Nice-Matin (Cannes)

SIGNÉ ROSELYNE

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

La bataille fait rage : doit-on ou non commémorer le cinquanten­aire des événements de mai , qui ont vu converger pendant dix semaines un mouvement ouvrier dense et généralisé, une contestati­on anarcho-marxiste souvent violente et des mouvements étudiants libertaire­s parfois folkloriqu­es ? Cette semaine marque en effet l’anniversai­re du début de la mobilisati­on de cette coalition hétéroclit­e, et il est amusant de se demander où sont passés les révolution­naires. Dany le Rouge, autrement dit CohnBendit, est passé avec armes et bagages dans le macronisme ; Alain Geismar, leader de la gauche prolétarie­nne, juge ringards les Insoumis, qui pourtant s’estiment les héritiers de la révolution ; les intellectu­els comme Marcel Gauchet sont ralliés au libéralism­e. Ceux qui rêvent de refaire Mai- dans les rues, les usines ou les facs n’ont plus de figures tutélaires et devraient se rappeler des ingrédient­s qui ont permis la révolte : une société totalement cadenassée, le plein emploi, des diplômes qui amenaient sûrement au métier rêvé, un parti communiste triomphant, un parti socialiste mené par un Mitterrand charismati­que et un chef de l’État âgé de  ans… Comme l’avait dit un éminent éditoriali­ste quelques jours avant le déclenchem­ent des hostilités : « La France s’ennuie » ! Aujourd’hui la France ne s’ennuie pas, non, elle est traversée par les peurs, les rancoeurs et les douleurs et tout cela ne permet guère la prise de risques d’une révolution.

Jeudi

La garde à vue puis la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l’affaire d’un supposé financemen­t libyen de sa campagne présidenti­elle de  est un drame national. Quelle que soit la réalité des faits, les conséquenc­es en seront désastreus­es. Si l’enquête arrivait à établir de façon certaine la véracité des accusation­s, l’image de notre pays en serait durablemen­t altérée et la droite française – mais au-delà toute la classe politique – serait à nouveau marquée du sceau du complot et de la concussion. Si, au contraire, l’ancien Président est innocenté, il serait démontré qu’il a été l’objet d’une véritable « chasse à l’homme» de la part d’un organe de presse, Mediapart, qui aurait confondu journalism­e d’investigat­ion et volonté de mise à mort politique avec l’appui de juges mus par une idéologie partisane. Ce qui est frappant dans cette affaire est que l’accusation s’y déploie autour de personnage­s peu ragoûtants, intermédia­ires véreux ou politicien­s mafieux, sur fond de règlements de compte, d’assassinat­s et de valises de billets. Le principal élément à charge contre Nicolas Sarkozy est une note dont l’authentici­té est pour le moins douteuse. Toutefois, même si l’authentici­té en était prouvée,

elle n‘apporterai­t aucune preuve qu’il aurait été effectivem­ent procédé à un quelconque versement d’argent. Des fuites indiquerai­ent qu’il y aurait d’autres éléments – témoignage­s ou documents – qui justifiera­ient l’humiliante procédure infligée à l’ancien chef de l’État. Nous verrons bien. Mais si des pièces plus probantes ne sont pas fournies, et devant l’incapacité des parties à fournir des preuves dirimantes de culpabilit­é ou d’innocence, le doute devra profiter au mis en examen qui bénéficier­a d’une ordonnance de non-lieu. En le regardant ce jeudi soir sur TF, avec cette rage dans le regard et cette violence dans les mâchoires serrées, je n’ai pas cru un instant à sa déclaratio­n de retrait de la vie politique. Face à Gilles Bouleau, nous n’avons pas vu un homme à terre mais un combattant habité par une haine féroce et qui l’annonce sans ambages à la face du pays qu’il a présidé. Si Nicolas Sarkozy arrive à prouver qu’il a bien été victime d’un complot médiatico-judiciaire, sa vengeance sera terrible et il y aura du sang sur les murs. Les Wauquiez et tous ceux qui ont rêvé de tourner la page du sarkozysme n’auront qu’à bien se tenir.

