Nice-Matin (Cannes)

On court après le temps Repères

-

peux le faire, alors je le fais », Charlène a vu le travail évoluer en 12 ans d’exercice. « Les personnes âgées qui entrent en Ehpad sont de plus en plus âgées et de plus en plus dépendante­s. Cela demande de plus sourit-elle. « On n’a pas eu le choix »… Leurs premiers mots. Comme si on allait ajouter de la culpabilit­é à leur culpabilit­é. Comme si on allait alourdir encore le fardeau qu’ils portent depuis qu’ils ont dû placer Simone en Ehpad. Simone, leur maman de 81 ans. Une décision qu’ils ont prise à deux. Dans la souffrance.

« Elle vivait seule, et puis... » À 52 et 57 ans, Jean-Paul et Daniel souffrent même de plus en plus. Ces deux frères n’ont toujours pas encaissé. Cela fait 9 mois. « Maman est en maison de retraite depuis juin dernier. Elle vivait seule depuis la mort de papa, sans aucun problème, encore très autonome. Mais elle est tombée de son lit une nuit », raconte Jean-Paul, le souffle court. Un bras cassé. Et un énorme hématome sur le côté droit du visage. Simone est hospitalis­ée. « Elle s’est affaiblie. Elle ne mangeait presque plus. Elle perdait l’équilibre trop souvent… On nous a conseillé de chercher un Ehpad. » Et Jean-Paul et Daniel ont cherché. Puis trouvé. « Au départ on faisait les difficiles, en plus de temps, de travail. D’attention ». Et le manque de moyens et de personnels qui se fait, du coup, encore plus sentir. Avec Jean-Louis, elle surveiller­a la cantine tout à l’heure. « Il faut donner on cherchait une petite structure et pas loin de là où on habite. Finalement, elle est loin de chez nous dans une grande structure. Mais elle est bien. Enfin, mieux. On vient la voir deux fois par semaine séparément. Et une fois ensemble. » Les deux frères ont décoré la chambre de leur maman. « On lui les médicament­s, avoir un oeil sur tout en cas de problème, de “fausse route” », dit-elle. Et donner à manger aux résidents qui ont du mal à le faire seuls. Au premier étage, une petite salle. Les résidents très

‘‘ dépendants y déjeunent. Ils ont tous besoin d’une aide importante. « Comme on n’est pas assez nombreux, forcément, certains attendent pour manger », déplore une employée. Donatella est la cadre de santé de l’établissem­ent. Elle souffle : « On aimerait dégager du temps pour de l’animation au sens large, pour favoriser des moments précieux et privilégié­s d’échange, mais avec le peu d’effectifs qu’on nous donne, on ne peut pas aller jusqu’à cet idéal du bien-être auquel tous les employés aspirent pour les résidents.» C’est pourtant ce qu’on leur apprend en formation. « C’est toute l’ambivalenc­e », assure-t-elle. « Mais je le prends où, le temps, quand il faut courir entre les toilettes, les repas, les déplacemen­ts ? » Elle précise : « Le rôle de soignant en Ehpad est délicat. On est si importants dans la vie d’un résident. » Avant le repas, en fin de matinée, quatre résidentes participen­t à un atelier. C’est Magali qui l’anime, elle est art-thérapeute. Une boule d’énergie à l’immense sourire. Avec a remis les cadres qu’elle avait chez elle, deux ou trois bibelots. C’est une aide-soignante qui nous l’a conseillé », raconte Daniel.

«L’aide-soignante court partout » Cette aide-soignante à qui ils veulent tirer leur chapeau. « Elle court elle, les quatre mamies arrivent à se dépasser. Les peintures sont colorées et appliquées. Alors qu’elles n’avaient jamais peint de leur vie. « C’est aussi une façon de communique­r pour elle, de s’exprimer, et ça leur fait un bien fou. » La salle du repas s’anime. Un moment de chaleur pour les résidents. Ils sont toujours assis à la même place. « Entre copines », rigole Jean-Louis. Ou copains. Il n’y a qu’une dizaine dans tous les sens, essaie de faire au mieux. Quand elle est avec maman, elle a toujours le sourire, elle prend le temps de parler avec elle. Et ça la met en retard pour plein d’autres choses. Parfois elle a les traits très tirés, et de grosses cernes. » Jean-Paul et Daniel doivent mettre la main à la pâte. Et ça ne les dérange pas, même s’ils ne trouvent pas cela normal. « Quand on vient à deux, il y en a un qui reste à parler avec maman, à lui montrer des photos, des vidéos ou lui faire la lecture, et l’autre qui s’affaire dans la chambre. La poussière, un peu de ménage. » Et surtout, ils apprêtent Simone. « Maman était très coquette, elle ne sortait jamais dans son rouge à lèvres. Bien rouge », rigole Daniel. « Quand on vient, on lui en met. On comprend que le personnel ne puisse pas. Pourtant, ça lui fait un bien fou, elle a tout de suite les yeux moins vides. On sait qu’elle ne prend pas une douche tous les jours, le personnel ne peut pas, mais jamais maman ne sentait mauvais ou était sale », assure JeanPaul. d’hommes à Cantazur sur les 79 places. Dans le salon du haut, le repas est terminé. Une petite dame regarde le plafond, l’air perdu. Certains feront la sieste. D’autres retrouvero­nt leur compagnon : la télé. Le personnel, lui, s’active toujours dans tous les sens. Et c’est déjà le soir. Il faut préparer le dîner, cette fois. Tout va très vite pour eux. Trop vite. « Si on demande du personnel, ce n’est pas pour notre confort. C’est surtout pour celui des résidents », chuchote une infirmière, en s’excusant presque. ■ ■ ■ ■ « unique en France » Source : conseil départemen­tal des Alpes-Maritimes.

 ??  ?? Budget global de fonctionne­ment dans les Alpes-Maritimes :  millions, dont  millions consacrés à l’hébergemen­t pour les bénéficiai­res de l’aide sociale, et  pour la dépendance.
Depuis , le Départemen­t a autorisé la création de  nouvelles...
Budget global de fonctionne­ment dans les Alpes-Maritimes :  millions, dont  millions consacrés à l’hébergemen­t pour les bénéficiai­res de l’aide sociale, et  pour la dépendance. Depuis , le Départemen­t a autorisé la création de  nouvelles...

Newspapers in French

Newspapers from France