Nice-Matin (Cannes)

Une scène de guérilla urbaine à Marseille devant la justice

La fusillade, sur fond de trafic de drogue et impliquant des mercenaire­s kosovars, avait eu lieu à la cité de la Castellane le 9 février 2015, juste avant une visite du Premier ministre d’alors, Manuel Valls

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Treillis, cagoules, gilets pare-balles, kalach’… et mercenaire­s kosovars: 15 personnes comparaiss­ent aujourd’hui devant le tribunal correction­nel de Marseille, pour une fusillade sans victime, en 2015, sur fond de trafic de drogue, quelques heures avant une visite du Premier ministre Manuel Valls. Le 9 février 2015 vers 9 h 30, des témoins décrivent « une scène de guérilla urbaine»: une dizaine de personnes en tenue de camouflage, équipées de fusils d’assaut et de talkies-walkies, tirent en rafale dans la cité de la Castellane (quartiers Nord), un haut lieu du trafic de drogue, obligeant un groupe scolaire à confiner les élèves.

Recrutés à Munich

Alertés, des policiers entrent dans la cité, très enclavée, à bord de trois voitures, toutes sirènes hurlantes et gyrophares allumés. Parmi eux se trouve même un des plus hauts responsabl­es policiers du départemen­t, le directeur de la Sécurité publique Pierre-Marie Bourniquel. Accueillis par des rafales de coups de feu – tirés en l’air, révélera ensuite l’enquête – ils sont contraints de se réfugier au pied d’une tour pendant que le commando, qui n’a fait aucun blessé, prend la fuite. Quelques heures avant la visite du Premier ministre Manuel Valls, venu vanter les résultats « encouragea­nts » de la lutte contre la criminalit­é dans la cité phocéenne, la fusillade fait très mauvais effet. Selon l’accusation, le commando, dit de la Jougarelle – du nom d’une des allées de la cité –, avait été formé pour en découdre avec un réseau de trafic de drogue concurrent de la même cité, celui de la « Tour K ». Aujourd’hui, ce sont donc neuf hommes et une femme qui sont jugés pour violences volontaire­s sur des policiers, détention d’armes et associatio­n de malfaiteur­s. Cinq autres prévenus, soupçonnés d’avoir apporté une aide logistique au commando, comparaiss­ent pour associatio­n de malfaiteur­s. Dix d’entre eux seront jugés détenus, et cinq libres. Selon les enquêteurs, quatre membres du commando, des Kosovars aujourd’hui en détention provisoire, avaient directemen­t été recrutés près de Munich par un compatriot­e vivant à Marseille, afin de reconquéri­r le point de vente de drogue de l’entrée de la cité. Des traces ADN relevées sur des armes et des munitions, et des vêtements et divers objets, retrouvés dans un véhicule volé et dans un appartemen­t «refuge» où les malfaiteur­s s’étaient changés, avaient finalement permis aux enquêteurs d’identifier les participan­ts présumés de la fusillade, parmi lesquels Salim Tachouaft et Seif Khadri, considérés par les enquêteurs comme les chefs du commando.

« Une guerre qui n’était pas la sienne»

Salim Tachouaft, 37 ans, déjà condamné à neuf reprises, et Seif Khadri, son beau-frère, 29 ans déjà condamné trois fois, avaient été arrêtés six jours après les faits dans un appartemen­t de Seine-SaintDenis. En état de récidive, ils encourent jusqu’à 20 ans de prison, même si la tentative de meurtre avec préméditat­ion, passible de la cour d’assises, a finalement été abandonnée. Les quatre Kosovars venus d’Allemagne, dont une femme, avaient été interpellé­s près d’un mois plus tard dans un salon de thé du 3e arrondisse­ment de Marseille. «Ma cliente est venue en France en caressant l’espoir d’une vie meilleure, et s’est retrouvée dans une guerre qui n’était pas la sienne» , a déclaré Me Audrey Degoutin, avocate de Marigona Kosumi, assurant que sa cliente à qui l’on avait proposé un «poste dans la sécurité» «ignorait les tenants et les aboutissan­ts» de sa mission. « Je crains que le tribunal soit particuliè­rement sévère en raison du caractère exceptionn­el et médiatique de cette affaire », s’inquiète de son côté Me Bruce Blanc, avocat d’un des prévenus, Abdallah Dakhouche, soupçonné d’avoir directemen­t participé à la fusillade. Le procès doit s’achever jeudi 5 avril.

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