Nice-Matin (Cannes)

Vladimir Fédorovski: « Poutine, un tsar rouge! »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE CARINI

Auteur d’« Au coeur du Kremlin, des tsars rouges à Poutine » (Stock), l’ancien diplomate commente la réélection de Poutine et l’affaire Skripal

Vladimir Poutine réélu au er tour. Y a-t-il une vraie démocratie en Russie ?

Non, c’est un régime autoritair­e. Mais ce suffrage reflète néanmoins la réalité de l’opinion publique. Poutine est réellement populaire. Il représente paradoxale­ment l’antithèse de Boris Eltsine, qui l’a pourtant porté au pouvoir. Poutine a rétabli l’autorité de l’État. Il a remis en route une sorte de roman national. La bêtise occidental­e a aussi contribué à la popularité de Poutine et lui a servi d’agent électoral. Depuis la rupture de l’accord sur l’élargissem­ent de l’OTAN, les Russes se sentent trahis par l’Occident. Enfin, l’affaire Skripal est la goutte de sang qui a fait déborder le vase. Face aux accusation­s et menaces de sanctions, certains anti-Poutine sont allés voter en sa faveur, car en Russie, quand le pays est attaqué, on se range derrière le chef !

L’affaire Skripal n’est donc pas déstabilis­ante pour lui ? Non, car après l’ultimatum anglais, les Russes disent : « Ça suffit, on nous accuse de tout : l’élection de Trump ou Macron, le Brexit, et maintenant l’assassinat de cet espion ! ». Tout cela nourrit le rejet de l’Occident.

Il y a pourtant des soupçons et l’empoisonne­ment est une tradition au KGB, non ?

Oui, la Russie a une grande tradition de l’assassinat. Mais aucun spécialist­e de l’espionnage ne croit en la version des Anglais sur cette affaire Skripal. Moi, j’ai des doutes car si c’est le cas, ce serait la première fois qu’un espion extradé dans le cadre d’un échange est assassiné. Poutine voulait réellement rétablir des liens avec l’Occident et cette affaire est complèteme­nt contreprod­uctive. Poutine se disait également prêt à coopérer dans l’enquête, mais les accusation­s sans preuve c’est un cadeau électoral qu’on lui a fait. Il vaut mieux arrêter la surenchère et collaborer avec lui, car ce qui est le plus grave c’est que des armes chimiques circulent en Europe !

S’il va au bout de son mandat, Poutine aura gouverné la Russie durant un quart de siècle. Un tsar rouge ?

Exactement ! Poutine, c’est le tsar rouge par excellence. Mais il doit faire face à des défis importants, sur le plan économique, des retraites, du social, du pétrole, ou de ses rapports avec l’Occident.

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(Photo Franck Fernandes) Vladimir Fédorovski : « Malgré sa dérive autoritair­e, Vladimir Poutine est très populaire ».

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