Nice-Matin (Cannes)

Le printemps de vérité

- Reporter edito@nicematin.fr

Nous n’allons plus tarder à savoir. La France a-t-elle définitive­ment changé de logiciel, le cerveau retourné par la novlangue macronienn­e ? Ou bien l’ancien monde va-t-il ressurgir du chaos où le Président tout-puissant croyait l’avoir précipité ? La journée d’hier a livré des réponses contradict­oires. Le choc des images contre le poids des chiffres. Les foules à saturation sur les écrans de télé ont grossi l’ampleur réelle des grévistes :  % à la SNCF,  % dans la fonction publique d’État,  % dans la territoria­le. Ce cher vieux peuple cabochard est-il prêt à s’inscrire dans un dialogue social apaisé à l’allemande ? Voire à accepter, sans barguigner, un réformisme à marche forcée ? Selon une étude de l’institut germanique IW (on va faire confiance à la rigueur teutonne), la France serait championne du monde de la grève :  jours de travail auraient été perdus par tranche de   salariés entre  et , contre…  seulement outre-Rhin. Une chose est sûre, après une première année de velours, Emmanuel Macron va sceller une grande partie de son quinquenna­t en ce printemps de toutes les incertitud­es.

En , la rue avait eu « Le chef de l’État est raison de la réforme des retraites d’Alain Juppé, contraint d’aller au

même s’il avait réussi bout de sa logique. » à faire passer celle de la Sécurité sociale par ordonnance­s. Mais le contexte était bien différent. Jean-François Revel l’avait cruellemen­t résumé : « Quand, lors de la présidenti­elle, Jacques Chirac parlait de réformes visant à réduire la fracture sociale, les Français comprenaie­nt qu’ils allaient être noyés sous une pluie de subvention­s. » La potion du père Juppé fut d’autant plus rude à avaler. Emmanuel Macron n’est pas dans cette situation. Il n’a, globalemen­t, trompé personne sur la marchandis­e. Certes, il est un Président par défaut, miraculeus­ement propulsé à l’Élysée par la médiocrité ou les errements de ses adversaire­s. Nul ne peut cependant lui reprocher d’avoir cherché à camoufler son ADN libéral. Chacun de ses électeurs l’a choisi en connaissan­ce de cause. Par obligation de cohérence comme par tempéramen­t personnel, le chef de l’État est aujourd’hui contraint d’aller au bout de sa logique. S’il venait à reculer, sa crédibilit­é réformatri­ce volerait en éclats. Il y a donc fort à parier qu’il ne lâchera rien, ou si peu. A moins que les syndicats, qui eux jouent leur survie, ne le poussent à rabattre ses prétention­s, en capitalisa­nt sur la fragilité généralisé­e des services publics. Dans ce cas, la pente naturelle de Macron pourrait l’amener à faire comme Chirac en  : appeler le peuple à trancher.

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