Nice-Matin (Cannes)

Laurence Trastour : la force de la volonté

La députée Les Républicai­ns, après une enfance heureuse mais compliquée, a dû se convaincre elle-même qu’elle avait le niveau pour avancer en politique

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Nature. C’est le qualificat­if qui vient aussitôt à l’esprit après un moment passé avec Laurence Trastour-Isnart. « Je risque de pleurer beaucoup», avait-elle prévenu avant de passer en revue son existence. Pas tant que ça, au final… La nouvelle députée de la 6e circonscri­ption est devenue costaude. Elle s’est forgée une carapace dans la difficulté, se nourrissan­t de ses faiblesses pour progresser. «J’ai beaucoup travaillé pour y arriver, mais aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir trouvé ma place», concède celle qui a, notamment, dû lutter contre une dyslexie tenace. Députée ou pas, elle sait en tout cas d’où elle vient et reste accrochée à ses amarres. L’été dernier, elle s’est comme toujours rendue, avec mari et enfants, au camping de Pinarello, en Corsedu-Sud, où elle a ses habitudes depuis des décennies. Toute môme déjà, elle y passait trois semaines en famille. L’occasion de profiter de parents marchands de fleurs à Cagnes qu’elle voyait peu le reste de l’année. Elle a appris à y monter à cheval et s’y est liée d’amitié avec l’équipe d’un cirque familial qui vient, chaque été, animer le camping.

Tata Lila, le repère

« Mes parents travaillai­ent beaucoup, raconte-t-elle. Ma mère se levait à quatre heures du matin pour aller chercher les fleurs au MIN. Et ils bossaient toute la semaine jusqu’au dimanche 13 h. Petite, j’ai donc été beaucoup élevée par mes grands-parents et par ma nounou, tata Lila. Elle avait perdu un enfant à la naissance et s’est occupée de moi comme une seconde mère. Elle mettait de côté ses propres souffrance­s pour donner aux autres. C’est elle qui le soir me tenait la main pour m’endormir. » Cagnois, ses grands-parents paternels vendaient des boissons en gros, tandis que, côté maternel, ils avaient émigré du Piémont pour devenir métayers puis réussir dans le commerce de la fleur. Parce qu’ils étaient rares, la fille unique cultive la nostalgie des dimanches après-midi au bord de mer à La Gougouline l’été, puis des dimanches entiers au ski, à Beuil, avec son père. Ses parents ont divorcé alors qu’elle avait onze ans.

«J’ai eu le sentiment de grandir trop vite dans un monde d’adultes. J’ai souffert de la distance avec mes parents, mais en même temps j’ai toujours été entourée, gâtée, chouchouté­e, j’ai eu de l’amour. Et je sais que mes parents travaillai­ent dur pour pouvoir me construire un avenir», mesuret-elle.

Prise de confiance

Le cocon familial qui lui a en partie fait défaut, Laurence Trastour l’a construit avec son mari Philippe, rencontré à quatorze ans. Ils ont aujourd’hui trois garçons âgés de 23, 22 et 9 ans. «Je suis une maman poule », assure la députée, que son parcours a incitée à s’intéresser aux questions éducatives et à s’investir au sein d’une associatio­n proposant des animations pour les enfants séparés de leurs parents. Susciter de l’amour. Et prouver qu’elle valait mieux que ce qu’on pouvait penser d’elle… Cela a été le ressort de Laurence Trastour. Après un BTS en économie sociale et familiale, elle a oeuvré en alternance comme préparatri­ce en pharmacie. Avant de reprendre ses études en 1999, maîtrise de gestion et DESS de marketing à la clé. « J’étais quelqu’un de réservé, sans aisance verbale. La première fois que j’ai dû lire un texte en conseil municipal, le papier tremblait. Mais les moqueries m’ont donné envie de me rebeller. Et dans ce parcours, le maire de Cagnes m’a soutenue sans me surprotége­r. Il m’a fait prendre confiance en moi.» Apaisée, plus sûre d’ellemême, elle lâche : « Mon mari

ne me le dit jamais directemen­t, mais je sais par d’autres qu’il est fier de mon parcours.» Sa plus précieuse victoire.

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A son arrivée à l’Assemblée nationale, en juin dernier, où elle a succédé à Lionnel Luca. (Photo Dominique Leriche)

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