Nice-Matin (Cannes)

Muse à tous les étages Interview

Comédie : Stéphane de Groodt partage la scène avec Bérénice Bejo pour une tendre Tandem à découvrir sur la scène d’Anthéa demain

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

On le connaît pour son fin esprit, pour ses calembours de l’improbable, pour son charme intelligen­t. Si ce n’est pas déjà fait, on pourra le connaître dès demain pour son jeu sur les planches. Stéphane de Groodt partage la scène d’Anthéa avec Bérénice Bejo pour Tout ce que vous voulez. Une comédie, une romance, une rencontre. Entre Thomas, le voisin fiscaliste qui aurait dû être barbant. Et Lucie, la voisine écrivain qui aurait dû être renfrognée. Tout aurait dû les séparer. Sauf que les liens sont parfois plus forts que le destin…

On vous retrouve à nouveau dans une pièce de Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière : leur plume vous touche ?

La plume est toujours très douce… [rires] Je les ai rencontrés à l’occasion de la générale du Prénom à Bruxelles. J’étais tellement excité de me glisser dans le costume du rôle de Bruel dans le film ! Les mois et les années qui ont suivi on s’est reniflés un peu, on sentait qu’il y avait de l’envie réciproque. Mais c’est vrai que cette écriture me plaît bien : elle est teintée de romantisme, de comédie. On rit, on pleure, les émotions sont mêlées. Pour cette pièce, la partition que j’ai à produire est passionnan­te : je joue deux rôles et mon personnage de base évolue déjà beaucoup…

C’est quel genre de type ?

Au début, c’est un voisin qui vient se plaindre d’une fuite d’eau dans son appartemen­t. Puis il est surpris de voir cette voisine singulière. Petit à petit il va savoir être indispensa­ble. Et se révéler à lui-même aussi.

Et devenir la muse de Lucie…

Absolument.

Pourtant, au premier abord, ça ne paraît pas évident !

Il a un côté assez attachant. Elle va le regarder, l’écouter, se laisser porter par ce personnage, ce type qui déboule dans sa vie. Lucie est auteur, quelqu’un d’assez solitaire. A priori, elle ne cherchait pas à avoir ce type dans les pattes. Et pourtant elle va se laisser avoir par l’envie de le revoir souvent. Il pourrait passer pour un emmerdeur mais le contre-pied est là.

Lui aussi est seul ?

Par la force des choses, oui.

C’est une histoire d’amitié avant d’être une histoire d’amour ?

L’amitié et l’amour

‘‘ sont des sentiments assez ténus : on peut basculer dans l’un et dans l’autre facilement, il suffit de peu de chose. Une belle histoire d’amitié peut être aussi précieuse, si ce n’est plus, qu’une belle histoire d’amour.

Et lorsqu’on forme un duo, il faut que la complicité règne !

Ce qui n’est pas toujours gagné. Ce qui a été assez intéressan­t avec Bérénice c’est qu’elle n’avait jamais joué au théâtre avant. Ca a créé un lien particulie­r. Parce qu’avec quelqu’un qui n’a pas tout à fait les codes, la technique, le mode opératoire : vous êtes peut-être plus attentif, plus soucieux, vous formez un véritable équipage ! C’est ça le théâtre : une traversée. C’est obligatoir­e que cela se passe bien. On s’investit beaucoup dans une pièce pour avoir sur scène une vraie communion avec le public, c’est ça que j’adore. Et c’est pour cela que les rapports humains y sont très importants. Concernant notre équipage avec Bérénice, je pense que l’on est assez complément­aire avec son expérience du cinéma et mon amour du théâtre.

Lucie est en panne d’inspiratio­n parce qu’elle connaît le bonheur. Vous avez besoin de souffrir pour créer ?

Non. En fait, il n’y a pas de généralité. Il y a des gens qui ont besoin d’écrire avec un stylo, d’autres avec leur sang. C’est un peu compliqué parce que l’on passe toujours par des états différents : heureux, malheureux, dramatique­s, formidable­s… L’écriture c’est du travail. Il faut écrire pour être inspiré. C’est en commettant les choses que les choses viennent à vous. À mon sens, vous êtes constammen­t traversé par pleins de sentiments au final. Personnell­ement, je ne suis pas sûr que la souffrance m’ait permis d’écrire ou de faire quelque chose.

Vous installez un environnem­ent spécifique pour écrire ?

C’est marrant ça… Les meilleures formules ou options, je les ai eues dans ma douche, en voiture et à vélo. ! Je crois que c’est la mobilité qui fait ça. Même dans la douche, il y a une mobilité, l’eau qui coule sur moi… Ensuite une fois que les idées viennent il me faut un silence absolu pour les formaliser. Je m’assois, je m’enferme dans ma bulle. Je ne peux pas écouter de musique ou boire un verre de vin. Même si je trouve cette image de l’auteur vraiment romantique. C’est vrai, j’aimerais bien

‘‘ correspond­re à cette image : gorgée de vin, musique classique, bûche qui crépite. Mais non !

Du coup vous prenez huit douches par jour ?

[rires] Mais il m’est arrivé de faire couler l’eau dans la salle de bains pour voir si ça fonctionna­it, l’arrivée d’idées !

Qu’est-ce qui vous inspire ? La lecture ?

Je ne suis pas un grand lecteur alors que j’aime lire. Question de temps. Quand je suis dans des projets divers et variés, j’ai toujours envie de faire mille choses à la fois. Mais c’est compliqué de faire les choses bien dans ces cas-là. Et c’est aussi compliqué de me concentrer sur un seul sujet. C’est à ce momentlà que je me mets à regarder autour de moi. Je suis très à l’écoute de ce qu’il se passe, c’est primordial ça. J’ai fait beaucoup d’impro, je ne suis pas quelqu’un d’académique : la théorie je ne la comprends pas. Il faut que ça soit quelque chose de très concret pour que cela puisse me parler. Et m’inspirer. Les autres m’inspirent beaucoup. D’ailleurs j’aime énormément écrire à quatre mains. Je vais poser quelque chose et l’autre apporte quelque chose et ainsi de suite…

C’est presque un jeu !

Tout à fait. On m’a posé la question souvent à savoir si j’allais faire un seul en scène. Mais je ne peux pas : j’ai trop besoin d’avoir le regard de l’autre sur les planches. Cet échange.

Votre lutte contre la page blanche ?

Il faut noircir des pages et des pages pour en avoir une convenable. D’ailleurs je procrastin­e beaucoup dans ce domaine. Même si je vire la moitié, j’aime mettre plein de choses sur le papier. C’est comme pour un film : j’aime avoir beaucoup de rushs. Et après je compose ma mélodie, ma partition, les arrangemen­ts. Ca j’adore !

En ce moment vous écrivez ?

Justement, avant que vous ne m’appeliez j’étais en train d’écrire. Je suis sur un projet de livre et sur un scénario de film.

Et sinon, vous avez tout ce que vous voulez?

J’espère surtout que lorsque je quitte la scène le soir que les gens ont eu ce qu’ils voulaient. On les embarque pendant deux heures dans une salle, c’est prenant. Vous savez, c’est comme quand on fait la cuisine, on la fait pour soi, mais on a d’abord envie que les gens apprécient votre plat.

de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, mis en scène par Bernard Murat, avec Bérénice Bejo et Stéphane de Groodt, demain à 20 heures, mercredi à 20 h 30 et jeudi à 20 heures,au théâtreAnt­héa,260 avenue Jules-Grec àAntibes.Tarifs:19 à 37 euros.Rens.04.83.76.13.00.

 ?? (Photo DR) ??
(Photo DR)
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France