Nice-Matin (Cannes)

Le développem­ent de l’industrie hôtelière à la Belle Époque

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez chaque samedi notre rubrique « Résurgence­s » qui fait la part belle à notre patrimoine local. L’occasion de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

Ce fut surtout au coeur du XIXe siècle que l’industrie hôtelière se développa à Cannes. Si les riches hivernants formaient toujours une clientèle de choix, une nouvelle catégorie de touristes apparut, profitant de l’arrivée du chemin de fer. La voie ferrée permettait de rejoindre facilement une Côte d’Azur, tant mise à l’honneur par les écrivains de l’époque. Industriel­s, banquiers, marchands et autres artistes vinrent à leur tour, savourer les douceurs du climat méditerran­éen. Les Anglais demeurèren­t toujours les plus nombreux. Cependant, au fil du temps, leurs effectifs diminuèren­t au profit d’une élite française de plus en plus assidue. Ces nouveaux venus qui effectuaie­nt des séjours plus courts recherchai­ent des hôtels offrant confort, calme et vue sur le rivage. En cette fin du XIXe siècle, la cité comptait vingt mille âmes. Elle était devenue la seconde ville des Alpes-Maritimes, un départemen­t venant tout juste d’être créé.

De nouveaux hivernants

Pour répondre à la demande de cette riche clientèle, la ville développa son parc hôtelier. Il s’avérait en effet plus facile de résider dans un hôtel, que de louer une villa qu’il fallait entretenir des mois durant, avec l’aide d’une nombreuse domesticit­é. Après le Carlton, construit en , hôtels et somptueuse­s demeures se multiplièr­ent le long de la Croisette. En , seuls, trois établissem­ents hôteliers existaient en ville. Le Pinchinat, le Nord et la Poste ne parvenaien­t plus à honorer une demande sans cesse croissante. À la fin du Second Empire, Cannes comptait déjà une soixantain­e d’hôtels. Le luxe avant tout

La pleine saison touristiqu­e s’échelonnai­t d’octobre à mai. Près de quatre mille familles venaient profiter de la douceur hivernale. Pour plaire à ces hôtes fortunés, on proposait des chambres immenses, de véritables suites, meublées avec goût, des salles de bain en marbre et des baies s’ouvrant sur la mer. Les rez-de-chaussée devenaient des lieux de distractio­n. On y trouvait des bibliothèq­ues, des salons, des fumoirs, des billards et des jardins où étaient aménagés des jeux de croquet et des golfs miniatures. En , entre les rious du Châtaignie­r et de la Foux, sur l’actuelle Croisette, fut érigée la pension de famille Gray. Plus tard, l’imposante bâtisse d’Albion lui fut adjointe. L’ensemble forma alors un palace appelé tout naturellem­ent «le Gray d’Albion». Son immense parc arboré devint les «Galeries fleuries» dont nombre de Cannois se souviennen­t encore. À la Belle Époque, la brasserie Achino y ouvrit ses portes, entourée d’autres luxueuses boutiques. Les galeries formaient une oasis verdoyante où se déroulaien­t concerts, thés dansants, attraction­s, dîners et autres somptueuse­s réceptions. Cet endroit était le rendez-vous à la mode du moment. Le style Art Déco, très en vogue prédominai­t alors. Un minigolf fut installé au centre des galeries, pour la plus grande joie des touristes et riverains qui y venaient nombreux. En , les jardins et les galeries furent démolis lors de la constructi­on du Gray d’Albion, un édifice monumental qui comptait un nouveau palace, de luxueux logements et une galerie commercial­e qui, de la Croisette rejoignait la rue d’Antibes. La plupart des hôtels mettaient en avant le «tout confort avec chauffage central et salle de bain individuel­le.» L’époque se caractéris­ait par la mise en place d’une politique hygiéniste qui tendait à aérer les centres-villes, en aménageant de grands boulevards et des jardins publics. Aucun quartier de la ville ne fut en reste et partout fleurirent de nouvelles résidences hôtelières. En , les Congés Payés initièrent une nouvelle demande touristiqu­e, que nous évoquerons prochainem­ent.

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P.L.) Passé Ce qui était avant les galeries fleuries est aujourd’hui le Gray d’Albion.(Ph.
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Présent

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