De Draguignan à la Syrie, À travers l’Hexagone Maeva, recruteuse de Daesh
Le tribunal de Paris a condamné hier à 8 ans de prison une jeune Varoise partie en Syrie et soupçonnée d’avoir tenté d’aider des jeunes filles à venir la rejoindre
De Draguignan à Raqqa (Syrie), Maeva S., mince femme brune de 24 ans à la voix fluette, a raconté hier sa vie de fuite et de violence devant les magistrats de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, en charge des infractions terroristes. « Je suis née à Nice. Ma mère avait 20 ans, mon père, Casque bleu rentré de Bosnie, était traumatisé. Ma mère l’a quitté », raconte-t-elle. Elles s’installent dans le Var, avec le nouvel ami de sa mère, un autre militaire, qu’elle considérait « comme (son) père ». À nouveau, le couple se sépare. « Alors, je suis élevée chez mes grands-parents maternels, qui m’éduquent à la dure, qui me forgent », relateelle avec une aisance verbale inhabituelle pour un box de tribunal. Alors que sa situation se stabilise quelque peu, sa mère la récupère à nouveau : nouveau copain, toujours militaire, qui bat Maeva. La jeune fille prend alors la fuite et survit seule une année durant. Avant que son grand-père paternel, présent hier à l’audience, ne la rapatrie chez lui.
Convertie en
C’est à ce moment que s’opère le changement : « Je me sentais perdue, je me suis convertie en 2010. J’ai fait mon instruction seule» , raconte-t-elle. Elle quitte le lycée, trouve un job, échoue finalement, à nouveau, chez sa grand-mère maternelle. « Là, j’étais tout le temps dans mes livres et sur Internet. » Elle étudie l’islam, se renseigne sur la guerre en Syrie et se coupe de ses amis. Elle rencontre Ziyeid Souied, un Français installé en Syrie, qui l’incite à faire sa hijra (son retour en terre d’islam). « Je n’étais pas intéressée par la Syrie », avouet-elle, mais Ziyeid Souied lui dépeint un pays où elle pourra exercer sa foi librement et aider les victimes du régime syrien. Elle quitte Draguignan pour la Syrie, via la Turquie, le 13 mai 2014. Le 15, elle épouse Ziyeid. L’homme est un combattant de Daesh dont le rang leur permet de vivre dans des conditions matérielles décentes. Volubile, Maeva S. raconte chaque détail de sa vie au tribunal : qui elle rencontre, où elle se déplace, l’omniprésence des armes et notamment de sa kalachnikov, qui ne la quitte pas.
Discussions sur Facebook
Elle explique aussi comment elle se met à discuter, par Facebook, avec de jeunes Françaises désireuses de rejoindre la Syrie. « Combien de très jeunes femmes Maeva S. a-t-elle aidé à venir ? », s’interroge le procureur. Aucune, répond la prévenue. Son attitude était passive, assure-t-elle. Elle affirme avoir voulu rentrer en France dès juillet 2015. « Pourquoi alors essayer de convaincre d’autres jeunes filles de venir ? », demande la présidente. «Je ne comprends pas. Je sais que c’est très grave. » À une amie, Maeva aurait écrit : « Si vous voulez venir en Syrie et venir sur la terre du Sham, passez par moi si vous êtes des soeurs, si vous êtes des hommes passez par mon mari. » Elle le réfute, comme elle réfute avoir incité des adolescentes à commettre des attentats en France, assurant que « quelqu’un d’autre a utilisé (son) compte Facebook ». Tout juste admet-elle avoir joué l’entremetteuse une fois, avec son mari, pour une Française qui cherchait un djihadiste avec qui partir. « Mais ce n’était pas mon travail », soutient-elle, refusant l’étiquette de «marieuse de Daesh ». Maeva finira par rentrer pour fuir la guerre. Incarcérée, libérée sous contrôle judiciaire puis de nouveau incarcérée. « Elle semble ne pas avoir fait son deuil de l’État islamique », estime le procureur, qui ne croit pas que Maeva S., aujourd’hui en couple avec un djihadiste condamné à huit ans de prison, ait totalement renié ses convictions extrémistes. Le représentant du ministère public a requis à son encontre six ans d’emprisonnement, dont une peine de sûreté des deux tiers, ainsi que le maintien en détention de la jeune femme. C’est finalement d’une peine plus lourde – huit ans de prison – dont elle a écopé hier soir.
Le procès du « groupe de Tarnac » sur les petites routes de Seine-et-Marne
Un air de partie de campagne au procès du «groupe de Tarnac»: le tribunal correctionnel de Paris a sillonné hier les petites routes de Seine-etMarne pour confronter les versions de l’accusation et de la défense sur le sabotage d’une ligne SNCF en . Au début du procès, la magistrate avait accepté ce déplacement exceptionnel réclamé par la défense, le jugeant «utile à la manifestation de la vérité» dans cette affaire qui a été longtemps un dossier terroriste, avant que la qualification ne soit abandonnée. Le tribunal souhaitait ainsi vérifier la cohérence d’une pièce centrale de l’accusation: un procès-verbal d’une filature de Julien Coupat, présenté comme le théoricien du groupe libertaire, et de son ex-compagne Yildune Levy, réalisée par des policiers antiterroristes et du renseignement la nuit du au novembre , où le sabotage d’une ligne du TGV Est a été commis. Au final, il n’est pas sûr que la sortie se révèle décisive pour l’une ou l’autre des parties, même si elle a permis d’illustrer en situation les thèses en présence.