Douze ans de réclusion pour un ex-militaire devenu djihadiste
Erwan Guillard, un ex-militaire parti faire le djihad en Syrie en 2013 et 2014, a été condamné hier à 12 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Paris, une peine bien en deçà de celle, 20 ans, requise par le parquet. Son avocate, Olivia Ronen, a salué «une peine intelligente » et « une décision courageuse». « Il n’y a pas de période de sûreté, ce qui veut dire que c’est une peine qui sera aménageable, pour une meilleure transition entre l’incarcération et le retour à la vie civile, ce qui garantit une meilleure insertion », s’est-elle félicitée.
Il apparaît dans une vidéo de propagande de Daesh
L’autre accusé, Tewffik Bouallag, a été condamné à 14 ans de réclusion, sans période de sûreté, alors que l’avocate générale avait également requis contre lui 20 ans de réclusion assortis d’une période de sûreté des deux tiers. « Cela ouvre la voie à l’aménagement, qui est la seule issue possible pour ces profils» ,a réagi son avocat François Gagey, citant par exemple la possibilité d’une semi-liberté assortie d’une formation pour apprendre un métier. Erwan Guillard, un converti qui a renoncé à l’armée au bout de six mois en 2009, est resté en Syrie d’août 2013 à juin 2014. Il s’est rendu à la police à son retour. Il aurait participé à une dizaine de combats, avec le Front al-Nosra puis avec l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, devenu ensuite l’Etat islamique) mais affirme ne pas avoir commis d’exactions. Il a quitté la Syrie quelques jours avant la proclamation du califat par l’État islamique le 29 juin 2014. Erwan Guillard et Tewffik Bouallag étaient apparus en avril 2014 dans une vidéo de propagande du groupe EIIL intitulée «Une journée passée avec les Moudjahidine en France ». Plusieurs djihadistes français y incitaient d’autres musulmans à venir combattre. Les avocats de la défense ont vivement dénoncé hier dans leur plaidoirie la peine «incompréhensible» de 20 ans de réclusion requise contre les accusés. Ils ont aussi regretté la criminalisation de ce dossier. Il s’agit de l’une des premières affaires de «revenants» de la zone irako-syrienne jugées aux assises et non en correctionnelle, du fait de cette criminalisation. «On ne comprend pas la qualification criminelle», a déclaré Jérémie Boccara, avocat d’Erwan Guillard. « Est-ce qu’il a commis des exactions? Non. Est-ce qu’il avait des velléités de commettre des attentats en France? Non.»
Criminaliser les départs de djihadistes
Me Boccara a cité des cas similaires jugés au tribunal correctionnel, comme celui de Mehdi Kamallah, ancien militaire déserteur de l’armée française, parti aussi faire le djihad en Syrie en 2014, et condamné en janvier 2017 à 8 ans de prison. Le procureur avait requis 10 ans contre ce jihadiste, rentré clandestinement en France. « Si on requiert 20 ans dans cette affaire, quelle sanction y aura-t-il pour ceux partis après la proclamation du califat, après les attentats de Charlie Hebdo, après le 13-Novembre?», a interrogé Me Boccara. Le parquet a une volonté affichée de criminaliser les départs vers la zone irako-syrienne postérieurs aux attentats jihadistes de janvier 2015. L’association de malfaiteurs terroristes criminelle est punie de trente ans de réclusion criminelle depuis la loi du 21 juillet 2016, contre 20 ans auparavant. Une Française combattant dans les rangs de Daesh a été capturée jeudi soir au cours d’une opération militaire dans la province de Jowzjan, dans le nord de l’Afghanistan, bastion de Daesh où sont actifs des djihadistes ayant quitté la Syrie et l’Irak, ont annoncé hier les services de renseignement afghans et plusieurs responsables. Cinq Afghans ainsi que deux Ouzbeks ont aussi été arrêtés, et six autres combattants de Daesh ont été tués. Les responsables afghans n’ont pas précisé comment ils ont déterminé la nationalité de la femme arrêtée. Deux autres membres français de Daesh ont récemment été tués dans cette province, a souligné le chef de celle-ci, Faqir Mohammad Jawzjani. Il a expliqué que les forces afghanes et américaines avaient placé la femme en détention, une information qui a été confirmée par le porte-parole du gouverneur de la province Reza Ghafoori. Daesh est apparu en Afghanistan début , principalement dans l’est (provinces de Nangahar et Kunar), et s’est étendu depuis l’été dans le nord à plusieurs districts de la province de Jowzjan. Des djihadistes français et algériens, dont certains arrivant de Syrie, ont depuis rejoint ses rangs dans cette province. Les forces spéciales afghanes et américaines ont intensifié au cours des derniers mois les frappes aériennes et les opérations terrestres dans la province de Jowzjan. En janvier, les forces afghanes ont notamment capturé «le principal facilitateur» en Afghanistan du recrutement de combattants étrangers.