Nice-Matin (Cannes)

Une famille sauvée par la solidarité des Niçois

Ces demandeurs d’asile albanais sont sans toit. En dépit d’une directive européenne, la préfecture a arrêté de payer leur hôtel et les a jetés à la rue. Depuis la solidarité niçoise joue à plein

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Le cas des Zebi n’est hélas pas isolé. Cette famille albanaise de demandeurs d’asile devrait en théorie être logée par la France, juste le temps de l’examen de son dossier pour lequel elle a accompli toutes les démarches nécessaire­s. C’est une directive d’accueil européenne qui contraint les Etats à cette mesure (lire par ailleurs). Depuis leur arrivée à Nice en novembre 2017, après des séjours dans la rue et s’être soumis aux formalités nécessaire­s, les Zebi avaient été logés dans un hôtel niçois par la préfecture. Conforméme­nt à la réglementa­tion. Mais dimanche, Zyrahe, 20 mois, Qazim, 6 ans, et leurs parents Marjolena, 25 ans et Veli, 29 ans, se sont vus jeter à la rue par leur hôtelier. Le lendemain, Qazim devait prendre le chemin de l’école du port de Nice, comme tous les matins depuis la mi-février.

La solidarité du quartier du Port

« La préfecture ne paye plus», leur a indiqué l’hôtelier qui, dans un acte de solidarité, leur a tout de même offert une nuit de plus. Mais c’est bien avec leurs maigres bagages qu’ils se sont ensuite retrouvés dehors, désemparés, bébé dans les bras. Sans autre forme de procès. La rue, devant le magasin Zara de Nice, avenue Jean Médecin, sous des couverture­s, dans le froid, la peur, la famille Zebi a connu. «Je vis cela très mal, on ne dort pas la nuit. Dehors il y a des alcoolos, c’est dangereux. J’étais angoissée. J’ai peur qu’on me prenne mes enfants. Ils vomissaien­t de stress», confie Marjolena d’une voix douce. Des Niçois leur ont donné qui une parole de réconfort, qui quelques euros, qui des pommes de terre. C’est sur ce trottoir qu’ils ont fait la connaissan­ce d’un maître de conférence­s en mathématiq­ues niçois, Christophe Cazanave, et de son épouse. Ces parents, révoltés par la situation, les ont hébergés, ont payé des nuits d’hôtel. Puis ont lancé un appel à l’école du port, où est scolarisé Qazim. La directrice de la maternelle, Valérie Coupard, a alors alerté les parents. «Impossible de rester insensible, j’ai cherché des ressources pour être solidaires», confie-t-elle. Elle a été entendue. S’est créée depuis une immense et magnifique chaîne de solidarité dans le quartier. La famille a trouvé refuge depuis mercredi soir pour quatre jours chez une ancienne maman d’élève. Deux parents ont décidé de jouer les interprète­s en Albanais afin de faire la traduction pour faciliter les démarches. D’autres organisent actuelleme­nt une collecte. «Cette solidarité est extraordin­aire, nous ne savons comment les remercier», confient Veli et Marjolena en albanais. Souvent quand le couple parle ensemble, Qazim leur coupe la parole : « On va dormir dehors ce soir ? » Les deux enfants souffrent du dos. Ils ont déjà dû être hospitalis­és une fois. Les parents sont en proie à des problèmes dentaires. Sans parler des angoisses éprouvées au quotidien : «Nous sommes très préoccupés par cette situation. Nous sommes toujours dans l’insécurité de savoir où nous allons dormir. Je suis prêt à travailler, à apprendre la langue française, pour le bien de nos enfants», martèle Veli, le papa. L’associatio­n Habitat et Citoyennet­é annonce qu’elle va engager dans les heures qui viennent un référé liberté, avec l’aide d’un avocat, pour obtenir gain de cause et l’hébergemen­t de la famille. Le petit Qazim, lui, retournera ce vendredi matin à l’école du port, retrouver ses camarades. Pour lui, une vie au jour le jour, sans certitude d’avoir un toit pour dormir après la classe.

 ??  ?? La famille Zebi est hébergée depuis mercredi soir chez une Niçoise solidaire du quartier du port qui a lui ouvert sa porte pour quatre jours. Un répit bienvenu. Mais après ? (Photo Jean-François Ottonello)
La famille Zebi est hébergée depuis mercredi soir chez une Niçoise solidaire du quartier du port qui a lui ouvert sa porte pour quatre jours. Un répit bienvenu. Mais après ? (Photo Jean-François Ottonello)

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