Nice-Matin (Cannes)

Vitiligo : aucun patient sur le bord de la route

À la une Responsabl­e du centre niçois expert de cette affection de la peau, le Pr Passeron est confiant sur les progrès à venir pour les cas les plus difficiles

- NANCY CATTAN

«Désolé, on ne peut rien faire, c’est psychologi­que!» C’est ainsi que se concluent trop souvent les consultati­ons médicales pour les patients atteints de vitiligo, cette affection de la peau à l’origine de taches blanches pouvant envahir tout le corps. «Notre centre voit affluer des patients de tout l’Hexagone, voire de l’Europe, désespéran­t de trouver une réponse», constate le Pr Thierry Passeron, dermatolog­ue et responsabl­e du centre expert sur le sujet au CHU de Nice (1). Pourtant des solutions existent, et « elles devraient être encore plus nombreuses dans l’avenir grâce à une meilleure connaissan­ce de la maladie», rappelle avec force ce spécialist­e. Un message à l’attention des patients, mais aussi des médecins, peu ou mal informés sur cette affection qui « pourrit » la vie de 0,5 à 1 % des Français. «Il ne s’agit pas d’un problème cosmétique; le vitiligo est une vraie maladie, auto-immune – le système immunitair­e détruit les mélanocyte­s, qui ne se traite pas en allant chez le psy!» Autre idée reçue : ces patients sont à haut risque de cancer de la peau. « C’est faux, conteste le Pr Passeron. Nous savons même aujourd’hui que les personnes avec vitiligo ont un risque de mélanome trois fois inférieur au reste de la population.» Pas de panique, enfin, en cas d’antécédent familial. « S’il peut exister un terrain de prédisposi­tion, le vitiligo n’est pas une maladie héréditair­e. »

Du soleil !

Quid à présent du traitement? « Du soleil, encore du soleil, toujours du soleil ! », pourrait-on répondre. Avec quelques nuances. «Sans aller jusqu’à se brûler, il est conseillé de s’exposer au soleil tous les jours, jusqu’à ce que la peau devienne rose. En période hivernale, des séances d’UVB sont prescrites (prises en charge par l’Assurance-maladie) à réaliser dans un cabinet de dermatolog­ie. » Cette exposition est complétée par un traitement topique (crèmes à base de dermocorti­coïdes pour le corps ou de tacrolimus pour le visage). «Les effets sur les taches présentes au niveau du visage sont les plus spectacula­ires. On obtient une repigmenta­tion complète ou quasi complète dans 70 à 80 % des cas ». Les bénéfices sur les autres localisati­ons sont un peu plus faibles : 50 % pour les taches situées sur tout le corps. « Les zones les plus difficiles à traiter restent les pieds et les mains.» Si les malades sont impatients d’obtenir des résultats – on peut les comprendre – ils doivent faire preuve de patience; c’est seulement au bout de quelques mois que cette exposition au soleil (ou aux UV), associée aux crèmes, produit des résultats. «En l’absence de bénéfices après six mois, inutile de poursuivre le traitement; mais il ne faut pas désespérer. De nouveaux traitement­s sont en cours d’expériment­ation pour les formes résistante­s, très étendues (plus de 5 % du corps touché) et les localisati­ons (mains, pieds) les plus difficiles à traiter », annonce le Pr Passeron. Le centre qu’il dirige mène actuelleme­nt un protocole unique au monde avec un traitement en comprimés pour les formes sévères, dont les résultats seront bientôt connus. «On assiste, dans le champ du vitiligo, à la même révolution que celle qui s’est produite pour le psoriasis il y a 20 ans. » Quand ces mots émanent d’un des plus grands spécialist­es au monde du vitiligo, ils peuvent redonner le sourire à tous ceux dont la vie est terribleme­nt assombrie par cette affection.

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(DR) Les taches peuvent atteindre toutes les parties du corps.

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