Nice-Matin (Cannes)

Pédophilie : un instituteu­r jugé trente ans après

Caroline, élève de CE1 en 1986 à Saint-Laurent-du-Var, explique que son instituteu­r de l’école Michelis, avait des gestes déplacés. Peut-on condamner le retraité, trente ans après?

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

La justice a rattrapé par la manche Georges S., 73 ans, instituteu­r à la retraite. Il pensait couler une paisible retraite à SaintLaure­nt-du-Var. Trente ans après, son penchant pour les petites filles lui revient en pleine figure. À l’origine de la plainte, Caroline, visage fermé, teinte diaphane, cheveux noirs comme son regard quand il se pose sur le maître d’école. Le vieil homme, moustache blanche, crâne dégarni, répond devant le tribunal correction­nel de Grasse d’agressions sexuelles. Il y a bien longtemps qu’il a abandonné le tableau noir de l’école Michelis à SaintLaure­nt-du-Var. D’abord contraint et forcé par l’Éducation nationale qui, dès 1994, avait été alertée par son comporteme­nt. Deux élèves avaient déposé plainte. L’instituteu­r avait été muté à l’Institut de formation des maîtres où il terminera sa carrière. Il avait finalement été condamné en 1999.

Sur ses genoux

Caroline avait 7 ans en 1986. Elle était élève de CE1. Le long mais pertinent débat juridique sur le délai de prescripti­on soulevé par Me Mathurin Lauze, en préambule du procès, doit lui paraître bien dérisoire. Pour cette femme, qui vit et travaille à Paris, trois décennies n’ont pas suffi à cicatriser les plaies. « Sous prétexte de corriger mon travail, il me faisait venir sur ses genoux », raconte, colère rentrée, Caroline. «Il avait le même comporteme­nt avec les filles de la classe. Il était au contraire violent avec les garçons. » Il y a eu également un épisode un soir de classe de neige à La Colmiane. Caroline ne peut pas oublier. En 1990, Caroline avait évoqué les faits avec ses parents mais à l’époque elle ne se sentait pas prête : « J’ai préféré les enfouir. » Un expert confirme que les gestes déplacés de l’instituteu­r ont provoqué des « troubles de personnali­té », «une perte de confiance», « une sexualité perturbée ». « Il faut se réconcilie­r avec son enfance », explique-t-elle au tribunal.

« J’étais très affectif »

La présidente Nathalie Ramage à l’adresse du prévenu : « La mémoire vous est-elle revenue ? Ce que dénonce Caroline, qui est similaire à ce que beaucoup de vos élèves ont dénoncé et cela vous a valu condamnati­on?» « J’étais très affectif », répond Georges S. « C’est quoi un instituteu­r affectif ? », s’étonne la magistrate. « Un instituteu­r qui les prend dans ses bras, mais pas qui leur touche le sexe. » « C’est difficile de reconnaîtr­e que l’on a tripoté des petites filles... Devant l’expert psychiatre, vous ne dites pas je n’ai rien fait. Vous dites, oui effectivem­ent, il s’est passé des choses et je ne me les explique pas... Caroline aimerait avoir des réponses. » Me Demarchi, conseil de la partie civile, souligne combien les récits de victimes sont identiques, avec ce rituel de la correction des devoirs : « Si on extrapole, c’est entre 80 et 160 agressions qu’a subies Caroline pendant les deux années de scolarité. » L’avocat ne croit pas aux coïncidenc­es : « Il ne se souvient pas. Et pour cause. Il y a eu tant de victimes. » Pour Thierry Bonifay, le procureur, «Georges S. a trahi la confiance de la fonction publique et des parents d’élèves. » Le magistrat s’attendait à un prévenu repentant. Il découvre un homme fuyant contre lequel il requiert 18 mois de prison avec sursis. Me Mathurin Lauze, sans remettre en cause le traumatism­e de Caroline, estime que le dossier, tel qu’il se présente trente ans après, sans preuve, sans témoin « ne permet pas de condamner Georges S. ». « Il admet qu’il avait, à l’époque, ce type de pratique mais il n’a jamais reconnu des attoucheme­nts sur Caroline. » Le prévenu a la parole en dernier. De sa voix voilée Georges S. finit par fendre l’armure : « Je suis désolé des souffrance­s de Caroline. J’espère que cette procédure va aider Caroline à passer à autre chose. » Le tribunal s rendra son jugement en mai.

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(DR) Enseignant et directeur de l’école Michelis dans les années , Georges S., déjà condamné en  pour agressions sexuelles sur des élèves, est à nouveau poursuivi.

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