Deschamps ?

Jamais. Il faut continuer de travailler pour un jour espérer être sélectionn­é.

Le Mali ne vous a jamais contacté ? Si, souvent. Mais je prends mon temps pour l’instant.

C’est un pays que vous connaissez ?

J’y suis déjà allé deux fois, il y a deux ans pour la dernière fois, avec mon père. Ce sont les meilleures vacances que j’ai passées. On est parti dans son village, près de Djenné. J’ai vu où il a grandi, d’où il est parti pour arriver en France et devenir professeur (de physique NDLR). Ça fait du bien de connaître ses racines.

Vous étiez reconnu dans la rue ?

Oui. Mon père vient d’y retourner et il m’a dit que tout le monde parlait de moi là-bas. Ça fait plaisir.

Avez-vous besoin d’être parfois secoué ?

Oui. Je suis un joueur comme ça, j’ai besoin que le coach me secoue, qu’on me pique un peu. Fred (Gioria), Julien Fournier savent bien le faire. Certains coéquipier­s peuvent parfois dire des choses qui touchent aussi. Quand tu te sens bien dans un club, que tu es titulaire à chaque match, tu peux avoir tendance à t’endormir un peu.

Puel savait bien le faire aussi ?

Oui, Puel piquait fortement. Quand tu n’étais pas bon sur - matchs, il t’envoyait faire un tour sur le banc. Et ça, ça pique fort ! Favre est moins comme ça, il t’explique les choses calmement. Il est moins cash.

La générosité que vous démontrez sur et en dehors du terrain provient de votre éducation ?

Si j’ai quelque chose que je peux partager, ou même donner, je vais le faire. C’est mon éducation, ça vient de là où j’ai grandi, dans les HLM de Villeneuve-d’Ascq. Tu rencontres toutes les nationalit­és, toutes les cultures, ça aide à grandir. Quand t’y retournes, tu sais d’où tu viens et ça ramène les pieds sur terre. J’ai gardé contact avec beaucoup d’amis là-bas. Mes parents y ont vécu pendant trente ans, ils ont déménagé il y a peu.

C’est vous qui leur avez permis ?

C’est quelque chose que j’avais à coeur. Ils m’ont toujours soutenu, ont toujours été là pour moi. Je leur avais dit que dès que j’avais la possibilit­é de les faire partir des HLM, je le ferais.

C’était logique de s’engager dans des actions citoyennes pour vous ?

C’était en moi. Quand le club m’a parlé du projet, j’ai tout de suite accepté. Ça me fait du bien d’offrir un moment heureux à des personnes en difficulté. Leur amener un repas, faire une photo, ça leur donne le sourire. Ça fait relativise­r. Tu te dis « Parfois je me plains pour un rien alors que j’ai tout ». J’ai un toit, je mange bien, je gagne beaucoup d’argent… Ça te met des claques et ça te fait revenir à la réalité. Tu peux te sentir déconnecté quand tu es footballeu­r, alors que nous sommes des privilégié­s. C’est rare de gagner autant d’argent, de se réveiller pour exercer sa passion… C’est une chance exceptionn­elle. Parfois faut voir autre chose pour se rendre compte que la vie ce n’est pas jouer au foot et faire ce que tu veux.

‘‘ Moscou, un gros regret” « La vie, ce n’est pas jouer au foot et faire ce que tu veux » J’avais perdu en explosivit­é et en vitesse”

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(Photo S.B.)

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