Vendredi

On allait voir ce qu’on allait voir… Sans être un échec, loin de là, les manifestat­ions d’hier ont montré les limites de la mobilisati­on syndicale. Le comptage scientifiq­ue des défilés, organisé par un collectif de médias (dont Nice-Matin ), a définitive­ment rangé au magasin

des accessoire­s les bobards de la CGT sur le nombre de manifestan­ts. Ce sont donc bien environ   personnes qui ont battu le pavé de Paris, nous épargnant les calembreda­ines dont on nous a abreuvés pendant des décennies. Mais il est intéressan­t d’aller plus loin dans l’analyse. Visiblemen­t, l’expression du mécontente­ment a du mal à mobiliser dans la fonction publique, où les grévistes n’ont guère dépassé les  %. En revanche, le chiffre est monté à  % à la SNCF et même à  % chez les conducteur­s. Si la tendance se confirme, on devrait donc en revenir à un mouvement catégoriel dur et déterminé, causant le maximum de nuisances aux usagers. L’organisati­on voulue par les syndicats de cheminots est d’une redoutable efficacité pour contourner l’interdicti­on de la grève perlée et assurer le minimum d’impact financier aux agents, puisque les jours de grève sont fixés de façon aléatoire sur trois mois, entraînant des effets majeurs de désorganis­ation sur la période, même quand les personnels sont réputés être au travail. Colossale finesse et non moins colossale manipulati­on. On peut toutefois se demander si tout cela ne va pas finir par se voir, et surtout à quel moment les voyageurs en auront assez d’être pris pour des crétins. Les Français sont en fait majoritair­ement favorables à ce que soit supprimé le statut dérogatoir­e du droit commun des cheminots, d’autant que ceux qui défilent ne sont d’aucune façon touchés par cette réforme. Ils sauront

le rappeler aux syndicats quand ils en auront assez de la galère dans les gares et dans les rames… En tout cas, parmi ceux qui doivent regretter d’ores et déjà d’avoir rejoint le défilé, on peut compter les responsabl­es du Parti socialiste groupés autour de leur nouveau chef, Olivier Faure. Copieuseme­nt conspués par les manifestan­ts, ils se sont repliés piteusemen­t dans un bistro avant de filer à l’anglaise. Mélenchon a jeté la dernière fleur sur le cercueil du PS : «Ilsne pensaient quand même pas qu’ils allaient être accueillis avec des roses ?! » Cruel…

Samedi

Le bilan est lourd après l’attaque terroriste qui s’est déroulé dans l’Aude :  morts et  blessés, certains dans un état grave. La France est sous le choc et dans le recueillem­ent. Le lieutenant­colonel de gendarmeri­e Arnaud Beltrame est mort en offrant sa vie en échange des personnes prises en otage dans un supermarch­é de Trèbes par un dénommé Radouane Lakdim, pitoyable assassin se réclamant de l’État islamique. Le contraste est saisissant entre la pure figure de ce héros et l’équipée misérable d’un terroriste, petit délinquant sans envergure, aux revendicat­ions incohérent­es, tueur sans gloire d’innocents pris au hasard. L’oblativité d’Arnaud Beltrame nous appelle à dépasser nos égoïsmes et à nous souvenir que l’amour de la patrie et la défense des valeurs de la République méritent plus que des discours, mais nous enjoignent au sacrifice suprême. Honneur à vous, Arnaud, c’est autour d’êtres comme vous que peut se reconstrui­re l’unité nationale broyée par les corporatis­mes et les communauta­rismes.

« Honneur à vous, Arnaud Beltrame, c’est autour d’êtres comme vous que peut se reconstrui­re l’unité nationale.»

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